Climato-scepticisme ou mécanisme de protection psychologique

8 décembre 2009 - Posté par Alain Grandjean - ( 7 ) Commentaires

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George Monbiot
Credit : George Monbiot

Voici des extraits d’article de George Montbiot sur Contreinfo qui donne des raisons psychologiques à la montée étrange du climato-scepticisme ces dernières années :

« Inutile de le nier : nous sommes en train de perdre. Le déni du changement climatique se répand tel une maladie contagieuse. Tout cela dans un milieu imperméable aux preuves comme au raisonnement logique
[…]
la proportion d’Américains qui estiment qu’il existe des preuves solides montrant que le monde s’est réchauffé au cours des dernières décennies a chuté de 71% à 57% en 18 mois seulement
[…]
l’anthropologue Ernest Becker a émit l’hypothèse que la crainte de la mort nous pousse à nous protéger avec des « mensonges vitaux » ou par une« armure psychologique ». Nous nous défendons de la terreur ultime en nous engageant dans des projets supposant l’immortalité
[…]
se pourrait-il que la croissance rapide de la négation du changement climatique au cours des deux dernières années soit en fait une réponse au renforcement des preuves scientifiques ? Si oui, comment diable y faire face ?
« 
(Lire l’article en entier sur Contre-info)

Le déni est donc bien là et nous pose bien des problèmes. J’expose dans une interview pour l’Expansion une autre raison, parallèle : plus forte est la perception que la lutte contre le changement climatique engendre des contraintes, plus s’intensifie la recherche de « preuves  » que ces contraintes sont injustifiées, donc plus les climato-septiques sont écoutés. La logique des médias est telle qu’ils doivent donner la parole à ces arguments sceptiques qui ont donc une « part de voix ». Leur nombre semble augmenter proportionnellement avec le nombre de ceux pour qui le confort n’est pas négociable.

Un papier de Clive Hamilton et Tim Kasser (October 2009) regroupe les processus d’adaptation psychologues à la menace d’un monde gagnant 4°C ainsi : (anglais)

1. Denial strategies. These strategies aim primarily at suppressing anxiety
associated with predictions of climate disruption by not allowing the facts to
be accepted in the conscious mind. By denying the reality of the facts, no
emotions need be felt.
2. Maladaptive coping strategies. Those using these methods acknowledge and
accept the facts about global warming up to a point, but the emotional impact
is such that they need somehow to blunt some aspects of the facts or the
associated emotions. As such, these methods of coping can be maladaptive or
unhelpful both to the individual and to the situation because they impede
appropriate action.
3. Adaptive coping strategies. These strategies are deployed when the person
accepts both the facts and the accompanying emotions, and then tries to act on
the basis of both. They are adaptive in the sense of promoting psychological
adjustment to new circumstances and stimulating actions appropriate to the
new reality.

Les climato-sceptiques, logiquement situés dans la phase de déni, sur-réagiraient simplement à cette perspective difficile ?
Si c’est vrai, voilà un public à qui il ne faut pas parler avec des menaces et des injonctions à bouger, mais bien avec des bonnes nouvelles, de l’optimisme et des solutions effectives…

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7 Responses to “Climato-scepticisme ou mécanisme de protection psychologique”

  1. “Quand tu décoches la flèche de la vérité, trempe d’abord la pointe dans du miel” sagesse Arabe

  2. Merci pour cette belle phrase !

  3. Je conseille aussi deux articles de Friedman (son livre Hot, Flat & Crowded vaut le coup de la lecture, il y mêle géopolitique international, énergie, climat, taxation du carbone et… leadership américain, bien sûr), toujours traduits sur contreinfo, « Les trois bombes de notre époque » http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2866 et « Climat ou pas, il faut abandonner le pétrole » http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2899. Les éditoriaux de Paul Krugman (sur le site lui aussi du NY Times) sur le sujet sont aussi très intéressants : lui aussi est favorable à une taxation ou un système de bons d’émissions (cap and trade) et démonte les arguments de ceux qui voient dans cette fiscalité une menace sur la croissance (la plus efficace est sûrement : les libéraux affirment que le marché peut s’adapter à tout, alors pourquoi sont-ils si opposés à cette fiscalité?)

    Sur l’article de Monbiot, certaines personnes se protègent effectivement en contestant le réchauffement, mais d’autres sont très inquiètes et on peux le comprendre quand on voit le catastrophisme exagéré de certains (cf. le film d’ouverture du sommet de Copenhague sur le site du Monde), ces personnes ne s’expriment pas et il est donc difficile d’estimer leur ampleur contrairement à certains vigoureux climato-sceptiques. Soit l’effet est contre-productif dans le premier cas (on doit se battre pour contredire des gens qui ne peuvent l’être et ne veulent pas) soit anti-productif dans le second cas puisque l’anxiété ne mène à rien non plus.

    Il faut savoir assouplir correctement son discours entre réalité et espoir (une sorte de « catastrophisme éclairé », je cite). Tout ça pour rejoindre le premier commentaire, en moins de mots.

  4. Il fallait lire « en plus de mots » pour la dernière phrase, évidemment :)

  5. Dans la même veine (sur l’éco-psychologie), le cycle du deuil d’Elizabeth Kübler-Ross s’adapte à la perte écologique et en l’occurence à la perte climatique. Vous pourrez trouver ici: http://www.descroissants.org/blog/index.php?post/2009/11/18/Les-aberrations-du-DD-et-l-%C3%A9co-psychologie les différentes étapes du deuil par lesquelles un individu doit passer avant de pouvoir réellement commencer à prendre conscience de la perte écologique. C’est à la suite de ces phases que l’on peut commencer à réellement trouver des solutions au problème.

  6. L’argumentaire utilisé ici me rappelle certains méthodes utilisées en URSS pour les opposants en essayant de les faire passer pour fous.
    Celui qui ne croit pas dans le dogme ne saurait qu’obéir à des motifs inavouables. La faible proportion de sceptique en France s’explique très bien par la propagande permanente des médias. Les seuls sceptiques sont ceux qui vont chercher de l’information ailleurs.
    Ce genre d’attitude est évidemment insupportable.

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