Le climat sacrifié sur l’autel politicien ?

24 mars 2010 - Posté par Alain Grandjean - ( 5 ) Commentaires

Tweet about this on TwitterShare on FacebookShare on LinkedIn
-

Le premier ministre vient d’annoncer l’abandon, après les régionales, du projet de taxe carbone que le président de la république avait lancé après les européennes. Le poids politique de l’écologie est interprété de manière différente après ces deux élections : le président de la République a compris après les européennes qu’il fallait prendre au sérieux les enjeux climatiques. Se dit-il maintenant que cela ne lui rapporte rien au plan strictement électoral ? François Fillon tente de faire de la taxe carbone un bouc émissaire pour ressouder la majorité après la défaite cuisante qu’elle vient de subir. Gageons que ce pari ne réussira pas en 2012…

Quoiqu’il en soit ces calculs ne sont pas dignes d’un président de la République au moment où l’humanité est confrontée à des risques extrêmes et doit réagir rapidement et à tous les niveaux (du local au mondial en passant par le national) pour les conjurer. Nous lui demandons donc de désavouer son premier ministre.

Cette décision qui intervient après plusieurs déclarations pour le moins ambigües, comme celle du salon de l’agriculture, donnerait clairement la preuve de l’absence de vision cohérente du gouvernement sur des enjeux majeurs. La crise pétrolière frappe à nos portes, les ménages et les entreprises ne se préparent pas assez vite et continuent à être infantilisés par des promesses qui ne seront pas tenues. Contrairement à une idée reçue la taxe carbone (dans une version plus ambitieuse que celle qui était envisagée, qui en constituait néanmoins le point de départ) est un rempart contre les pertes de compétitivité et de pouvoir d’achat qui vont frapper durement les entreprises et les ménages si aucune correction n’est faite au modèle économique actuel.

En voulant préserver son électorat et ses députés le président de la République détruirait l’un des instruments majeurs d’une politique économique durable. L’Histoire ne l’oublierait pas. Osons penser que la nuit porte conseil.

Alain Grandjean, http://alaingrandjean.fr/

Répondre à Stéphane

5 Responses to “Le climat sacrifié sur l’autel politicien ?”

  1. Alain, je suis en parfait accord avec ton propos.
    Je suis affecté, mais déterminé.
    Cela dit, je ne crois pas une seconde que Sarkozy fera une nouvelle fois volte-face. C’est mort et enterré.
    Comptes-tu publier une tribune de cet acabit sur le site de Carbone 4 ?

  2. Je suis effaré par l’annonce faite hier par F.Fillon. Quand on apprend le meme jour que le lobby japonais empeche de classer des especes de requins, thons… dans la liste des especes menacées, c’est à despérer de la nature humaine certains jours.
    A entendre les réactions positives à cette annonce dans les médias ou sur le web des politiques, des partenaires sociaux, des citoyens lamba, il est clair que la nature et l’ampleur des problemes à venir est inconnue, sous-estimée,… La priorité absolue est d’expliquer encore et encore le pourquoi d’une telle taxe, pour esperer l’appliquer un jour.

  3.   ChronoTrigger   24 mars 2010 à 21 h 12 min

    Une fois mis de côté l’aspect démagogique et purement électoral de la chose, on peut constater qu’une fois de plus l’environnement est considéré comme une chose pouvant être traité « à la marge ».
    Subordonner la taxe carbone à l’approbation européenne est une manière bien commode, tout en s’assurant de sa non-application, d’essayer de sauver la façade du Grenelle.
    On l’a vu à Copenhague, la question de la disponibilité des ressources n’a pas fait l’objet principal des conférences… C’est au moins la seule concession que l’on puisse faire à l’ignorance.
    Mais refuser de donner une visibilité sur un élément structurant *fort* de l’avenir, c’est clairement se tirer une balle dans le pied…

    Voir la présidente du MEDEF (qui accessoirement roule en Maserati) se réjouir de la faillite annoncée des restes de l’industrie française – sans doute pour ne pas payer trop cher son carburant – à moyen terme dépasse l’entendement.

    Non, monsieur Fillon, les Français ne sont pas tous satisfaits du volte-face du gouvernement, qui avait fait un pas un avant dans la bonne direction !
    J’ose espérer que les défenseurs de la taxe ne tarderont pas à être invités sur les plateaux télévisuels ; on a vu que c’est par l’éducation que les Français ont accepté les taxes sur le tabac, c’est par l’éducation qu’ils pourront accepter une taxe sur le carbone !

  4.   sceptique carlier   25 mars 2010 à 11 h 38 min

    Je comprends la déception. deux commentaires :

    – la TC fera sa vie a bruxelles mais il peut exister d’autre moyens très structurant (et contraignants) que vous pourriez porter : incitation-contrainte financière sur droits de mutation pour isolation de l’ancien réforme de l’urbanisme, autre bonus malus etc. Attention au syndrome  » c’est la taxe carbone ou la mort », (même en étant très convaincu c plus complexe)

    – abandon de la taxe carbone « un crime contre l’humanité » (rocard) ou sans taxe carbone c’est la catastrophe atomico-nuclaire esclavagiste (Jancovici) ces discours ne sont pas recevable techniquement (on peut considérer qu’il existe d’autres moyens que la TC) et ils sont insultants (désolé je ne suis pas un criminel): meilleur moyen de détourner les gens de l’écologie

    • Merci de ces commentaires, il est un peu tard maintenant pour y répondre point par point; juste un mot sur la taxe carbone, quand même. Je ne pense pas que « c’est la taxe carbone ou la fin de l’écologie », ni ne souhaite insulter ceux qui ne sont pas convaincus par ce dispositif. D’autant bien sûr que le projet, dans sa version signée par les députés, était peu ambitieux et peu engageant. Il y a bien des mesures complémentaires à prendre, à commencer par un premier paquet contenu dans le Grenelle2 , soumis au vote de l’Assemblée Nationale début mai et d’autres à suggérer fortement ou à proposer dans le cadre des futurs débats. Le sujet n’est donc pas clos. Je ne peux quand même que regretter que ce signal négatif ait été donné et que douter de la capacité du gouvernement français dans les prochains mois à pousser au niveau Européen une mesure qu’il n’arrive pas à prendre en France. L’Europe c’est d’abord une Union d’Etats-Membres….Je peux aussi m’inquiéter du fait que quelques semaines avant le vote du Grenelle 2 les députés UMP qui vont avoir à se prononcer (avec sans doute une tentation du PS de voter contre…) entendent deux discours de politique générale, au lendemain des élections, qui mettent clairement les enjeux écologiques au second plan. Il va falloir vite rattraper le tir et poser des actes crédibles pour rétablir la confiance.
      Plus fondamentalement, je ne crois pas que l’idée que le signal-prix marche soit une marotte d’ingénieurs. Beaucoup d’économistes observent l’efficacité de ce signal. et, malheureusement on verra qu’ils ont raison quand le prix du pétrole reprendra des couleurs. Evidemment la taxe prise isolément dans un seul pays à petit niveau ne peut jouer massivement sur le cours des choses pour transférer la rente des pays producteurs aux pays consommateurs. en revanche plus globalement il me semble évident en théorie que les pays consommateurs devraient être clairs avec les pays producteurs, pour les intérêts bien compris de tous, sur le fait qu’ils souhaitent s’orienter vers une diminution forte de leurs consommations d’hydrocarbures en en augmentant le prix. Pour réussir à faire prendre cette mayonnaise sans tomber dans le piège permanent du dilemme du prisonnier, je ne vois pas comment faire sans passer par la case : »un pays montre la voie et entraîne les autres »….

journal

Bibliothèque et papiers de référence