Changement climatique : en finir avec la confusion délibérée

21 avril 2010 - Posté par Alain Grandjean - ( 26 ) Commentaires

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La buvette des alpages - Fmurrr
Credit : La buvette des alpages - Fmurrr

La stratégie des climatosceptiques coule de source. Qui ne la bâtirait pas ainsi ? D’abord créer le doute dans l’opinion puis légitimer les points de vue opposés au consensus. Le doute n’est –il pas au cœur de la démarche scientifique ? Le débat n’est-il pas preuve de santé démocratique ?

De cette stratégie délibérée ou non (selon les acteurs) naît à l’évidence de la confusion dans l’opinion. Ce qui est recherché au moment où il faut prendre des décisions qui auront forcément un coût pour certains (ne serait-ce que celui de changer d’habitudes) et créeront des avantages pour d’autres (les entreprises qui fournissent des solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre).

Plus que jamais il est nécessaire de prendre du recul pour rappeler les faits saillants du dossier et mettre un peu de lumière pour dissiper ce sentiment de confusion.

Le débat d’opinion concerne les opinions pas les faits

Que le doute soit au cœur de la démarche scientifique ne signifie pas que la science ne soit pas capable d’établir des faits scientifiques indiscutés (après des travaux en général laborieux) ni des théories tout aussi indiscutées. Qui oserait affirmer que la terre est plate, ou que les continents n’ont jamais dérivé ? Qui oserait prétendre que les objets massifs ne tombent pas sur terre selon les lois de la gravitation ? En tous les cas tous ceux qui prennent l’avion font confiance (et ils ont raison) à la solidité des lois de la mécanique (des solides et des fluides). Et quand un avion s’écrase ce ne sont pas ces lois qu’on met en doute….

Que le débat d’opinion soit une condition de la vie démocratique, tous les démocrates dont je suis en conviennent. Faut-il pour autant mettre aux voix l’évolution de la température sur terre dans les 100 dernières années ? Le débat d’opinion concerne les opinions, pas les faits. Il concerne l’interprétation des faits, les conséquences politiques qu’on en tire, pas les faits eux-mêmes. En matière de changement climatique, le vrai débat politique porte sur les mesures à prendre, leur niveau institutionnel (ce qui doit se faire au niveau local, régional, national, européen, international), leur ambition, leur vitesse, les compensations à envisager vers les perdants, les mesures de transition à prendre….Bref il y a vraiment matière à débat, et débat sérieux sur la base des perceptions des uns et des autres, des intérêts en jeu et …des incertitudes que les scientifiques ne peuvent lever à ce jour, compte-tenu de leurs connaissances.

La nécessité de la production de consensus et du GIEC

Pour que ce débat ait lieu et contrairement à la suggestion perverse de certains qui proposent de supprimer le GIEC, il est nécessaire de disposer d’un mécanisme de production de consensus. Rappelons que c’est ainsi que la pratique médicale progresse : les praticiens, pour prendre des décisions et s’améliorer, doivent disposer du consensus de la communauté des chercheurs ; et ce consensus, qui doit être produit et dont la production doit être organisée, évolue bien sûr à mesure que la recherche progresse. Comment faire autrement ? Face à la masse considérable de documents et d’études publiés sur des sujets très vastes, le travail de consensus est absolument indispensable pour aider les décideurs qui ne peuvent analyser tout ce travail, et ne peuvent pas non plus se fier à un seul expert ou à un groupe d’experts. C’est la seule alternative à la dictature des experts ou au jeu des lobbies.

La dérive climatique actuelle peut conduire à un changement d’ère climatique en moins d’un siècle

A ce jour le résumé du consensus tient en quelques affirmations :

  • les gaz à effet de serre (GES, tels que le CO2, le méthane, le N2O, les gaz fluorés et quelques autres) augmentent le pouvoir d’effet de serre de l’atmosphère
  • ces gaz sont émis en quantités croissantes ; pour le seul CO2, la trajectoire dans un scénario « tendanciel » peut conduire dans le siècle à un triplement voire plus de la concentration « préindustrielle »
  • un simple doublement de la concentration de l’atmosphère en CO2 conduit à une augmentation de la température moyenne planétaire située, selon les estimations, entre 2 et 5 °C1.
  • l’écart de température par rapport à la dernière glaciation est de 5°C
  • la dérive climatique actuelle peut donc conduire à un changement d’ère climatique en moins d’un siècle
  • les impacts de ce changement d’ ère climatique sont négatifs voire très dangereux pour la majorité des habitants de cette planète

Ces affirmations dont la simplicité ne doit pas cacher l’acharnement avec lequel les scientifiques du monde entier se sont battus pour les produire avec un très fort niveau de consensus, suffisent à fonder solidement les décisions visant à réduire les émissions de GES. Des estimations plus serrées sont nécessaires pour définir les objectifs quantitatifs et calendés ; elles font elles aussi l’objet de travaux approfondis (mais pas de ce court papier !).

Les faux-problèmes des climato-sceptiques

Les climatosceptiques obscurcissent volontairement le débat, soit en propageant des erreurs factuelles2 soit en insistant sur des débats certes passionnants mais sans portée par rapport aux enjeux. Un seul exemple : on sait que l’évolution du climat à l’échelle de quelques décennies est pilotée par un nombre limité de paramètres :

  • les causes naturelles (dont l’évolution de l’activité solaire et volcanique, et les oscillations océaniques génératrices des phénomènes comme El Nino)
  • les émissions anthropiques de gaz à effet de serre et d’aérosols

Il en résulte une courbe d’évolution des températures qui n’a rien de linéaire puisque aucun de ces phénomènes ne l’est. Il est également possible que selon l’échelle d’observation retenue on puisse constater une baisse des températures ou un ralentissement de la hausse. Vrai ou faux, ceci n’a aucun rapport avec le consensus rappelé ci-dessus. A l’horizon du problème c’est-à-dire celui du siècle en cours, ne pas réduire les émissions de gaz à effet de serre c’est condamner nos enfants et petits-enfants à gérer un changement d’ère climatique aux effets dévastateurs.

Alain Grandjean

(Cet article est également disponible sur le site de l’Expansion, rubrique La chaîne Energie)

1 Alors que les variations naturelles du climat s’expriment sur la même période en dixièmes de degrés .

2 Le dernier livre de Claude Allègre en est bourré, voir par exemple http://sciences.blogs.liberation.fr/files/allegre6avril-1.pdf

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26 Responses to “Changement climatique : en finir avec la confusion délibérée”

  1. Bonjour

    je suis avec interêt depuis quelque temps les discussions sur le climat et l’énergie, et j’avoue être troublé par certaines discordances , et même incohérences.
    La principale étant « -ces gaz sont émis en quantités croissantes ; pour le seul CO2, la trajectoire dans un scénario « tendanciel » peut conduire dans le siècle à un triplement voire plus de la concentration « préindustrielle » »

    oui mais en même temps vous alertez sur le pic pétrolier et le risque d’une crise énergétique grave !

    or les scénarios dont vous parlez pour le climat qu’il s’agit d’éviter sont totalement incompatibles avec cette crise grave ! aucun ne prévoit un pic pétrolier avant 2030, ils sont tous basés sur une croissance économique deux moins 2% / an pendant 100 ans (ce qui fait au moins une multiplication par 8 du PIB quand même… ): comme « crise énergétique » on a vu pire !

    Vous etes bien d’accord qu’avant de multiplier par 3 la concentration en CO2, va falloir bruler un paquet de fossiles, ce qui est totalement incompatible avec une crise proche – et de plus la consommation de l’OCDE étant plus ou moins plafonnante, ce paquet de fossiles serait essentiellement brulé par des pays pauvres, contrairement à ce qu’on raconte : ce sont bien eux qui en profiterait le plus, à l’image et à la suite de la Chine actuelle.

    Est ce qu’il n’y a pas une certaine incohérence à alerter A LA FOIS sur les dangers de la suralimentation et de la famine? Incohérence d’ailleurs qui se retrouve dans le débat sur la taxe carbone où on ne sait plus du tout si son but est d’empêcher de trop consommer ou bien de se préparer à la dépletion proche – deux situation encore une fois opposées. Comment le message peut-il ne pas être totalement brouillé pour l’opinion ?

    (personnellement, entre les probabilités comparées des deux, mon choix est fait, mais j’aimerais avoir votre avis…)

    cordialement

    • Merci de cette remarque.
      On peut très bien avoir la peste et le choléra….A savoir une crise pétrolière dans les prochaines années qui désorganisent les économies occidentales mais qui conduit à une accélération du passage au charbon ( qui est bien parti, puisque 40 % de l’électricité mondiale est faite au charbon et qu’un très grand nombre de centrales en cours de construction sont au charbon (400GW à ma connaissance). Même en cas de crise mondiale nul ne sait combien de temps elle durera et à sa sortie le problème restera entier…
      Pour être un peu plus précis je pense qu’il faut alerter sur les deux enjeux pour la raison suivante :
      Le « trop de carbone sous terre » (si on brûle le CO2 sous terre on déstabilise le climat) appelle à une régulation par le prix du carbone. Cette régulation soit s’appliquer aussi autres GES comme le méthane, les fluorés. Elle doit aussi concerner les enjeux très lourds de « changement d’affectation des sols » (majoritairement mais pas exclusivement la déforestation).
      Le « trop de pétrole » (on est en train de traverser le peak oil) pourrait , aux yeux de certains économistes, être réglé par les prix. En effet la tension sur le pétrole peut conduire à des prix élevés ce qui limite la consommation. Je ne partage pas cette vue , et je préférerais de loin qu’on tente de lisser ce problème, pour des raisons sociales et pour accélérer la mutation qui en économie de marché ne se fait qu’au vu du signal prix.
      Malheureusement on n’y arrive pas et la préparation ne se fait pas. Du coup un scénario qui ne peut pas être exclu est bien celui d’une crise pétrolière, plus ou moins mondialisée, parallèle à un recours accru au charbon. Petite remarque : une crise économique non anticipée liée au pétrole ne sera pas du tout favorable à une régulation sur le charbon….

      C’est pour cela que nous préconisons avec Jean-Marc Jancovici un plan d’ensemble pro-actif qui permet de limiter la dépendance aux fossiles de toutes sortes.

  2.   Agequodagix   24 avril 2010 à 9 h 23 min

    Mais les principaux scientifiques du GIEC sont d’accord pour dire entre eux qu’ils ne sont nulle part dans leur connaissance du bilan énergétique de la planète, et que, par conséquent, leurs modèles climatiques ne sont fondés que sur des hypothèses carbocentriques non vérifiées ! C’est ce qu’ils admettent entre eux, et nous le savons parce que nous avons eu accès aux mails qu’ils s’envoient entre eux pour réaliser leurs rapports officiels. Ce n’est évidemment pas ce qu’ils ont mandat d’écrire. Mais nul ne devrait pouvoir ignorer ce qu’ils pensent vraiment. Et pourtant, le débat continue comme s’ils n’avaient jamais admis qu’ils ne connaissaient rien de scientifiquement fondé sur l’influence du CO2 sur le climat. Je suis consterné ! Personne nulle part, ne commente la série de mails qui finit par celui joint au commentaire (3) de l’article de l’Express, où les scientifiques du GIEC sont pourtant très clairs sur l’opinion qu’ils ont de l’état de leurs connaissances. L’opinion de chacun sur la valeur de la science climatique vaudrait-elle plus que l’opinion personnelle de ceux qui ont produit et publié cette science climatique ? Pourriez-vous m’expliquer ce paradoxe ? Je ne comprends vraiment pas.

  3. Bonjour

    si on peut avoir à la fois la peste et le choléra, en revanche il est difficile de mourir à la fois de famine et de suralimentation :). Je maintiens que les deux problème me semblent incompatibles : si le charbon suffit à compenser le pétrole, c’est qu’il n’y aura pas de crise énergétique associée par définition ! les scénarios du GIEC sont TOUS sans exception basés sur une croissance économique d’au moins 2% par an, ce qui fait un doublement en 35 ans, et une multiplication par 8 de la richesse mondiale – et prévoient d’ailleurs une réduction massive de la pauvreté et des inégalités dans le monde; difficile d’y voir une quelconque compatibilité avec une quelconque crise énergétique massive mondiale, si c’est juste quelques petites crises financières passagères qui nous attendent , y a quand meme pas de quoi fouetter un chat !!

    la question peut etre ramenée à une question quantitative très simple : pour quelle genre de courbe de consommation en Gtep/habitant pourrait-on avoir A LA FOIS une crise énergétique ET une crise climatique au XXIe siecle? ça me parait occuper des espaces disjoints dans l’ensemble des paramètres, et je suis surpris qu’on ne parle quasiment jamais de ça, et qu’on dise aussi souvent qu’on puisse avoir les deux à la fois.

    • @Gilles
      Bonjour
      Vous vous souvenez peut-être du livre « trop de pétrole »(1) d’Henri Prévot (voir son site), qui centre son analyse sur le fait qu’il y a beaucoup plus de carbone sous terre (sous forme de pétrole gaz et charbon ) que ce qu’il suffit pour déstabiliser le climat. Les chiffres de stock de carbone sont difficiles à estimer, puisqu’ils dépendent des ressources ultimes de ces énergies fossiles, elles-mêmes difficiles à connaître. Je ferai un point là-dessus lors d’un prochain post. Mais pour aller vite on peut dire qu’il y a au moins 1000 GTC sous terre dont les 3/4 sous forme de charbon et qu’il suffit de la moitié pour dépasser les 2° C d’augmentation à la surface de la planète.
      On pourrait très bien être affamés de pétrole pendant quelques temps ce qui créera une crise économique lourde (que je ne souhaite vraiment pas) puis passer au charbon pour les usages hors élec, si on ne fait pas attention à la question climatique. Je rappelle qu’il n’y a pas de vrais obstacles ni à la carbochimie ni à la transformation du charbon en liquide (CTL). Dans la période de transition on pourrait même se débrouiller pour passer une partie du parc auto au gaz. Le seul problème c’est la vitesse de la transition, il faut construire beaucoup d’usines CTL mais si on est en économie de guerre on s’affranchira des contraintes de l’orthodoxie monétaire et on les fera. On pourrait manquer d’acier, mais là aussi on se débrouillera, on fera de la récup!!! Bref il est urgent de mettre un prix au carbone pour éviter cette double horreur. Quand vous dites que les espaces sont disjoints, je pense que c’est parce que vous les regarder au même moment, les choses pourraient bien se passer en séquence.
      Pour info ce débat n’est pas très développé en public, mais l’est chez les spécialistes qui se demandent si tous les scénarios SRES sont compatibles avec les ressources existantes.

      (1) il veut dire en fait « trop de fossiles qui peuvent faire du pétrole, synthétique ou naturel »

  4. vous écrivez
    -un simple doublement de la concentration de l’atmosphère en CO2 conduit à une augmentation de la température moyenne planétaire située, selon les estimations, entre 2 et 5 °C
    C’est bien la le problème!
    C’est peut etre vrai mais il est aussi tout a fait possible qu’un doublement du gaz carbonique n’entraine … RIEN du tout!!
    Car cela a deja eu lieu il a 34 MA a une époque ou la Terre se refroidisait
    voir
    http://en.wikipedia.org/wiki/Carbon_dioxide_in_Earth%27s_atmosphere
    DONC 760 PPM de CO2 dans l’atmosphere peuvent tres bien ne rien provoquer comme augmentation
    Par ailleurs pourquoi les gens comme vous ne disent jamais a leur lecteur une vérité simple : La terre ne se réchauffe plus
    a lire absolument
    http://www.electron-economy.org/pages/Article_pour_lExpansion_la_chaine_energie_avril_2010–2886045.html

  5. @ Staune
    Bonjour,
    Le fait que la terre se va continuer à se réchauffer dans les prochaines décennies si on continue à augmenter à injecter des gaz à effet de serre est une quasi-certitude (c’est le résultat convergent de tous les calculs faits par les meilleures équipes de modélisation climatique dans le monde). Ce qui se discute c’est l’ampleur de ce réchauffement, mais dans une fourchette qui est malheureusement très claire : comme indiqué cette variation va  se mesurer en degrés et non en dixièmes de degré. Ce qui s’est passé il y a 34 millions d’années ne peut être un argument. Comme vous le savez le climat et la température de la planète dépendent  de nombreux paramètres qui ont varié dans le temps. Les projections à quelques décennies se font avec des modèles qui partent de la situation actuelle de ces paramètres et font bouger ceux qui bougent dans cet horizon de temps, pas les autres…Le raisonnement qui conduit à la conclusion de l’augmentation de la température n’est pas analogique ou statistique.
    Quant à affirmer que la terre ne se réchauffe plus il faut avoir un certain culot pour le faire.  Surtout cela ne change rien aux conclusions. La température sur la planète varie en fonction de plusieurs déterminants, dont l’oscillation océanique probablement à  l’origine du ralentissement actuel du réchauffement. Cela ne vient pas en contradiction avec le fait que sur plusieurs décennies le déterminant dominant ce sont les gaz à effet de serre qui vont générer une augmentation de température de plusieurs degrés alors que les variations naturelles jouent sur quelques dixièmes de degré. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai écrit le papier « en finir avec la confusion délibérée« . Je vous recommande si vous voulez vraiment avoir une information sérieuse sur le dossier climatique de consulter  www.realclimate.org. En attendant un seul graphique suffit pour le voir.
    Plus généralement , mon  blog n’a pas pour objet de faire un cours sur le climat ni de faire le point sur les controverses en cours. Je vous renvoie à d’autres blogs qui font cela très bien.
    http://www.skepticalscience.com/
    http://dotearth.blogs.nytimes.com/2010/03/24/a-physics-mavens-take-on-skeptical-science/
    http://scienceblogs.com/illconsidered/2008/07/how_to_talk_to_a_sceptic.php
    http://sauvonsleclimat.typepad.fr/le_blog_de_lassociation_s/2010/04/argumentons-face-aux-climatosceptiques-.html
    Bien à vous
    Alain Grandjean

  6. Bonjour

    certes, M. Prevost développe une des thèses : trop de pétrole. Mais justement il ne pense pas à un pic proche, c’est en ça que je dis que les deux positions sont relativement incompatibles. Il y a aura evidemment mathématiquement un pic de production pétrolière. Le débat est seulement si il aura lieu dans les années qui viennent, ou dans 20 ans ou plus.

    Comme vous le signalez vous même de toutes façons, la quantité de pétrole et de gaz raisonnablement extractible n’est probablement pas supérieure à 3 ou 400 GtC et ne suffira pas à dépasser 2°C, et toutes les économies raisonnables qu’on peut faire sachant qu’on ne peut pas tout arrêter d’un coup ne jouent au mieux que sur une centaine de GtC. Le problème n’est donc pas là. Il est juste sur « l’épouvantail  » du charbon. Je ferai cependant remarquer que
    * si techniquement on sait faire du CTL, il n’a jamais été développé au point où nous consommons actuellement du pétrole, et il est très improbable qu’on en produise 50 ou 100 millions de bl /j
    * il est assez contradictoire de penser que le pétrole cher peserait sur l’économie mais pas le CTL – c’est à dire que la demande puisse continuer de croitre avec une ressource qui serait chère, et qui finirait d’ailleurs par être impactée tout autant par le pic du charbon.
    * il est d’ailleurs tout aussi contradictoire de penser que l’augmentation du prix du baril pourrait provoquer une récession voire un effondrement mais qu’une taxe n’aurait pas cet effet. Soit nous saurons nous adapter aux ressources chères et on le fera de toute façon, soit nous ne le saurons pas et la récession arrivera aussi de toutes façons.

    * plus généralement, je reste sceptique sur l’idée qu’une taxe modifierait le total des URR extractibles. Si on a besoin des fossiles on les extraira jusqu’à ce que les conditions économiques nous empêche de le faire – mais ce n’est certainement pas à cause d’une taxe qu’on va s’empêcher de le faire !

    • La prospective, ce n’est pas facile, car elle concerne l’avenir, pour paraphraser un grand auteur (Pierre Dac?). Notre débat ne sera tranché que dans quelques années…
      Deux mots de précision néanmoins.
      Ce qui pour moi est susceptible de créer une crise économique lourde ce n’est pas le peak oil en tant que tel. C’est sa survenue rapide et non anticipée et surtout sa forme. Si la déplétion s’enchaîne vite derrière et à une vitesse élevée nos économies subiront un choc massif. En revanche s’il s’agit d’un plateau un peu long, qui provient plutôt fin de la décennie avec une décroissance lente, les économies pourront s’adapter; surtout si elles ont commencé ce qui est notre objectif central.
      C’est d’ailleurs ce qui prévalait à la notion d’une contribution climat energie progressivement croissante dans le temps. Elle permet de créer les conditions d’une adaptation progressive.
      On peut imaginer de nombreux scénarios (et c’est sans doute encore autre chose qui se passera!!). Mais je ne vois pas comment on peut exclure a priori un scénario de crise économique liée au peak oil accompagnée d’un recours croissant au charbon. Evidemment dans le scénario du pire (peak oil brutal pas du tout anticipé et crise économique majeure auprès de la quelle 29 aura été une aimable plaisanterie) le climat gagne quelques années. Mais la dernière guerre mondiale doit quand même avertir sur la capacité d’adaptation des hommes et sur leur capacité à se mobiliser massivement. Meme dans un scénario de ce type le sujet charbon se repose derrière vite.
      Un scénario de crise moyenne ne résolvant pas le pb charbon pourrait être le suivant. Il dépend de la question centrale de la mobilité des personnes et des marchandises qui dépend majoritairement du pétrole. Cette mobilité peut évoluer fortement dans les prochaines années (d’où la théorie en vogue du pic de demande qui me semble, en tant que telle, très optimiste). La croissance du prix du pétrole inévitable va conduire à la baisse quantitative de la mobilité physique, au développement de voitures low-fioul , et si rien n’est fait pour s’y opposer à l’usage du charbon, au développement des solutions I.T. très carbonées , au transfert sur l’électricité d’une part croissante du parc.
      Comme déjà indiqué on peut aussi imaginer qu’une partie du parc passe au gaz et une autre au CTL. _Cela ne se fera pas en 5 minutes donc bien d’accord la transition sera rock and roll. C’est bien l’idée de ce scénario : une crise économique mais pas suffisante pour bloquer la sortie du carbone de terre.
      Bien à vous
      Alain Grandjean

  7.   Emmanuel ROBERT   3 mai 2010 à 22 h 18 min

    Bonjour,

    En septembre, j’ai annoncé à M. Jancovici que l’extension des glaces de mer arctiques allait reprendre du poil de la bête à la fin de l’hiver – pour tout le mois d’avril 2010, c’est la plus forte extension depuis huit ans :

    http://www.ijis.iarc.uaf.edu/en/home/seaice_extent.htm

    En décembre, j’ai annoncé à une centaine de stagiaires la survenue, en janvier et février, d’épisodes d’inondations pour l’Espagne et le Portugal – ce qui s’est produit. Je me suis planté pour la localisation géo des pires excès pluvios.

    J’annonce un effondrement de l’anomalie moyenne des températures du globe d’ici 2013 pour plusieurs raisons :
    – une nouvelle Niña pas avant 2011 (l’actuel niño semble lancé pour persister);
    – à l’issue de cette niña, une stabilisation hivernale des masses d’air continentales (situation de « blocage » avec oscillation arctique fortement négative, comme cet hiver)

    – une probable augmentation de l’effet albédo, du fait d’une forte croissance des précipitations neigeuses…

    …et donc : la panique totale en 2014 dans les rangs des climato-réchauffistes.

    Qui ne sera qu’une vaguelette de panique face à celle qui aura suivi l’implosion de l’Euro.

    Cette fois-ci, j’espère que je me trompe.

    Bien cordialement,

    Emmanuel ROBERT

  8. Bonjour

    mon propos n’était pas d’engager une discussion serrée sur les conséquences du pic du pétrole (il y a au moins un forum francophone que vous connaissez surement sur lequel des centaines de milliers de posts ont été écrits la dessus). Il était de souligner l’incompatibilité entre les scénarios de crise énergétique lourde et ceux de crise climatique lourde (après , on peut effectivement egoter sur ce qu’on appelle « lourd », sachant que le monde idéal sans problème n’existera jamais).

    Je vais prendre un paramètre extrêmement simple : la production mondiale de CO2 /habitant.

    Etes vous d’accord sur les constatations purement objectives suivantes :

    * il n’y a pas de scénario climatique grave dans lequel cette quantité plafonne à sa valeur actuelle ou diminue (sinon : lequel ?)

    * il est difficile de parler de crise énergétique proche dans un scénario où cette quantité continue à augmenter ?

    bien sur il y a aura forcément un jour où cette quantité diminuera, mathématiquement, on aura donc toujours un problème de pic de fossiles à un moment. Je dis juste que si ce moment est PROCHE, alors l’ensemble des scénarios climatiques graves me semble exclus (je suis ravi que des spécialistes commencent à se poser ces questions de manière confidentielle, je peux vous donner des références de mes contributions à ces forums datant d’il y a plusieurs années où j’étudiais les scénarios basés sur les réserves connues – dont aucun ne figure dans le SRES- , et pourtant je ne suis pas spécialiste ..)

  9. Merci de vos questions très simples
    -un scénario où les émissions sont maintenues constantes conduirait quand même à un risque climatique (je n’ai pas connaissance précise de scénarios de stabilité des émissions, car tout les experts les voient croître…) car ce qui compte pour le climat c’est l »intégrale des émissions et à 50GTCO2 eq par an au bout d’un certain temps non infini on arrive forcément à une augmentation de la concentration et à une augmentation de la température qui en découle de 3° ou plus. C’est pour cela que tous les scénarios de maîtrise climatique sont batis avec une hypothèse de décroissance des émissions. la stabilisation de la dérive climatique se fait quand les émissions de CO2 sont de l’ordre de la capacité de séquestration des océans et de la biomasse qui est considérée comme étant de l’ordre de la moitié des émissions de 90 , si j’ai bonne mémoire.
    -un scénario où cette quantité continue à augmenter peut coexister avec une crise énergétique : il y a plusieurs sources d’émissions et notamment la déforestation qui pourrait être accélérée en cas de tension sur le pétrole (on va accélérer la production de biocarburants), il y a le charbon dont je ne cesse de parler, on peut à mon avis avoir une déplétion pétrolière et une poursuite de l’usage du charbon voire son accélération pour essayer d’électrifier tout ce qui peut l’être,et le monde est très très grand
    bien à vous
    Alain Grandjean

  10. Bonjour

    « car ce qui compte pour le climat c’est l”intégrale des émissions et à 50GTCO2 eq par an au bout d’un certain temps non infini on arrive forcément à une augmentation de la concentration et à une augmentation de la température qui en découle de 3° ou plus. C’est pour cela que tous les scénarios de maîtrise climatique sont batis avec une hypothèse de décroissance des émissions. la stabilisation de la dérive climatique se fait quand les émissions de CO2 sont de l’ordre de la capacité de séquestration des océans et de la biomasse qui est considérée comme étant de l’ordre de la moitié des émissions de 90 , si j’ai bonne mémoire. »

    un scénario dans lequel les émissions resteraient constantes pendant longtemps est peu probable, car il ne correspond à aucune justification de l’équilibre économique. Si il reste plein de reserves possible, le plus probable est au moins une croissance suivant la croissance démographique, à consommation par habitant au moins constante (ce qui est le cas depuis à peu près 30 ans). Si on est au pic, le plus probable est une décroissance. La forme la plus raisonnable est une courbe en cloche genre Hubbert.

    Dans ce cas, il y a une relation relativement précise entre la date du pic et l’intégrale consommée. Comme vous le soulignez, c’est l’intégrale qui compte, donc je repose la question : y a-t-il un scénario réaliste (avec une forme raisonnable en cloche) qui a été étudié, qui corresponde à la fois à une crise énergétique proche et à une crise climatique ? je n’en ai toujours pas l’impression !

    notons d’ailleurs que si la réponse est oui, ça complique le probleme, puisque on ne peut le changer qu’en aggravant un des deux facteurs ! ce qu’il faudrait savoir, c’est si il y a un scénario qui évite A LA FOIS la crise énergétique et climatique.

    Evidemment ça semble impossible sauf à savoir se passer totalement de fossiles, ce qui est illusoire. En agrégeant toutes ces contraintes, mon sentiment personnel est que le plus probable est une crise énergétique proche grave et imminente (à cause du pic pétrolier), mais un RC lointain, modéré et gérable. Bref que l’ordre des priorités n’est pas vraiment celui présenté par les médias.

    cordialement

    • Quand je regarde des scénarios énergétiques prospectifs un peu sérieux je vois, dans un scénario tendanciel, plusieurs pics : le peak oil dans la décennie 2010 (même avec des saletés comme les sables asphaltiques) puis le gaz puis le charbon. evidemment le « tendanciel » n’a que peu de chances de se produire : assez vite le peak oil fait apparaître un baril à plus de 100 dollars puis 150 dollars, puis 200 et plus,ce qui crée une crise économique. C’est le scénario que Shell appelle Scramble. Chacun pour soi et les conflits pour tous.
      La priorité est donc bien de réduire notre dépendance au pétrole , ce qui me semble assez clairement le message que je porte ici, si ce n’est celui des medias. Supposons néanmoins que ce message soit entendu; hypothèse hardie, sans doute improbable, je vous l’accorde. Alors on anticipe les problèmes en accélérant massivement la sortie du fioul des maisons, en sortant du parc (mondial) les voitures qui consomment trop, on réduit la mobilité de luxe et ainsi de suite. Si ce type de politique n’est pas menée en tenant compte du risque de changement climatique il peut être générateur d’un risque d’aggravation du pb climatique, par exemple en développant l’usage d’une électricité carbonée (en gros à base de charbon, qui est aujourd’hui la source de 40 % de l’élec mondiale, comme vous savez).
      Il ya un troisième scénario sans doute encore moins probable à vos yeux d’une humanité qui fait face à son destin et qui traite le pb du pétrole et du climat; en réduisant sa mobilité, en l’opérant de plus en plus à l' »elec,/ hybride and co, avec une élec décarbonée. Pour réaliser ce scénario il faut une forte mobilisation mondiale, un G20 lucide, une Chine qui assume son leadership et le déploiement de technologies, de réglementations, de signaux prix, d’un contexte institutionnel nouveau. Dans le livre « Cest maintenant » nous avons essayé de montrer qu’il fallait changer de rythme pour mettre en place ce type de dynamique. Un grand pari « pascalien »? Je comprends très bien que vous puissiez ne pas y croire. Mais pour être honnête, je ne me pose pas beaucoup la question de la crédibilité. La situation est tragique, je pense que ce qui est possible de tenter il faut le tenter. Pour convaincre il faut bien montrer les tendances, les dangers, mais aussi les leviers du changement…

  11. Bonjour

    je suis à la fois d’accord sur l’analyse des problèmes et perplexe sur vos solutions. Quelques points d’accord/désaccord
     »
    Quand je regarde des scénarios énergétiques prospectifs un peu sérieux je vois, dans un scénario tendanciel, plusieurs pics : le peak oil dans la décennie 2010 (même avec des saletés comme les sables asphaltiques) puis le gaz puis le charbon.  »

    d’accord

    « evidemment le « tendanciel » n’a que peu de chances de se produire : assez vite le peak oil fait apparaître un baril à plus de 100 dollars puis 150 dollars, puis 200 et plus,ce qui crée une crise économique. »

    pas tout à fait d’accord : la crise récente a illustré ce qui allait se passer : des pics de prix produisent des récessions qui ramènent le prix du baril à des niveaux qui peuvent être faibles. Le résultat n’est pas un baril durablement au-dessus de 100 $, mais un appauvrissement général de la population, qui consomme donc moins.

     »
    C’est le scénario que Shell appelle Scramble. Chacun pour soi et les conflits pour tous.
    La priorité est donc bien de réduire notre dépendance au pétrole , ce qui me semble assez clairement le message que je porte ici, si ce n’est celui des medias. Supposons néanmoins que ce message soit entendu; hypothèse hardie, sans doute improbable, je vous l’accorde. Alors on anticipe les problèmes en accélérant massivement la sortie du fioul des maisons, en sortant du parc (mondial) les voitures qui consomment trop, on réduit la mobilité de luxe et ainsi de suite.  »

    Il n’y a aucun problème pour diminuer la consommation pétrolière et fossile, et même l’annuler : il suffit d’etre plus pauvre. Ce que vous appelez de vos voeux sans doute, c’est de la diminuer sans diminuer la richesse, c’est à dire d’optimiser la production de richesse pour une quantité donnée de fossiles. Je ferai remarquer

    a) que ce n’est pas vraiment nouveau, on a en fait toujours plus ou moins cherché à faire ça, même si on y pense plus en période de pénurie.

    b) que ça n’a jamais conduit à une décroissance absolue de la consommation, mais à une augmentation de la richesse produite pour une quantité donnée de fossiles. Personne ne s’est arrêté d’extraire des fossiles d’un gisement sous pretexte que les utilisateurs créaient plus de richesse avec !! donc plutot que « diminuer la consommation de fossile », il faudrait plutot parler de « augmenter la richesse produite avec » – ce qui n’a rien de très nouveau en réalité encore une fois

    c) qu’il est très improbable qu’on puisse le faire jusqu’à une efficacité /fossile INFINIE, c’est à dire faire fonctionner une société moderne avec zéro fossile, et que donc ça ne peut etre au mieux qu’un répit provisoire devant la fin inéluctable des fossiles, et en aucun cas une société « durable ». Les seules sociétés durables que je connais sont les sociétés agricoles, et encore, peut etre pas plus que quelques millénaires vu l’épuisement des sols.

    « Si ce type de politique n’est pas menée en tenant compte du risque de changement climatique il peut être générateur d’un risque d’aggravation du pb climatique, par exemple en développant l’usage d’une électricité carbonée (en gros à base de charbon, qui est aujourd’hui la source de 40 % de l’élec mondiale, comme vous savez).
     »
    oui je le sais et je ne vois pas en quoi fabriquer des véhicules électriques changerait cet état de fait. Mais même si on savait produire l’électricité mondiale sans aucun fossile (ce qui est très peu probable), encore une fois, ça ne ferait que prolonger leur usage, mais ça ne conduirait pas à changer l’intégrale consommé, dont vous avez dit vous même que c’etait le seul facteur important pour le CO2…..

    « Dans le livre « Cest maintenant » nous avons essayé de montrer qu’il fallait changer de rythme pour mettre en place ce type de dynamique. Un grand pari « pascalien »? Je comprends très bien que vous puissiez ne pas y croire. Mais pour être honnête, je ne me pose pas beaucoup la question de la crédibilité. La situation est tragique, je pense que ce qui est possible de tenter il faut le tenter. Pour convaincre il faut bien montrer les tendances, les dangers, mais aussi les leviers du changement… »

    personnellement je ne partage pas votre optimisme. Je pense qu’une vision réaliste montre que nous ne savons pas faire fonctionner une société moderne sans fossile, et que quelques soient les efforts qu’on fera, son déclin est inévitable. Après qu’on fasse le mieux qu’on peut avec ça, je n’ai rien contre bien sur. Mais je pense que ce serait trompeur de faire croire aux gens qu’il y a des solutions pour que leur vie ne soit pas gravement impactée – malheureusement de la façon à laquelle on assiste actuellement, une série de crises économiques graves réduisant petit à petit le niveau de vie de la consommation. On ne sauvera pas la Grèce avec des véhicules électriques et des éoliennes, il faut se rendre compte de la vraie nature du problème …

    • Quelques remarques :
      Le but du jeu n’est pas de supprimer l’usage des fossiles mais de tendre vers des émissions de 3GTC par an, soit 11 GTCO2 et ce si possible pour éviter une irréversibilité climatique ingérable par nos descendants vers 2050. Il est possible d’y arriver si on se bouge très vite (c’est le message de C’est maintenant, il faut construire le plan de route mondiale maintenant).
      On peut transférer la « richesse » des pays et entreprises qui sont assises sur la rente pétrolière vers ceux et celles qui développent les solutions « bas-carbone ». pour les ménages on transfert de la rente pétrolière vers la rente carbone sous forme de taxe. Tres concrètement je redis que sur le plan économique vu du ménage, c’est égal de dépenser de l’argent en isolation (pour un peu que la banque intervienne pour lisser les charges d’invt) ou en pétrole ou gaz.
      Je ne crois pas avoir dit que la solution était la bagnole électrique ou le éoliennes?
      Enfin je ne crois pas non plus avoir dit que tout allait bien se passer. notamment tous les scénarios que je pousse et qui sont compatibles « facteur4 » passent par une réduction de la consommation d’énergie. Et notamment aussi il va bien falloir qu’on réduise notre mobilité. Certains n’apprécient pas l’idée.
      Je comprends très bien que vous ne partagiez pas mon optimisme….

  12. Bonjour

    il est possible de ramener la consommation à 3 GtC, soit 0,5 GtC par habitant , en ramenant le niveau de vie mondial à ceux des pays qui ont cette consommation (la Chine ou à peu près, peut etre la Chine d’il y a 5 ou 10 ans).

    Evidemment, la plupart des occidentaux n’accepteraient pas de revenir à ce mode de vie – je suppose donc en fait que ce que vous voulez , c’est ramener la consommation à 3 GtC par an A NIVEAU DE VIE EGAL, ce qui est très différent.

    Oui mais voilà, y a un petit probleme : quel niveau de vie, pour qui ? le niveau de vie actuel est TRES inégalitaire; Qu’espérez vous exactement ? amener tout le monde au niveau moyen actuel (qui consomme 1,5 GtC par an) ? au niveau européen (qui en consomme 2 fois plus soit 3 GtC par an?) au niveau américain (qui en consomme 5 fois plus soit 7,5 GtC par an?) et tout ça avec 0,5 GtC par an?

    je veux bien croire que c’est possible de maintenir le niveau américain avec 10 fois moins de fossiles par an, mais je doute.

    Autre problème : nous avons les CAPACITES de produire 10 GtC par an – la preuve c’est qu’on le fait. Il est tres improbable que le monde que voulez ait fait disparaitre les inégalités. Donc vous imaginez une situation où les 3 GtC par an seraient une espèce de plafond magique que tout le monde respecterait, alors que plein de gens vivraient moins bien que la moyenne (la moitié au moins ….) et ne demanderaient qu’à se hausser au niveau de consommation de ceux qui consomment plus qu’eux. Voyez vous une très très bonne raison de les empecher de vouloir rattraper ce niveau là , alors qu’il y a plein de ressources facilement accessibles qui leur permettrait de le faire, et une bonne raison morale pour les en empêcher ?

    il y a un gros problème de principe dans l’idée de limiter les fossiles = c’est de supposer que le niveau de vie ou la croissance sont données à l’avance, et que l’optimisation conduirait à diminuer la consommation de fossiles , à niveau de vie constant. Or toute l’histoire, et les mécanismes économiques logiques, montrent le contraire. Les optimisations n’ont jamais limité en soi la consommation globale : ils ont juste permis à plus de gens de s’enrichir – et c’est complètement normal quand on y réfléchit, vu qu’il n’y a aucun moyen concret de les empêcher d’etre plus riche si ils le peuvent.

    Je ne pense pas que la limitation de la consommation puisse être due à AUTRE CHOSE que les limites naturelles – je ne pense pas que le mode de fonctionnement de la société permette de se limiter durablement à un seuil en dessous de ce qu’on peut faire. Je ne pense pas etre ni pessimiste, ni optimiste, mais seulement réaliste. par ailleurs, je ne suis pas spécialement convaincu que le réchauffement de quelques degrés – si il se confirme , ce qui quoi que vous en pensiez me semble encore sujet à discussion – représente la catastrophe absolue qu’on nous dépeint. On verra que la chaleur commence à être un vrai problème quand les retraités de l’Europe du Nord arrêteront d’aller vers le Sud – il me semble qu’on en est encore loin :).

    • Nous sommes bien d’accord avec le fait qu’on ne réduira pas facilement les inégalités colossales actuelles en quelques années, d’autant qu’elles se sont fortement accrues dans les 3 dernières décennies. Le raisonnement des 3GTC est évidemment moyen. Vous avez raison de douter que la réduction à O,5 tc par américain puisse se faire à cet horizon. Les trajectoires qui sont évoquées actuellement et sont déjà très ambitieuses visent plutôt une réduction de 80 % à horizon 2050, soit un passage (toujours en carbone) de 7tc à un un peu moins de 2, pour les américains.
      Je me permets d’être en désaccord avec votre propose sur les « mécanismes économiques logiques » (6eme paragraphe). Le but est de mettre en place des mécanismes comme la taxe carbone et les réglementations qui conduisent à réduire les consommations de fossiles (et plus généralement de ressources) en valeur absolue et d’éviter l’effet rebond qui a toujours été observé par le passé. On ne peut (et c’est évident au plan logique) induire l’avenir sur l’observation du passé, sauf quand il s’agit de lois scientifiques, ce qui n’est pas le cas des règles économiques, mises au point par l’être humain. Enfin permettez-moi de ne pas revenir ici sur le dossier climatique. Ma fréquentation des « sceptiques » me donne à penser qu’en général ils n’ont plus qu’un lointain souvenir de la démarche scientifique ou qu’ils n’ont pas pris le temps de se documenter sérieusement.

  13. Bonjour

    pour autant que je puisse en juger, les scénarios dont vous parler sont du type « simcity » (on va faire ça , ça va faire ça) et ne sont validés par aucune théorie prédictive économique. C’est juste du « wishful thinking ». Excusez moi mais si une taxe avait un effet pour limiter la consommation mondiale, ça fait longtemps qu’on s’en serait aperçu, je ne pense pas que le monde ait été privé de taxes depuis 200 ans !

    il faut rappeler une évidence, une taxe n’est qu’une redistribution d’argent. Si l’état taxe plus, ça lui fait de l’argent en plus, et il va bien falloir qu’il le dépense à quelque chose , donc à la fin qu’il le donne à quelqu’un -souvent même aux personnes à qui il l’a pris. Vous allez me dire, et vous avez raison, que ça peut induire des comportements vertueux et que les personnes vont faire des choix conduisant à des comportements moins consommateurs. Je ne suis pas sûr qu’une nouvelle taxe change significativement les choses vu que l’énergie est déjà largement taxé et que personne n’a vraiment interêt déjà à la gaspiller, mais admettons que ça fasse nettement plus d’isolation et que les voitures soient moins consommatrices.

    Vous n’avez cependant toujours pas expliqué le point fondamental que je soulève : comment empêcher que l’énergie ainsi économisée soit réaffectée à permettre à ceux qui n’en ont moins d’en avoir plus ? comment empêcher que le pétrole économisé par des voitures moins consommatrices permette simplement d’en faire rouler plus ? ce ne sont pas les volontaires pour avoir une voiture qui manqueront dans un monde de 10 milliards d’habitants ! ou même simplement d’augmenter leur équipement de sécurité donc leur poids, pour sauver plus de vie (ce qui a été la conséquence des progrès sur les moteurs ?) que l’isolation de la maison permette finalement à plus de gens d’en habiter des plus grandes ? que des écrans LCD à moindre consommation permette aux fabriquants d’en proposer aussi des plus grands aux consommateurs?

    comptez vous aussi rationner à l’échelle mondiale le nombre de gens ayant une voiture (sur quel critère?) la surface habitable par habitant (sur quel critère?) le nombre de gens pouvant prendre des vacances à l’étranger (sur quel critère?)

    et si vous ne les rationnez pas comment êtes vous sur qu’il ne croitra pas tendanciellement ?

    ceci est très bien documenté et vous le connaissez certainement : c’est l’effet rebond de Jevons. Il y a une ambiguité fondamentale dans ce qu’on appelle « consommer moins » , encore une fois. Les mesures que l’ont peut prendre diminuent la consommation POUR UN SERVICE DONNE, mais sont complètement muettes sur la quantité de ce service qu’on produit et le nombre de gens qui y ont accès. Et elles sont bien incapables d’empecher l’apparition de nouveaux services qui n’ont aucune raison de ne pas se développer si les ressources le permettent (l’apparition de l’informatique a augmenté de 20 % la consommation électrique du tertiaire !). Rendre plus efficace l’utilisation de l’énergie n’a jamais conduit à diminuer globalement son usage – à terme on a fait que l’affecter à d’autres choses.

    Pour le climat, je vous rappelle que vous avez vous même lancé le sujet dans ce fil ;). Personnellement après avoir lu différents points de vue, je ne dirai pas que McIntyre, Spencer ou Lindzen sont plus éloignés de la méthode scientifique que Al Gore ou Nicolas Hulot, mais effectivement ça peut nous entrainer assez loin.

  14. PS : je n’avais pas vu que vous parliez de l’effet rebond, donc ça confirme que vous le connaissez parfaitement. Mais je ne vois vraiment pas en quoi une taxe l’évite, vu que vous ne maitrisez pas l’augmentation du revenu qui permet bien sur à tout le monde d’acquitter des taxes sans les empêcher de consommer !

    par ailleurs, il y a un autre truc que je ne comprends pas. Cette taxe est censée empêcher les gens de consommer en augmentant le prix des fossiles, alors que de toutes façons ce prix doit augmenter sensiblement pour rendre les ressources non conventionnelles accessibles ! ça me parait un paradoxe logique : on augmente le prix payé par le consommateur pour l’empecher de consommer … quelque chose qui n’aurait pu l’etre que si il continue à consommer quel que soit le prix de la ressource !

    • Je réponds (trop vite) à vos deux commentaires :
      -la taxe carbone doit progresser plus vite que le pouvoir d’achat pour permettre d’éviter l’effet rebond
      -elle conduit à faire la consommation en volume
      -elle conduit à des transferts, à terme entre etats des pays producteurs et des peays consommateurs, à court terme entre secteurs dépendants du pétrole et les autres, et entre les ménages, c’est pour cela qu’elle n’est pas facile à mettre en place
      concernant les scénarios les économistes ne savent pas faire de prévisions ; les modèles permettent des éclairages, d’appuyer un raisonnement de mettre en évidence des effets possibles, mais c’est bien tout. J’ai personnellement appris des choses grâce au modèle du CIred (Imaclim) quand j’ai participé à la commission quinet sur la valeur du carbone et grâce au Lepi (patrick criqui) et à son modèle Poles
      Quant au climat, je n’ai pas le temps de discuter de cela en ce moment.il ne faut pas comparer des scientifiques et des communicants. et il ne faut pas se faire une opinion en se fondant sur une itw d’un scientifique. 255 académiciens des sciences américains ont fait le point :
      http://www.guardian.co.uk/environment/2010/may/06/climate-science-open-letter`
      pour se faire une bonne opinion le bouquin de jean-marc jancovici est une excellente entrée en matière (l’avenir climatique) celui qui vient de sortir d’hervé Le Treut fait le point sur les connaissances actuelles.

  15. Bonjour

    je ne comprends pas bien le point sur la taxe carbone : si l’énergie compte pour 10 % mettons des dépenses dont 5 % de taxes, et que le pouvoir d’achat augmente de 5 %, et la taxe de 10 % (donc plus que le pouvoir d’achat) , l’augmentation de taxe n’impacte le pouvoir d’achat que de 0,5 %, donc en quoi ça empeche de consommer encore 4,5 % de plus ?

    et comptez vous réellement empêcher les principaux responsable de l’augmentation de consommation de carbone, c’est à dire les chinois et bientot peut etre les indiens, de le faire avec une taxe ? je ne pense pas que ça marche.

    Pour l’appel des scientifiques, je l’ai lu. Je considère pour ma part que ce genre d’assertion :

    « For instance, there is compelling scientific evidence that our planet is about 4.5bn years old (the theory of the origin of Earth), that our universe was born from a single event about 14bn years ago (the Big Bang theory), and that today’s organisms evolved from ones living in the past (the theory of evolution). Even as these are overwhelmingly accepted by the scientific community, fame still awaits anyone who could show these theories to be wrong. Climate change now falls into this category: there is compelling, comprehensive, and consistent objective evidence that humans are changing the climate in ways that threaten our societies and the ecosystems on which we depend. »

    qui sous-entend qu’un critère comme « menacer nos sociétés et nos écosystèmes » puisse être considéré comme tombant dans la « même catégorie scientifique » que la preuve de l’age de l’Univers, de la Terre, ou que l’évolution biologique, est un cas caractérisé de la « confusion délibérée » que vous voulez dénoncer !

    j’aimerais bien que ces scientifiques précisent le critère exact de « danger pour les écosystèmes » – je crains fort que selon tous les critère auxquels ils pensent, toutes les activités humaines y compris l’agriculture les menacent … sans même parler de la preuve scientifique « convaincante » de ce danger.

    • bonjour
      Concernant le climat c’est surtout à vous de vous documenter ; les rapports du GIEC documentent sérieusement ce texte, (et la notion de menaces et de dangers), qui n’est qu’une synthèse et ne se substitue pas aux milliers de pages. Vous avez le droit de vous considérer comme plus rigoureux que les meilleurs scientifiques du moment…mais je ne suis pas sûr de mon côté que ce soit le cas.
      Concernant la taxe carbone, elle vise à réduire la consommation des fossiles soumises à cette taxe; pas au reste. Le dispositif s’il est national ne va pas contraindre les chinois et les indiens mais je ne pense pas avoir dit cela. Il s’agit d’un premier pas en France (et dans les autres pays qui l’ont mis en place). Pour l’Europe le dispositif retenu est l’articulation d’un dispositif de quotas pour les émissions concentrées et de taxes nationales ou autres dispositifs pour les émissions diffuses.c’est la négociation internationale qui va conduire à mettre des dispositifs équivalents dans les autres pays. Ce n’est évidemment pas gagné.

  16. Bonjour

    je suis scientifique, et de ma pratique de la recherche, personne ne peut se prévaloir de détenir la vérité, ni moi, ni les signataires de ce texte. Simplement, mon avis personnel est que comparer l’établissement de l’âge de l’Univers ou de la Terre, qui est un problème parfaitement bien posé et quantifiable, à l’estimation d’une « menace pour la société » qui n’est en rien une notion objectivable, est juste épistémologiquement erroné.

    Je veux bien argumenter pourquoi, mais je serais curieux de savoir où il est démontré scientifiquement dans les rapports du GIEC que c’est une notion épistémologiquement bien définie – pour moi, c’est une confusion de pensée, et ce n’est pas un argument d’autorité qui me fera le moins du monde changer d’avis.

    A mon avis, toutes les activités humaines rentrent potentiellement dans la définition de « menace pour l’environnement’, RC ou pas RC.

    Ensuite, pour la la taxe carbone, je persiste à ne pas saisir la logique :
    a) si elle ne réduit que la consommation de fossiles dans certains pays et pas dans ceux qui sont en pleine croissance, je ne vois pas pourquoi elle aurait le moindre effet sur l’intégrale consommée, vu qu’encore une fois je ne vois pas ce qui empêche que ce qui serait économisé d’un coté puisse etre reconsommé de l’autre, ou simplement un peu plus tard. C’est d’ailleurs assez amusant de persister à donner du crédit aux « négociations internationales » alors qu’elles ont fait plusieurs fois la preuve de leur inefficacité totale au plan mondial, pour les raisons précises que j’indique : il n’y a aucune raison morale ni aucun pouvoir réel d’empecher les PVD de tenter de nous rejoindre, et il est irréaliste de penser qu’il y a un moyen absolu de limiter la consommation mondiale.

    b) : si l’augmentation du prix est suffisante pour réduire la consommation, alors pourquoi les ressources non conventionnelles plus chères ne provoqueraient pas exactement la même baisse de consommation, puisqu’elles demandent pour etre exploitable une hausse sensible du coût des fossiles, bien supérieure à l’inflation, et probablement bien supérieure à tout ce qu’il est envisageable comme taxe ? l’augmentation du prix du baril a naturellement fait monter le litre d’essence à 1,50 € contre 1€ il y a quelques années, une augmentation bien plus rapide et importante que toute taxe politiquement acceptable ! or, on ne peut pas extraire des fossiles non conventionnels si le prix ne monte pas encore bien plus … donc ça devrait baisser la consommation.

    Vous parlez des modèles économiques, mais j’ai une question simple : où et quand leur prédictions ont-elles été vérifiées selon des normes scientifiques ?

    • je pense que ce débat va se terminer ce soir:
      – je ne souhaite pas perdre de temps sur le dossier climat avec vous car je suis convaincu que vous n’avez pas lu les rapports du GIEC sur les menaces en question. votre remarque épistémologique ne peut s’appliquer à la déclaration courte que j’ai citée. Si elle s’applique aux rapports du GIEC lisez les d’abord et on en reparlera.
      – concernant la taxe carbone pour être franc je ne comprends pas ce que vous cherchez à me démontrer si ce n’est des évidences. Il est évident que l’augmentation provoquée par le marché aura un effet sur la baisse de la consommation mondiale et qu’une taxe mise en place dans un seul pays ne fait pas baisser cette consommation mondiale. il est évident aussi que vous cherchez simplement à avoir raison, bon vent
      -concernant les modèles , vous semblez ne pas lire ce que j’écris
      bonne soirée

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