L’asservissement de la finance à un objectif de prospérité durable

28 septembre 2010 - Posté par Alain Grandjean - ( 0 ) Commentaires

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Balai-Fantasia

Les ingénieurs en automatique sont habitués à manier le vocabulaire technique de l’asservissement : un thermostat est un mécanisme qui asservit le fonctionnement d’un instrument de chauffage à l’atteinte d’un objectif de température. Les asservissements sont souvent utiles pour réguler des systèmes de manière efficace.

A l’évidence le système économique mondial n’est pas régulé de manière optimale. Il est depuis 40 ans l’objet de crises1 bancaires, monétaires et financières à répétition aux conséquences sociales et économiques d’amplitude variable. En revanche la sphère bancaire et financière, à quelques exceptions près, semble s’en sortir toujours correctement ; elle se développe même. Lors de la dernière crise, des banques ont fait faillite, des spéculateurs ont perdu des sommes que d’autres ont gagné.Des mesures réglementaires ont été prises récemment qui réduisent probablement les espérances de gains ici ou là. Mais au total le secteur bancaire et financier semblent s’en sortir pas si mal, comme d’habitude. Et ce n’est d’ailleurs pas très étonnant : les mesures prises par les Etats ont principalement visé à éviter le risque systémique mondial (effondrement en cascade des banques et établissements financiers, pouvant conduire à la faillite des Etats et du système économique) en sauvant d’abord les banques par des injections de liquidité et des garanties considérables. Les Etats ont donc cédé au chantage des banques, sans pouvoir évaluer sérieusement la réalité du risque mis en avant. Ils se sont ensuite sentis obligés d’adopter des mesures de rigueur du fait de la dégradation de leur dette publique. Cette dégradation est clairement liée à la crise économique, clairement liée à la crise bancaire et financière. Elle est également liée dans certains pays2 aux opérations de soutien aux banques fort couteuses pour les finances publiques.

Si l’on prend du recul on est donc obligé de constater que s’il y a asservissement au sens des ingénieurs c’est bien celui des politiques publiques par rapport aux marchés financiers. Les Etats sont condamnés à agir en fonction des « humeurs des marchés ». De Gaulle a dit en 1966 : « La politique de la France ne se fait pas à la corbeille ». On aimerait réentendre ce type de discours et que des mesures sérieuses soient enfin prises pour que les services rendus par la banque et la finance soient bien mis au service d’ objectifs économiques plus généraux eux-mêmes soumis à des finalités humaines comme la prospérité et le bonheur.

Utopie ? La tyrannie, la dictature et le despotisme ont toujours suscité la résistance. Comment faire en l’occurrence ?

Il faut d’abord reconnaître que la finance a sa place dans l’économie, qu’elle peut être une servante utile. Pour cela il importe de la comprendre, dans ses grandes lignes et de comprendre ses apports et ses limites. La domination de la finance, comme celle des grands prêtres dans les temps anciens, repose sur une vieille ficelle : elle est obscure au commun des mortels qui du coup se sentent dépassés et… dominés. La position extrémiste qui viserait à éliminer l’argent et la finance du monde moderne est non seulement irréaliste (car la finance rend bien des services incontournables!) mais aussi inefficace. C’est aussi contrairement aux apparences une forme de soumission.

Il faut ensuite refuser que la finance continue à se comporter en dominateur et prédateur qui impose ses lois pour accaparer une part du gâteau sans commune mesure avec son apport réel. Comment faire, alors que les « conseillers du prince » sont dans ce domaine tous issus du sérail, et tous plus ou moins intéressés à ce que rien ne bouge vraiment ? Deux priorités me semblent s’imposer :

  • identifier les mesures décisives qui entraineraient cette « révolution »
  • repérer les acteurs économiques et sociaux qui ont intérêt à contribuer à cette identification et au portage politique de ces mesures.

Alain Grandjean

1 Les crises bancaires, fréquentes au XIX° siècle, plus rares dans la période 1880-1913 se sont multipliées entre les deux-guerres et ont disparu pendant la période de Bretton-Woods, pour réapparaître de manière massive : depuis 1970 le monde a connu plus de 120 crises bancaires à caractère systémique, dans près de 100 pays. Ces crises repérables par des signes clairs (gel des dépôts, fermeture de banques etc.) ont été résolues systématiquement par des interventions massives des pouvoirs publics (évaluées sur un échantillon de 34 d’entre elles à plus de 10% du PIB) et ont eu des conséquences récessives. Ces crises n’ont pas épargné les pays développés …

2 Pas en France me semble-t-il.

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