Gouvernance économique européenne et climat : une proposition de réforme insuffisante

9 janvier 2023 - Posté par Billet invité - ( 4 ) Commentaires

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Mise en place progressivement à partir du traité de Maastricht (1992), la gouvernance économique européenne consiste en un ensemble de règles et de procédures visant à faire respecter une discipline budgétaire par les États membres, à faciliter la coordination de leurs politiques économiques et à prévenir les déséquilibres macroéconomiques. Presque exclusivement centrée sur la surveillance des finances publiques , elle néglige les autres enjeux stratégiques de l’UE qu’ils soient économiques, écologiques ou sociaux. En novembre 2022, la Commission européenne a publié une Communication posant les grands principes d’une réforme de cette gouvernance économique. Ollivier Bodin, qui est intervenu plusieurs fois sur ce blog à propos des politiques européennes, publie ce jour une note d’analyse de cette Communication. Il en ressort que la proposition de réforme est largement insuffisante voire contreproductive quant à la prise en compte des enjeux de la transition écologique.

Introduction de la note

Focalisée sur les risques liés au niveau de la dette publique, la proposition de réforme de la gouvernance économique publiée par la Commission européenne n’apporte qu’une attention marginale et biaisée aux risques climatiques. Les approches macroéconomiques traditionnelles sous-jacentes ignorent les détériorations de l’environnement engendrées par les activités humaines de même que les risques que cette détérioration fait peser sur l’économie et plus généralement la société.

Les risques climatiques (physique et de transition) encourus à court, moyen, et long terme, sont indéniables, mais inédits et, de ce fait, largement imprévisibles avec les méthodes statistiques basées sur les expériences passées. Cette part d’inconnu impose d’appliquer les principes de précaution et de prévention exposés dans l’article 191 du TFUE.

Les politiques budgétaire, de réforme économique et d’investissement déterminent à la fois la trajectoire de la dette, sa « soutenabilité financière », la résilience du système social, économique et financier et la soutenabilité environnementale des activités humaines. Une approche holistique et préventive de la gouvernance économique est de ce fait devenue nécessaire. La nouvelle gouvernance économique devrait donc inclure – au même titre que les vulnérabilités liées à l’endettement public – une surveillance des vulnérabilités encourues par l’économie dans son ensemble, les ménages, les entreprises et les institutions financières du fait du dérèglement climatique et des politiques de transition.  

Par ailleurs, la complémentarité entre politique économique et budgétaire d’un côté, et réglementation prudentielle du système financier de l’autre doit être valorisée. La transition peut faire peser des risques non négligeables sur les banques et les autres institutions financières du fait de la dévalorisation d’actifs carbonés. Ces risques peuvent être réduits tant par la qualité et la régularité des politiques économique et budgétaire que par la réglementation financière. Ceci demande d’un côté des politiques de transition précoces et ordonnées et de l’autre une réglementation accélérant la réorientation des financements bancaires vers les activités neutres en carbone. Une défaillance de l’une des politiques freinerait la mise en oeuvre de l’autre et accroîtrait significativement les risques de la transition.

Plan de la note

1.     Les trois piliers de la réforme proposée: programme économique national, soutenabilité de la dette, surveillance des risques et déséquilibres macroéconomiques

2.     La « soutenabilité » de la dette : un compas très politique

3.     Les risques climatiques sont très marginalement pris en compte dans la proposition de la Commission

4.     La proposition de la Commission ne prend pas en compte l’impact des politiques budgétaires et des réformes sur les risques climatiques

5.     La gouvernance économique doit mieux appréhender et surtout contribuer à prévenir les risques climatiques

6.     Cinq principes fondamentaux à mettre au cœur de la gouvernance économique européenne

7.     Sept propositions opérationnelles pour une nouvelle gouvernance économique européenne intégrant les risques climatiques

Ollivier Bodin, Ancien haut fonctionnaire international, Fondateur de l’ONG Greentervention

 Pour en savoir plus sur la Gouvernance économique européenne consultez la fiche dédiée sur la plateforme The Other Economy.

Répondre à R. Zaharia

4 Responses to “Gouvernance économique européenne et climat : une proposition de réforme insuffisante”

  1. « Focalisée sur les risques liés au niveau de la dette publique… »
    Tout est dit, Hélas ! On a célébré en Janvier les 60 ans du Traité de l’Élysée.
    A cette occasion, certains se demandent ce qu’il faudrait réviser… ! Il suffirait de rectifier les âneries issues de compromis franco-allemands successifs, tous plus boiteux les uns que les autres !
    En premier lieu: le statut de la BCE, (négocié par Hans Tietmeyer, avec Attali et Guigou, en 1992.)
    Il résulte de ce texte dogmatique que la BCE a pu dépenser ~3000+ milliards en 10 ans, pour calmer les marchés financiers, mais que contribuer à la lutte contre le changement climatique à hauteur de 100 milliards /an, par exemple, lui est impossible.
    Dans le sillage du compromis funeste de 1992… la Commission se préoccupe du niveau de la dette publique, qui constitue en réalité un risque faible, sinon nul:
    comme l’expérience l’a montré, (depuis le fameux « All what is necessary »… de Mario Draghi en juillet 2012), la BCE peut enrayer les attaques spéculatives « à la Soros »… contre les titres de dette publique de tel ou tel État membre de la zone Euro.
    Au contraire, les risques d’inondations, d’invasions marines, de sécheresse et chaleur extrêmes en raison de la perturbation du climat, sont des risques bien plus sévères, face auxquels les démarches d’atténuation et d’adaptation sont totalement insuffisantes, (car moins rentables que les investissements « Oil & gas », par exemple.)
    Le volet sans doute le plus important de la gouvernance économique est de mettre fin à l’absence de coordination entre politiques budgétaire & monétaire. (Imaginez une voiture dans laquelle l’accélérateur et le frein seraient manoeuvrés de façon indépendante !)

    Au sens propre, il est de « Salut public » de modifier le statut de la BCE, de façon que son attention ne se porte plus uniquement sur la santé de l’Euro ou les délires des marchés financiers…
    de façon que sa formidable puissance financière, (capable de tenir en respect les spéculateurs), se consacre aussi à des causes ayant une réelle utilité sociale, au hasard:
    le maintien de conditions qui ont rendu possible la vie sur Terre en général, et sur le continent Européen en particulier.

    •   Alain Grandjean   19 octobre 2023 à 13 h 09 min

      hello Raymond, un sujet pour les prochaines élections européennes? amitiés. Alain

    • Salut Alain,

      j’ai lu avec retard, mais avec plaisir, ton petit mot du 19 octobre.
      Il est clair que la campagne pour les élections de Juin prochain est une magnifique occasion d’agiter diverses « questions, Dracula » ! (Selon Susan Georges, ce sont celles qui… craignent la lumière !)
      Comme je l’ai écrit ici en Février, faire monter dans le débat public la question « BCE et Climat ? » est une démarche salutaire.
      De façon générale, mettre en évidence le peu de cohérence des décisions politiques au niveau UE, devrait être un thème central du débat public d’ici Juin.
      Plus encore depuis que nous savons, (grâce à « Eclaircies » & une autre ONG, « Data for Good »), que plusieurs centaines de « Bombes climatiques » sont en train de voir le jour, pendant que prospère la scandaleuse controverse:
      « Faut-il s’inquiéter uniquement du mal que la dérive du climat peut faire à la Finance ?
      Ou… Faut-il considérer aussi le mal que la Finance peut faire au climat & à la biodiversité ?

      Selon le mot de Lloyd Blankfein, les gigantesques pieuvres financières & les banques font « le métier de Dieu »: elles choisissent ce qui verra le jour & ce qui n’existera pas !
      L’intérêt général humain est peu présent, pour dire le moins, dans les critères selon lesquels leurs décisions sont prises.
      Pour une fois, la Commission Européenne semble résister à la complainte habituelle des lobbies: « si vous prenez cette décision, nous serons désavantagés par rapport à nos concurrents d’outre Atlantique. »
      Pourtant dans le même temps, elle envoie une Délégation à Brasilia pour relancer l’Accord de Libre Échange connu sous le nom de Mercosur.
      Misère ! Pour vendre des voitures, l’UE va-t-elle nous faire consommer de la viande aux hormones ? L’empreinte carbone des ALE est-elle moins nocive que celle de la Finance ?
      Alfred Sauvy disait à juste titre: « Bien informés les hommes sont des citoyens, mal informés, ils deviennent des sujets. » M e r c i pour ce Blog !
      Je viens d’ouvrir un doc de travail sur Framapad. Le but est d’élaborer un « exposé des motifs » pour justifier une future révision de certains articles du TFUE, et aussi pour lister le « Worst of »… des mesures incohérentes qu’ils favorisent !
      A ta disposition pour en reparler.

  2. Salut Alain

    Le *texte martyr*… dont je parle à la fin de mon commentaire du 6 novembre est disponible ici:
    https://annuel2.framapad.org/p/bce-et-climat-a43s?lang=fr J’ajoute ci-dessous quelques considérations montrant combien il est vital de faire monter dans le débat public la question: « BCE et Climat ? »

    Avec le Traité de Lisbonne, l’Euro ne peut pas être utilisé par les ANBs (Agents Non Bancaires), autrement que comme monnaie dette.
    Toutefois, lorsque les banques paient fournisseurs & employés, la monnaie ainsi créée est libre de dette:
    c’est de la monnaie permanente non chargée d’intérêts; (à la différence de l’éphémère monnaie dette, qui disparait lors du remboursement du crédit qui lui a donné naissance.)
    Le cumul, depuis + de 20 ans, des dépenses pour compte propre des banques peut être estimé à plusieurs dizaines de milliard d’Euro.
    Ce système monétaire désastreux, (il rend la croissance obligatoire: la monnaie dette doit sans cesse être remplacée par de nouveaux crédits), est hélas gravé dans le TFUE. Voici 4 questions qui se posent:
    * Consentons nous à ce que de vastes régions du globe deviennent inhabitables ?
    * Acceptons nous des millions de morts dans ces régions ?
    * Envisageons nous sans frémir des centaines de millions de réfugiés climatiques venant rejoindre les régions où la vie demeure possible ?
    * Si la monnaie dette n’est pas une malédiction incontournable, (puisqu’il y a déjà ~10 ou ~15 % de monnaie libre de dettes), devons nous rester indifférents & inertes devant un Traité qui impose un système monétaire aussi funeste ?

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