Articles de presse

Cette page regroupe certains articles que j’ai publié ces dernières années. La liste n’est pas exhaustive. En cas de souci avec le droit à recopier ces lignes ici, n’hésitez pas à me contacter, j’enlèverai l’article immédiatement.

  Le Nouvel Obs : « RIO + 20. Les pauvres sont-ils responsables du changement climatique ? – Juin 2012

RIO + 20. Les pauvres sont-ils responsables du changement climatique ?

Par Alain Grandjean, économiste

Le sommet sur le développement durable s’est ouvert le 20 juin au Brésil. Selon le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, « Rio + 20 nous donne une chance unique de corriger les choses ». Reste à savoir comment. Pour Alain Grandjean, de la Fondation Nicolas Hulot, la réduction de la natalité n’est pas une réponse aux défis écologiques.

Manifestation en marge du sommet Rio + 20, Rio de Janeiro, Brésil, le 20 juin 2012 (C.SIMON/AFP).

Manifestation en marge du sommet Rio + 20, Rio de Janeiro, Brésil, le 20 juin 2012 (C.SIMON/AFP).

L’impact de l’humanité sur la planète est évidemment fonction de la démographie de notre espèce. Nous étions moins de 10 millions au début de la sédentarisation, il y a une dizaine de milliers d’années. Nous sommes aujourd’hui 7 milliards, soit environ 1000 fois plus. Et nous filons vers les 8,5 à 9,5 milliards en 2050. La maîtrise de la démographie semble donc clairement la priorité des actions pour réduire cet impact. Elle s’impose, pour des raisons humaines, sociales et écologiques, dans les régions où ce n’est pas le cas. Les plus pauvres sont les victimes du changement climatique et, plus généralement, des crises environnementales qui vont se multiplier et s’aggraver. Ce sont eux qui ont le moins de capacité d’adaptations au changement climatique en cours.

 Rappelons que, pour limiter la hausse de la température moyenne planétaire à moins de 2 degrés par rapport à ce qu’elle était au milieu du siècle dernier, objectif négocié dans les conventions internationales sur le climat, il faut que nos émissions de gaz à effet de serre baissent de 50 milliards de tonnes actuellement à environ 20 d’ici 2050. Le défi auquel l’humanité est confrontée se joue dans le demi-siècle qui vient. Nous allons voir qu’il ne faut rien attendre de significatif de la démographie pour limiter la dérive climatique face à de défi, et ce pour trois raisons principales.

 Une natalité plus basse, c’est plus d’émissions de gaz carbonique

D’une part, la démographie humaine est un processus à forte inertie. Seules des dictatures (comme la Chine ou l’Iran) ont imposé des méthodes – comme celle de l’enfant unique – qui accélèrent la réduction de la natalité. Mais elles ne seront pas mises en œuvre dans les démocraties qui couvrent maintenant la grande majorité de la planète. Les actions indispensables en matière de démographie auront un effet déterminant pour la deuxième partie de ce siècle mais très limité dans les décennies à venir.

Il est d’autre part bien établi que la réduction du taux de fécondité passe, pour un pays pauvre, par la croissance économique. Ce n’est qu’à partir d’un certain stade de développement que la fécondité baisse. Mais, dans la période de décollage, la croissance nécessaire suppose pour encore quelques décennies l’utilisation des énergies fossiles. Une natalité plus basse, c’est plus d’émissions de gaz carbonique (CO2émis quand les énergies fossiles sont brûlées) par personne, mais aussi, l’expérience le montre, pour l’ensemble de la population !

 Les plus riches sont les plus gros pollueurs 

Enfin et surtout, la pression de l’espèce humaine sur le climat est principalement le fait des riches (de tous les pays) alors que l’accroissement démographique est le fait des pauvres. Un calcul[1] relatif au CO2 – qui représente 60% des gaz à effet de serre, en ordre de grandeur – montre que 75% des émissions de CO2 sont le fait de 25% des habitants de la planète, ceux qui émettent 5 à 50 tonnes de COchacun. Ces gros pollueurs sont les plus riches de tous les pays du monde. La moitié des êtres humains, les plus pauvres, émettent, quant à eux, moins d’une tonne chacun. Pour mémoire, les émissions engendrées par un Français moyen (y compris celles générées par ses importations) sont de l’ordre de 10 tonnes de CO2.

L’accroissement de 7 à 9 milliards d’habitants anticipés d’ici 2050 se fera en Afrique et en Asie, dans les pays les plus pauvres, avec des émissions individuelles actuellement inférieures à une tonne par habitant. L’empreinte carbone de ces futurs habitants est donc de l’ordre de 2 milliards de tonnes. Ce ne serait évidemment pas négligeable, s’il était concevable de la supprimer, ce qui n’est pas le cas. Mais en tout état de cause, le défi qui est devant nous est d’une autre ampleur : il s’agit (pour le CO2) de réduire nos émissions de 20 milliards de tonnes d’ici 2050, un chiffre dix fois supérieur à la contribution des pauvres qui vont venir habiter sur cette planète.

Émissions de CO2, ne nous exonérons pas de nos responsabilités 

La réduction de la natalité de l’espèce humaine est, comme on l’a dit, un objectif-clef sur tous les plans, y compris climatiques, mais sur le siècle à venir. Pour l’horizon qui doit être le nôtre, celui des deux générations qui viennent, la solution à la dérive climatique doit donc être recherchée ailleurs. Les chiffres évoqués ci-dessus le montrent sans équivoque. C’est aux plus riches habitants de notre planète – à savoir les classes moyennes et riches des pays développés et émergents – de réduire substantiellement leurs émissions. La France, rappelons-le, a voté en 2005, une loi d’orientation de sa politique énergétique, l’engageant à réduire nos émissions d’un facteur 4 par rapport à leur niveau de 1990.

Comment allons-nous faire ? Massimo Tavoni et ses coauteurs proposent que les émissions des plus riches soient plafonnées, par des quotas, à environ dix tonnes par personne à l’horizon 2030. Depuis le protocole de Kyoto, des expériences et des études ont été conduites pour déterminer les meilleures manières de faire. Le travail est immense. Mais ne croyons surtout pas que nous pouvons nous exonérer de notre responsabilité, celle qui incombe à ceux qui peuvent profiter des bienfaits de notre planète. Notre planète est finie, il va nous falloir apprendre à partager. Est-ce vraiment si grave ? Est-ce vraiment inconcevable ?

 

  Le Nouvel Obs : Energie, faux débats et vrais enjeux – Avril 2012

La flambée du coût du pétrole (donc de l’essence, entre autres) et bientôt celle de l’électricité exigent une refondation de notre stratégie énergétique. L’économiste Alain Grandjean passe en revue les questions incontournables qu’il faudra bien trancher après les élections présidentielle et législatives.

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Photo prise lors de la conférence de Copenhague sur le climat, le 18/12/2009 (WITT/SIPA)

La politique énergétique de la France va évoluer fortement dans les prochaines années, que nous le voulions ou non. Nous vivons une transition énergétique mondiale : notre monde est fini, nos ressources limitées, tout comme la capacité de la biosphère à absorber le CO d’origine humaine. La dérive climatique est un péril mortel pour nos civilisations. 

En finir avec les affrontements sur les questions périphériques

L’ampleur des enjeux économiques, écologiques, sociaux et sanitaires ainsi que les risques et opportunités associés légitiment l’organisation d’un débat national. Les pièges en sont nombreux qui pourraient rendre l’expérience douloureuse et/ou inutile. La première priorité est de bien cibler les enjeux pour éviter les enlisements ou les affrontements dans des questions périphériques. Je me permettrai ici de proposer une structuration de ce sujet complexe. 

1- Nous sommes toujours très dépendants du fossile

Tout d’abord, il faut bien poser la problématique dans son ensemble (en énergie finale, l’électricité représente 400 TWh, un peu plus de 20% de l’énergie consommée par les Français) et ne pas se limiter à la question du nucléaire. Nous consommons beaucoup de pétrole (le tiers de notre énergie finale) dans les transports de personnes et de marchandises, mais aussi dans le chauffage (3 millions de logements sont encore chauffés au fioul).

Les tensions sur le prix, le possible rationnement dans nos pays de ce précieux liquide lié au plafonnement de la production, aux tensions géostratégiques au Moyen-Orient, sont un enjeu déterminant pour les ménages, les entreprises et… la balance commerciale française.

2- Comment faire face au fléau grandissant de la précarité énergétique

Trois questions se posent ensuite : comment gérer la croissance future du prix des énergies (y compris l’électricité), la nécessaire maîtrise de la demande pour en limiter le coût et améliorer la situation et la santé des millions de ménages en situation de précarité énergétique ?

Ne faut-il pas installer une contribution climat-énergie qui oriente la production et la consommation vers les sources d’’énergie les moins impactantes sur l’environnement ? Comment affecter les sommes prélevées ? En baisse de charges sociales ? En aide aux plus défavorisés ?

3- Les économies d’énergie : une nécessité qui exige des investissements lourds

Certes la plus propre et la moins coûteuse des énergies est celle qu’on ne consomme pas. Encore faut-il investir pour cela et malheureusement ces investissements ne sont pas à ce jour d’une rentabilité suffisante.

Le lancement d’un grand programme d’investissement et de financement de la maîtrise de la demande s’impose dont le volet social est essentiel. Peut-on le financer ? Ne doit-on pas mobiliser des prêts  à taux très faible de la BCE ? 

4- Les atouts et les incertitudes du nucléaire

Installation nucléaire de Pierrelatte, le 25 novembre 2011 (WITT/SIPA)

Installation nucléaire de Pierrelatte, le 25 novembre 2011 (WITT/SIPA)

Comment faire évoluer notre mix énergétique ? Le nucléaire contribue à la résolution du problème climatique, a un avantage micro-économique (c’est la plus compétitive des sources d’énergie) et pose plusieurs problèmes : le risque d’accident, la pertinence de l’utilisation du MOX, très radioactif et radiotoxique, l’intérêt commercial et économique de la filière EPR et la limitation des réserves mondiales d’uranium (à ce stade elles représentent en équivalent énergie finale fournie 50 GTep, soit 6 ans de consommation mondiale actuelle toutes énergies confondues, alors que les ressources mondiales d’énergie fossile – essentiellement le charbon – sont de l’ordre de 3 à 4000 GTep).

 

 

Installation nucléaire de Pierrelatte, le 25 novembre 2011 (WITT/SIPA)

 

Dès lors son développement passe à terme par celui de la 4ème génération. Saura-t-on faire un surgénérateur qui garantisse l’absence de risque de criticité ?

5- Gaz : l’avenir radieux d’une… dépendance

Le gaz, (dont la combustion émet du CO2 même si c’est la moins intense en carbone des énergies fossiles), semble appeler à un avenir radieux tant pour le chauffage domestique que pour la production d’électricité.

Quel problème géostratégique pose-t-il ? Peut-on limiter notre dépendance à la Russie et à l’Iran ? Pour ce qui concerne le gaz de schiste, s’agit-il d’une solution ou d’une fuite en avant ? Quel est son potentiel en Europe ? Sa production n’est-elle pas une source significative d’émissions de méthane dans l’atmosphère ? Le charbon en France est éliminé progressivement de la production électrique et ne pose donc aucun problème chez nous. 

6- Rendre obligatoire le captage de CO2 

La seule vraie question est… mondiale : il faut imposer des règlements qui rendent obligatoire le captage et stockage du CO2. Nos champions industriels y ont intérêt.

 Les énergies renouvelables posent toutes des problèmes bien identifiés (de volume atteignable, d’intermittences pour les électriques, de coût, de filières industrielles) dont on sait que certains d’entre eux vont se résoudre dans les prochaines décennies. La question essentielle reste bien sûr celle de l’adaptation des réseaux, du stockage de l’électricité (dans des stations de pompage) et de la tarification horo-saisonnière qui nécessite des compteurs communicants.

 7- D’abord ne pas créer d’irréversibilités majeures

 Dans ce contexte, la stratégie la plus rationnelle est celle qui nous ouvre des espaces de liberté, tout en limitant les risques humains. N’est-il pas clair qu’il faut avancer étape par étape et lever les incertitudes qui restent à lever avant de créer des irréversibilités majeures ?

Profitons du coût du nucléaire actuel, que la Cour des Comptes a permis de bien évaluer, pour investir dans un bouquet d‘investissements : la maîtrise de la demande, les ENR, la levée des incertitudes sur les énergies d’avenir. Assurons-nous d’une optimisation du dispositif pour y arriver. 

8- Refonder la gouvernance énergétique

 La  question centrale est donc bien celle de la gouvernance. Dans le secteur électrique, l’architecture actuelle issue d’un compromis entre la défense du service public « à la française » et les impératifs de dérégulation « à l’européenne » est pour le moins inefficace et incompréhensible pour les citoyens.

La loi Nome est loin d’avoir réglé tous les problèmes. Du côté de la maîtrise de la demande, ni les tarifs, ni la fiscalité, ni l’organisation institutionnelle ne permettent de croire à une avancée significative dans les prochaines années. Il est temps de mettre ce chantier stratégique sur le métier.

A retrouver dans le magazine « Le Nouvel Observateur » du 5 avril 2012.

 

  L’économie politique : Mettre la création monétaire au service de la transition – Nov 2011
  Le Monde : La BCE doit aussi financer des investissements favorables à l’activité – 21 juin 2011

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  Le magazine de la communication de crise : Crises et fractales, quels enseignements ? 2006
  AEF : Le rôle des entreprises dans la lutte contre le changement climatique – février 2013

  Les conditions de la croissance verte

Cet article a été publié dans la revue des annales des Mines de Janvier 2011, dans la série Responsabilité & Environnement ; numéro titré « Une croissance verte ? ». Pour lire l’article en plein écran, cliquez sur le bouton « fullscreen » du cadre ci-dessous.

« La «croissance verte» : un oxymore de plus? Ce serait le cas, si elle était limitée à (ou confondue avec) la croissance du « green business », conçu comme «Le» relais de croissance suivant celui des nouvelles technologies de l’information et de la télécommunication et des énergies renouvelables. Il ne s’agirait alors que d’un nouvel avatar d’un modèle condamné, que cela nous plaise ou non. La croissance exponentielle des flux matériels, verts ou pas, bute en effet sur la finitude du monde … »

  « Les habits verts de la croissance » publié dans Sciences Humaines

Un de mes articles publié dans « Sciences humaines »…En voici le début, vous pouvez lire la suite sur le site de Sciences Humaines

La période de transition économique que nous traversons aboutira-t-elle à l’émergence d’un capitalisme vert ? À la condition que des incitations fiscales et réglementaires promeuvent l’environnement, le respect des ressources et le long terme.

S’il est facile de constater que la généralisation de notre modèle de développement est impossible, tant la pression sur les ressources naturelles est élevée, il est évidemment bien plus difficile de dire ce que pourrait être une croissance durable ou « verte ».

Mais qu’est-ce que la « croissance » et quelle est sa relation avec la gestion des ressources et l’environnement ? Dans une première phase, la croissance du PIB s’accompagne en général de progrès social et de détérioration de l’environnement. Dans une deuxième phase, les sociétés, plus développées, réussissent à contenir les nuisances environnementales locales. Mais aujourd’hui, nous entrons dans une troisième phase, celle des nuisances globales, comme le dérèglement climatique, fortement corrélées à la croissance du PIB, du moins dans le modèle économique actuel. La légitimité de cette croissance est alors …
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  Taxe carbone : toujours indispensable (Tribune parue dans le journal Le Monde le 08/01/10)

Les difficultés rencontrées à Copenhague dans la lutte contre le réchauffement climatique ne peuvent pas servir de prétexte pour ralentir les ambitions françaises dans ce domaine. Le fait que le Conseil constitutionnel censure le dispositif voté par le Parlement pour mettre en place la taxe carbone ne doit pas conduire à mettre de côté cet instrument-clé dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Après trois mois d’intenses débats au Parlement et au sein du gouvernement, la mesure qui devait entrer en vigueur au 1er janvier, est ressortie affaiblie, loin du compromis du rapport de Michel Rocard et du discours du président de la République. Le nouveau texte, qui devrait entrer en vigueur le 1er juillet doit donc être l’occasion de remettre de l’ambition dans un projet fondamental pour l’équilibre social, économique et environnemental de notre société.

Une contribution carbone toujours indispensable

Le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur l’opportunité de la taxe carbone. Il a simplement rappelé que la loi votée par le Parlement n’était pas conforme à la Constitution. Trop d’exonérations ont été introduites par le législateur, rendant de fait l’instrument nettement moins efficace que la proposition initiale du rapport de Michel Rocard.

Or la logique du problème énergie-climat répond à quelques évidences physiques qui s’imposent à tous : le climat est en train de se réchauffer, tandis que pétrole et gaz sont en voie d’épuisement. Ne pas s’engager dans un effort général de réduction des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre revient à prendre des risques considérables pour le devenir de nos sociétés. Le changement climatique nous concerne tous, car l’ensemble de nos activités émet des gaz à effet de serre. De même, la raréfaction des énergies fossiles touche tous les secteurs, et particulièrement ceux qui étaient exonérés de taxe carbone. L’agriculture, la pêche, le transport routier vont en effet connaître dans les années à venir, des mutations profondes. Or mieux vaut anticiper et choisir la mutation, plutôt que de la subir. C’est pourquoi la contribution carbone ne peut pas souffrir de multiples exonérations, dont l’inclusion dans le projet de loi de Finance ne révélait qu’une certaine difficulté à faire accepter les changements nécessaires.

Des exonérations à revoir

Dans ce contexte, le cas des entreprises déjà soumises au système européen des quotas d’émissions doit être examiné séparément. On peut regretter l’insuffisante efficacité du système actuel au niveau européen, et notamment une allocation de quotas encore parfois excessive sur la période 2008-2012. Mais ce dispositif a des mérites : il a conduit les grandes entreprises à prendre rapidement conscience du problème et à réorienter leurs stratégies, car elles doivent payer une pénalité de 100 euros la tonne de CO2 en cas de dépassement des quotas alloués. Avec le paquet climat-énergie européen, les difficultés initiales devraient être surmontées, notamment avec moins de quotas alloués aux industriels.

On ne pourra alors envisager l’instauration d’une double pénalité : les quotas plus la taxe. Et par ailleurs le choix du système des quotas pour les grands émetteurs est un choix collectif européen, sanctionné par plusieurs directives. Le Conseil constitutionnel a connaissance de ces réalités. S’il faut revoir les dispositions pour les grandes industries, il devrait être possible d’envisager une solution transitoire, dans l’attente en particulier de la mise aux enchères des quotas, à partir de 2013.

Restera la question des secteurs et des ménages les plus vulnérables. Pour les entreprises, le monde de l’agriculture et de la pêche, mieux vaut un accompagnement organisé permettant de poser les bases d’un nouveau modèle économique qu’une série d’exonérations. Plutôt que de retarder l’échéance, il convient d’organiser pour ces filières une concertation multipartite, permettant de considérer sérieusement les alternatives et l’aide de la collectivité dans leur transition écologique. Pour les ménages, on ne peut ignorer que certains sont déjà durement touchés par la hausse du prix de l’énergie. Ici aussi, il faut accompagner socialement et économiquement la transition. En finançant l’isolation des logements des plus pauvres, en développant les infrastructures de transport collectif, en soutenant l’achat de véhicules peu consommateurs, nous disposons de solutions triplement gagnantes : aux plans économique, écologique et social. Dans un contexte de crises à venir, la plus grande injustice pour les plus vulnérables serait de ne rien faire.

Faire de la contribution carbone une mesure ambitieuse

Les sages offrent une occasion de revoir la copie et de réintroduire plus d’ambition et d’équité dans la politique française de lutte contre le réchauffement climatique. Il faut revenir maintenant à un texte de loi qui se rapproche des conclusions du rapport Rocard, en particulier pour limiter les exonérations, mais aussi pour réintroduire le principe de la progressivité de la taxe. C’est un de ses volets les plus consensuels, car il donne aux agents économiques la visibilité nécessaire pour qu’ils s’organisent. Insistons à nouveau sur l’importance de la mise en place, prévue dans la loi de Finance, de la commission de suivi qui permettra d’élargir l’assiette de la contribution à d’autres gaz à effet de serre et de suivre l’évolution de son taux. C’est une commission indispensable si l’on veut, comme le demande le Conseil Constitutionnel, que la taxe réponde à l’ambition de la politique climatique française.

La censure initiale est donc l’occasion de faire mieux. D’assumer qu’en contrepartie de la mise en place d’une fiscalité environnementale, soit discuté un nouveau pacte social, qui ne laisse pas les plus vulnérables de côté dans la transition écologique. Mieux expliquée, mieux accompagnée, la taxe carbone sera plus efficace et mieux acceptée. Malgré les difficultés, il est impératif de persévérer pour un avenir énergétique et climatique plus durable.

Auteurs :

Dominique Bourg (Philosophe), Patrick Criqui (Economiste), Marc Dufumier (Agronome), Alain Grandjean (Economiste), Jean-Marc Jancovici (Ingénieur), Jean-Jouzel (Climatologue), sont membres du Comité de Veille Ecologique de la Fondation Nicolas Hulot.
Benoit Faraco est coordinateur changement climatique énergie à la Fondation Nicolas Hulot.

Pour aller plus loin :

* La FAQ de la FNH sur la taxe carbone ici

* Le communiqué de presse du Conseil Constitutionnel portant notamment sur la taxe carbone

* Le livre « Les Etats et le carbone », de Patrick Criqui, Benoît Faraco et Alain Grandjean, Editions des PUF, novembre 2009

  Fiscalité écologique, la voie de la raison

Cet article, « fiscalité écologique, la voie de la raison« , co-signé par Nicolas Hulot, Dominique Bourg, Patrick Criqui, Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean a été publié par Les Echos le 9 juin 2008. Il s’agit d’un appel à la création d’une Contribution Climat Energie et a son mode de compensation, appelé à l’époque par les experts de la FNH l’allocation universelle climat.

Un petit morceau d’histoire de la taxe carbone donc…

« Proposer l’instauration d’une nouvelle taxe sur l’énergie, à l’heure où son prix augmente fortement, ne relève pas d’une provocation irresponsable. C’est au contraire la voix de la raison. C’est donner à tous les acteurs le signal qu’ils doivent se préparer à une évolution inédite depuis le début de la révolution industrielle : la hausse structurelle du prix de l’énergie, alors que la valeur de celle-ci n’a cessé de diminuer depuis deux siècles (1). C’est se prémunir contre le risque climatique. C’est de plus conserver les moyens financiers dans les pays consommateurs plutôt que de les laisser partir vers les pays producteurs. »

Lire l’article sur les échos

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