Articles de presse

Cette page regroupe certains articles que j’ai publié ces dernières années. La liste n’est pas exhaustive. En cas de souci avec le droit à recopier ces lignes ici, n’hésitez pas à me contacter, j’enlèverai l’article immédiatement.

  Taxe carbone : toujours indispensable (Tribune parue dans le journal Le Monde le 08/01/10)

Les difficultés rencontrées à Copenhague dans la lutte contre le réchauffement climatique ne peuvent pas servir de prétexte pour ralentir les ambitions françaises dans ce domaine. Le fait que le Conseil constitutionnel censure le dispositif voté par le Parlement pour mettre en place la taxe carbone ne doit pas conduire à mettre de côté cet instrument-clé dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Après trois mois d’intenses débats au Parlement et au sein du gouvernement, la mesure qui devait entrer en vigueur au 1er janvier, est ressortie affaiblie, loin du compromis du rapport de Michel Rocard et du discours du président de la République. Le nouveau texte, qui devrait entrer en vigueur le 1er juillet doit donc être l’occasion de remettre de l’ambition dans un projet fondamental pour l’équilibre social, économique et environnemental de notre société.

Une contribution carbone toujours indispensable

Le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur l’opportunité de la taxe carbone. Il a simplement rappelé que la loi votée par le Parlement n’était pas conforme à la Constitution. Trop d’exonérations ont été introduites par le législateur, rendant de fait l’instrument nettement moins efficace que la proposition initiale du rapport de Michel Rocard.

Or la logique du problème énergie-climat répond à quelques évidences physiques qui s’imposent à tous : le climat est en train de se réchauffer, tandis que pétrole et gaz sont en voie d’épuisement. Ne pas s’engager dans un effort général de réduction des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre revient à prendre des risques considérables pour le devenir de nos sociétés. Le changement climatique nous concerne tous, car l’ensemble de nos activités émet des gaz à effet de serre. De même, la raréfaction des énergies fossiles touche tous les secteurs, et particulièrement ceux qui étaient exonérés de taxe carbone. L’agriculture, la pêche, le transport routier vont en effet connaître dans les années à venir, des mutations profondes. Or mieux vaut anticiper et choisir la mutation, plutôt que de la subir. C’est pourquoi la contribution carbone ne peut pas souffrir de multiples exonérations, dont l’inclusion dans le projet de loi de Finance ne révélait qu’une certaine difficulté à faire accepter les changements nécessaires.

Des exonérations à revoir

Dans ce contexte, le cas des entreprises déjà soumises au système européen des quotas d’émissions doit être examiné séparément. On peut regretter l’insuffisante efficacité du système actuel au niveau européen, et notamment une allocation de quotas encore parfois excessive sur la période 2008-2012. Mais ce dispositif a des mérites : il a conduit les grandes entreprises à prendre rapidement conscience du problème et à réorienter leurs stratégies, car elles doivent payer une pénalité de 100 euros la tonne de CO2 en cas de dépassement des quotas alloués. Avec le paquet climat-énergie européen, les difficultés initiales devraient être surmontées, notamment avec moins de quotas alloués aux industriels.

On ne pourra alors envisager l’instauration d’une double pénalité : les quotas plus la taxe. Et par ailleurs le choix du système des quotas pour les grands émetteurs est un choix collectif européen, sanctionné par plusieurs directives. Le Conseil constitutionnel a connaissance de ces réalités. S’il faut revoir les dispositions pour les grandes industries, il devrait être possible d’envisager une solution transitoire, dans l’attente en particulier de la mise aux enchères des quotas, à partir de 2013.

Restera la question des secteurs et des ménages les plus vulnérables. Pour les entreprises, le monde de l’agriculture et de la pêche, mieux vaut un accompagnement organisé permettant de poser les bases d’un nouveau modèle économique qu’une série d’exonérations. Plutôt que de retarder l’échéance, il convient d’organiser pour ces filières une concertation multipartite, permettant de considérer sérieusement les alternatives et l’aide de la collectivité dans leur transition écologique. Pour les ménages, on ne peut ignorer que certains sont déjà durement touchés par la hausse du prix de l’énergie. Ici aussi, il faut accompagner socialement et économiquement la transition. En finançant l’isolation des logements des plus pauvres, en développant les infrastructures de transport collectif, en soutenant l’achat de véhicules peu consommateurs, nous disposons de solutions triplement gagnantes : aux plans économique, écologique et social. Dans un contexte de crises à venir, la plus grande injustice pour les plus vulnérables serait de ne rien faire.

Faire de la contribution carbone une mesure ambitieuse

Les sages offrent une occasion de revoir la copie et de réintroduire plus d’ambition et d’équité dans la politique française de lutte contre le réchauffement climatique. Il faut revenir maintenant à un texte de loi qui se rapproche des conclusions du rapport Rocard, en particulier pour limiter les exonérations, mais aussi pour réintroduire le principe de la progressivité de la taxe. C’est un de ses volets les plus consensuels, car il donne aux agents économiques la visibilité nécessaire pour qu’ils s’organisent. Insistons à nouveau sur l’importance de la mise en place, prévue dans la loi de Finance, de la commission de suivi qui permettra d’élargir l’assiette de la contribution à d’autres gaz à effet de serre et de suivre l’évolution de son taux. C’est une commission indispensable si l’on veut, comme le demande le Conseil Constitutionnel, que la taxe réponde à l’ambition de la politique climatique française.

La censure initiale est donc l’occasion de faire mieux. D’assumer qu’en contrepartie de la mise en place d’une fiscalité environnementale, soit discuté un nouveau pacte social, qui ne laisse pas les plus vulnérables de côté dans la transition écologique. Mieux expliquée, mieux accompagnée, la taxe carbone sera plus efficace et mieux acceptée. Malgré les difficultés, il est impératif de persévérer pour un avenir énergétique et climatique plus durable.

Auteurs :

Dominique Bourg (Philosophe), Patrick Criqui (Economiste), Marc Dufumier (Agronome), Alain Grandjean (Economiste), Jean-Marc Jancovici (Ingénieur), Jean-Jouzel (Climatologue), sont membres du Comité de Veille Ecologique de la Fondation Nicolas Hulot.
Benoit Faraco est coordinateur changement climatique énergie à la Fondation Nicolas Hulot.

Pour aller plus loin :

* La FAQ de la FNH sur la taxe carbone ici

* Le communiqué de presse du Conseil Constitutionnel portant notamment sur la taxe carbone

* Le livre « Les Etats et le carbone », de Patrick Criqui, Benoît Faraco et Alain Grandjean, Editions des PUF, novembre 2009

  Fiscalité écologique, la voie de la raison

Cet article, « fiscalité écologique, la voie de la raison« , co-signé par Nicolas Hulot, Dominique Bourg, Patrick Criqui, Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean a été publié par Les Echos le 9 juin 2008. Il s’agit d’un appel à la création d’une Contribution Climat Energie et a son mode de compensation, appelé à l’époque par les experts de la FNH l’allocation universelle climat.

Un petit morceau d’histoire de la taxe carbone donc…

« Proposer l’instauration d’une nouvelle taxe sur l’énergie, à l’heure où son prix augmente fortement, ne relève pas d’une provocation irresponsable. C’est au contraire la voix de la raison. C’est donner à tous les acteurs le signal qu’ils doivent se préparer à une évolution inédite depuis le début de la révolution industrielle : la hausse structurelle du prix de l’énergie, alors que la valeur de celle-ci n’a cessé de diminuer depuis deux siècles (1). C’est se prémunir contre le risque climatique. C’est de plus conserver les moyens financiers dans les pays consommateurs plutôt que de les laisser partir vers les pays producteurs. »

Lire l’article sur les échos

  Le climat a besoin d’une taxe carbone

Une longue interview de la Revue Durable m’a permis d’exprimer mes positions sur la taxe carbone, la fiscalité écologique et ses enjeux.

J’en profite pour vous conseiller ce bimestriel de qualité. Ils sont sérieux, engagés et professionnels. Ils prennent le temps d’exprimer les idées et leurs dossiers sont toujours très bien documentés.

Pour en savoir plus, voici ce qu’ils disent d’eux-mêmes sur leur site.

Voici des morceaux choisis de cette interview (Parue dans La Revue Durable no 35, septembre-novembre 2009) :

LRD : Est-il impératif de taxer le carbone pour lutter contre le changement climatique ?
AG : Il me paraît essentiel d’insister très lourdement sur le besoin de mettre un prix sur les émissions de CO2, car cela n’est pas évident pour tout le monde. Il y a des gens qui, pour des raisons idéologiques, pensent qu’il ne faut jamais donner de prix à la nature, qu’il soit positif ou négatif. Je pense au contraire que sans contrainte économique, l’être humain n’est pas dissuadé de polluer. Et un système économique qui ne dissuade pas de polluer risque de générer un énorme sentiment d’injustice, car même s’ils se fondent sur une forte éthique personnelle, ceux qui font des efforts pour ne pas polluer n’accepteront jamais l’idée que les pollueurs ne sont pas sanctionnés.

Pour que le prix du CO2 puisse orienter les choix des industriels et les actes de la vie courante, il faut qu’il soit suffisamment lourd pour être dissuasif.

LRD : Mais un prix « lourd » ne peut pas être instauré du jour au lendemain.
AG : Bien sûr ! L’imposer trop vite ferait exploser le système. Pour ne pas contraindre des entreprises à déposer le bilan et épargner les ménages défavorisés, ce prix sur le carbone doit être mis en place à un niveau de départ assez bas, puis croître en permanence.

LRD : Concrètement, que propose la Fondation Nicolas Hulot ?
AG : Nous soutenons la proposition de la Commission Quinet4, qui recommande de partir avec un prix de 32 euros la tonne de CO2 en 2010 pour monter à 56 euros en 2020, 100 euros en 2030, 200 euros en 2050. Cette taxe s’appliquerait aux énergies fossiles : gaz, pétrole et charbon. Nous sommes en revanche très hostiles à l’idée de taxer le contenu en carbone des produits. Savoir combien de carbone il y a dans une fraise, c’est possible, mais cela prend du temps et ce contenu en carbone bouge… Or, il y a des millions de produits.

Certes, ce que nous proposons ne prend pas tout en compte. Il faudra s’attaquer rapidement par un mécanisme complémentaire au méthane et à l’oxyde nitreux issus de l’agriculture et de l’éructation des bovins, par exemple. Mais il faut agir vite, et dès lors faire avec ce qui est disponible. Pour l’administration, on sait faire : tous les pays européens taxent les combustibles. Le problème principal sera de garantir la croissance de la taxe : il est juridiquement beaucoup plus difficile de mettre en place un prélèvement qui croît qu’un prélèvement stable.

LRD : Cette taxe ne ferait-elle pas doublon avec le système européen des quotas, qui met déjà un prix sur le carbone ?
AG : Le système des quotas s’adresse aux grandes entreprises très intensives en carbone dans quelques secteurs : l’électricité, l’acier, le ciment, le verre, le papier et bientôt le transport aérien. Au total, il ne couvre, au niveau européen, que 50 % des émissions de CO2. En France, 30 % des émissions. Lorsque je me chauffe ou que je roule en voiture, par exemple, je ne suis soumis à aucune contrainte économique liée à la pollution que j’engendre.

LRD : Un autre sujet de discussions avec la taxe, c’est la redistribution de ses revenus.
AG : Sur ce point, nous proposons d’instaurer une allocation universelle climat pour les ménages. Idéalement, il faut garder la taxe jusqu’à la fin des temps, mais l’allocation doit être provisoire, le temps de permettre à chacun de s’adapter. Si les gens savent que la taxe est là pour rester, mais pas l’allocation, ils prendront toutes les dispositions pour diminuer leur charge fiscale carbone.

Aujourd’hui, par exemple, les gens emménagent sans considération du prix énergétique de la localisation du logement. Avec un système qui pénalise de plus en plus la consommation de carburant fossile, on fera beaucoup plus attention à ce paramètre. Il faut laisser l’allocation le temps que la transition sociale s’effectue – cinq ou dix ans –, car cela prendra du temps.

LRD : Mais tout le monde ne va pas déménager en cinq ou dix ans. Et les pouvoirs publics n’ont pas les moyens de revoir la configuration des agglomérations dans un laps de temps aussi court.

AG : La pression sur les ressources s’accélère, elle aussi, inéluctablement. Il faudra peut-être recourir à de grands travaux, comme lors du New Deal, solution que nous évoquons avec Jean-Marc Jancovici dans C’est maintenant ! Ce point sera soulevé à l’occasion du grand emprunt national.

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