Nicolas Bouleau est un mathématicien de haut vol, passionné d’architecture, de psychanalyse et de philosophie des sciences. Il a été professeur à l’école des Ponts. Il met dans ce livre remarquable son immense talent à nous faire comprendre les arcanes de la finance de marché et ses biais stupéfiants. Il en déduit une recommandation majeure en matière de transition écologique : la nécessité, déjà pressentie par Robert Solow, de construire des institutions chargées de donner des informations sur les données physiques nécessaires à la compréhension des effets de l’homme sur la planète et ses ressources. Le GIEC a ce mandat pour le climat et joue un rôle fort utile ; mais il n’existe pas de GIEC pour les ressources en énergie fossile
Les accords de Bâle, en instituant un ratio de fonds propres prudentiels sur les activités de crédit, ont contribué à une forte réduction du crédit bancaire aux entreprises. Les grands groupes se financent désormais essentiellement sur le marché obligataire, or l’obligation est un financement de marché, qui ne constitue pas ce qu’était le crédit bancaire : un partenariat de long terme qui équilibrait l’influence de l’actionnaire au sein de l’entreprise. La dérive court–termiste des politiques de gestion des entreprises, et leur impact délétère sur la croissance, pourrait bien trouver son origine dans l'insuffisance des accords de Bâle, qui ont par ailleurs démontré leur incapacité à éviter une crise bancaire systémique. Troisième et dernier billet de notre dossier « Court-termisme et régulation...
[1] Addendum à une intervention à un séminaire d’économie de la transition énergétique [2]
J’ai eu la chance jeudi 22 mai de pouvoir être le « discutant » d’une présentation faite par Pierre-Noël Giraud (PNG dans la suite), professeur à Mines Paris Tech et Dauphine. Le sujet étant complexe, je crois utile d’écrire noir sur blanc l’essentiel de mes propos et d’y apporter quelques précisions. Je me suis délibérément placé dans l’horizon court qui nous sépare de 2050. Car c’est dans ce délai que se joue l’enjeu de la hausse des 2°C.
Les chiffres me paraissent indiscutables. Selon le rapport 5 du groupe 1 du GIEC (voir...
[Billet invité : Nicolas Bouleau, qui a entre temps ouvert son blog]
Devant les difficultés économiques et environnementales que rencontre notre époque, des interprétations globales et partielles, à profusion, s'affrontent dans les journaux et les blogs. Au delà du relevé des faits nouveaux qui pénalisent ou avantagent ceux-ci ou ceux-là, les médias ne fournissent pas les mécanismes grâce auxquels le capitalisme rend légitime certains usages dans les secteurs économiques clés.
A propos de la finance, nous analysons ici la nature et les caractéristiques du risque pour les praticiens des marchés financiers afin de comprendre, et par là même de mieux situer, l'éthique sous-jacente sur laquelle s'appuie la finance néolibérale.
…livre inévitable. Saluons la qualité du travail et le courage des 3 journalistes Franck Dedieu, Benjamin Masse-Stamberger et Adrien de Tricornot (resp. à L’Expansion, à l’Express et au Monde Economie) pour cet essai paru dans la très solide collection Le débat de Gallimard.
Du courage il en faut pour :
[Cet article fait suite à une série de posts sur le Dogme] Nul ne peut affirmer que l’Euro va survivre à 2012, année de très grosses émissions obligataires de la part des Etats européens et des banques. La perte du Triple A[1] est de mauvais augure tout comme le blocage de la négociation avec les créanciers privés de l’Etat grec ; il semble bien que certains fonds, « gavés » de CDS n’aient pas intérêt à apporter leurs titres sur la table[2].
Sur un plan complètement différent, nul ne sait si la combinaison d’un durcissement des opinions publiques américaines et israéliennes, de tensions avec l’Iran, et de pression sur le pétrole ne va pas conduire aux scénarios malheureusement les plus classiques de sortie de crise économique : des conflits qui réactivent les...
Les taux d’intérêt auxquels l’Italie peut emprunter pour se financer sont en ce moment supérieurs à 6%. Avec une dette de 120% du PIB cela pourrait poser quelques menus problèmes. S’il était appliqué à toute la dette (ce qui n’est pas le cas car une partie est financée à des taux plus bas) la charge d’intérêt alourdirait mécaniquement le déficit public italien de 7,2% du PIB…
Rappelons que les ratios Maastrichtiens (déficit public inférieur à 3% du PIB et dette inférieure à 60% du PIB) ne tiennent sur la durée que si le taux de croissance est supérieur au taux réel de la dette. Dans le cas inverse, on observe un effet boule de neige, qui se formalise simplement.
L’effet boule de neigeUne petite démonstration vaut mieux qu’un long discours.
D = dette réelle (i.e., déflatée du niveau...
Michel Serres a bien titré son essai. Nous sommes entrés dans le temps des crises, inévitable quand l’enjeu est tout simplement pour l’humanité, donc pour chacun d’entre nous, de quitter une ère géologique « l’anthropocène »pour entrer dans le « noocène ». L’historien Eric Hobsbawm voyait, dans le XXème siècle, en observant conflits sanglants et totalitarismes, l’âge des extrêmes. Il ne s’agissait pourtant que d’une mise en bouche. Les risques majeurs dont celui d’une mort sans phrases de…milliards d’individus, sont de notre temps, de notre siècle.
A l’évidence nos valeurs, nos représentations du monde, nos modes de raisonnement, de...