Le récent Débat national sur la transition énergétique a reconnu la nécessité d’une réduction significative de la consommation d’énergie. Il a fait émerger des propositions concrètes qui devraient conduire à une loi de programmation en 2016 et impliquer des investissements considérables dans le domaine de la production et la distribution d’électricité mais aussi des transports et du logement, en conciliant enjeux économiques, sociaux et écologiques.
En France, soixante-dix pour cent de l’énergie finale consommée est issue de sources fossiles, pétrole et gaz principalement. Notre facture extérieure est élevée (70 milliards d’euros en 2012). La combustion de ces sources d’énergie émet du CO2 alors que nous avons pris des objectifs ambitieux de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre (GES).
Nos concitoyens en situation de précarité énergétique sont de plus en plus nombreux et nos entreprises sont soumises à une concurrence internationale rude dans laquelle le prix de l’énergie est un facteur de compétitivité.
La majorité des acteurs du Débat national sur la transition énergétique propose une réduction significative de nos consommations d’énergie.
REPÈRES
Le Débat national sur la transition énergétique, qui s’est tenu au premier semestre de l’année 2013, a mené ses réflexions d’une manière aussi élargie que possible avec des débats territoriaux, une journée citoyenne et un Conseil national. Près de 1 000 débats ont rassemblé 170 000 personnes avec 36 cahiers d’acteurs, 1 200 contributions citoyennes sur Internet, une journée citoyenne impliquant 1 115 citoyens dans 14 régions
Un enjeu industriel
Une grande priorité est à donner au secteur du bâtiment et du logement (40% de la consommation finale d’énergie et 25 % des émissions de GES), principalement à la rénovation de l’existant. Le consensus est large sur la nécessité d’un dispositif complet incluant des incitations, des réglementations et des mécanismes de financement adaptés.
L’efficacité énergétique est également un enjeu industriel dans plusieurs secteurs : le BTP bien sûr et les services associés, mais aussi l’automobile et le ferroviaire, le secteur des nouveaux services de mobilité (autopartage, covoiturage, etc.), le numérique qui est un auxiliaire souvent indispensable, tant la bonne gestion et la communication de l’information sont souvent décisives dans la maîtrise de l’énergie.
Des mesures possibles
Passer au taux de remplissage de deux personnes par voiture
Les mesures et dispositifs sont nombreux pour accompagner ce mouvement. Retenons tout ce qui concerne la rénovation thermique du bâti (avec un gros enjeu autour de l’obligation progressive de rénovation) et, dans le domaine de la mobilité, les projets de « voitures à deux litres» et de «deux personnes par voiture».
Passer d’un taux de remplissage de 1,3 par véhicule (moyenne française actuelle) à 2, c’est en effet faire un gain en consommation énergétique de 54%.
Enfin le fret ferroviaire, encore très en retard en France, devrait bénéficier d’investissements significatifs en nouvelles infrastructures.
Diversifier les sources d’énergie
En ce qui concerne le mix énergétique et son évolution future, le débat a été âpre autour du nucléaire, avec des enjeux lourds en termes d’investissements (sûreté, prolongation, démantèlement), d’emplois et de compétence industrielle, d’environnement et de sûreté.
La nécessaire diversification des sources de production électrique pour ne pas dépendre d’une technologie ne pouvant exclure un accident majeur ni des défauts génériques est évidemment à gérer avec soin, tant pour des raisons économiques qu’à l’égard de la maîtrise des émissions de GES et de la gestion de la part croissante d’énergies renouvelables (ER) variables. Il appartiendra au gouvernement de prendre ses responsabilités dans un domaine évidemment non consensuel.
Le renouvelable devient crédible
Les aides publiques ou assimilées doivent être plus efficaces
Les énergies renouvelables (ER) sortent, elles, de la marginalité. Les ER électriques (dont l’hydraulique) produiront dans le monde en 2016 plus que le gaz et deux fois plus que le nucléaire. Globalement, leurs coûts diminuent. Ceux du solaire photovoltaïque suivent une courbe d’expérience remarquable au niveau mondial (prix divisé par vingt en vingt ans).
Du côté de la biomasse, dont le potentiel est mieux cerné, on commence à voir émerger d’intéressants débats sur le choix des meilleures sources (déchets, agriculture, forêt) et des meilleurs vecteurs (liquide, chaleur, gaz, électricité).
Une demande unanime émerge du débat : celle d’un cadre lisible et aussi simple que possible en matière de développement des ER.
Des aides plus efficaces
La nécessité d’un signal-prix carbone a été réaffirmée par plusieurs acteurs : il est bien connu qu’il est indispensable pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. La commission sur la fiscalité écologique, en parallèle du Débat, a fait des propositions soumises au gouvernement fin juillet. Ce n’est cependant pas de cette fiscalité qu’il faut attendre des recettes significatives pour financer la transition énergétique.
Le risque de défaut générique
L’Agence de sécurité nucléaire (ASN) souligne que «l’expérience a montré que la standardisation comporte aussi le risque qu’un défaut grave, que l’on ne peut exclure a priori, soit générique et affecte plusieurs réacteurs. Dans une telle situation, l’ASN pourrait juger nécessaire, au regard des exigences de sûreté, de suspendre sans délai le fonctionnement de ces réacteurs. L’arrêt rapide d’une part significative des moyens de production électrique provoquerait, en l’absence de marges, une pénurie d’électricité avec des conséquences sociales et économiques considérables.»
En effet, elle ne sera acceptable que si elle se fait à prélèvements obligatoires constants. D’autre part, son affectation pose toujours de redoutables problèmes. Les aides publiques ou assimilées doivent être rendues plus efficaces, mais les contraintes budgétaires et fiscales sont telles qu’il n’est pas possible de les faire croître significativement.
Du côté de la production énergétique, les investissements doivent être majoritairement financés par le prix des énergies et, pour l’électricité, par la contribution de service public de l’énergie1, sous sa forme actuelle ou sous une autre.
Du côté des transports, du bâtiment et du logement, des mécanismes adaptés doivent être mis en place : mobilisation du Plan d’investissement d’avenir, fléchage de l’épargne nationale (livret A ou Livret développement durable), circuits simplifiés pour le financement par l’épargne locale des projets territoriaux, mobilisation des fonds de la BPI pour les entreprises oeuvrant pour la transition.
Signalons deux propositions innovantes. L’une, émise par CDC Climat2, vise à constituer un circuit spécialisé de financement de la rénovation énergétique des logements. L’autre, faite par Gaël Giraud, directeur de recherche au CNRS, envisage une société de financement de la transition énergétique, ciblant les bâtiments publics et conçue sur le modèle de la SFEF, inventée en 2008 pour venir en soutien aux banques au bord de la faillite.
Ce montage permettrait de libérer 10 milliards d’investissements par an pendant dix ans sans grever la dette publique.
En définitive, ce Débat a indiscutablement fait émerger des propositions assez concrètes et de nature à réconcilier les enjeux économiques, sociaux et écologiques. Espérons que la loi de programmation qui en résultera et sera discutée au Parlement au premier semestre 2016 sera à la mesure de l’attente qu’il a suscitée.
(Voir l’article en ligne)
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1. Contribution de service public de l’énergie qui pèse, en 2013, 13,5 euros le mégawattheure soit 10% environ du prix final TTC de l’électricité (tarif réglementé aux particuliers).
2. Missionnée par la ministre de l’Égalité des territoires et du Logement et la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, le 17 avril 2013.