Cent sept députés ont saisi le Conseil constitutionnel sur le Ceta qui, après son approbation par le Parlement européen le 15 février, pourrait entrer en oeuvre de manière provisoire, le temps d’être adopté par les Etats membres. Ce traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada met en effet en cause plusieurs principes de notre Constitution : l’égalité, la souveraineté, l’indépendance et le principe de précaution.
Il ouvre aussi la voie à l’affaiblissement de nos normes sociales et environnementales. Le Ceta favorisera l’entrée sur le marché européen de viandes issues de bovins nourris bien plus que les nôtres aux OGM, aux farines animales et traités aux antibiotiques. Il interdira de bloquer les importations de carburants issus des sables bitumineux du Canada, dont la production est très nocive pour l’environnement.
Les multinationales soutiennent les accords de libre-échange car elles souhaitent un « terrain de jeu uniforme » pour toutes les entreprises dans un maximum de pays. Elles veulent aussi des baisses de charges et des allégements réglementaires. Outre ce nivellement par le bas, ce type d’accord inverse les valeurs qui devraient fonder nos sociétés et repose sur le dogme erroné du libre-échange. Or, le libre-échange ne devrait avoir d’autre finalité que l’amélioration du bien-être des sociétés humaines. Il se déploie par ailleurs dans la biosphère. Il devrait donc être subordonné à la disponibilité des ressources naturelles.
Le libre-échange est souvent présenté comme un facteur de croissance, par opposition au protectionnisme qui serait synonyme de régression. Ce n’est ni démontrable en théorie ni montré en pratique. Les Trente Glorieuses (1945-1975) ou la « première mondialisation » (1870-1914), périodes bien plus protectionnistes que ne l’est la période actuelle, ont été des années de progrès rapide et de développement des échanges internationaux. A l’inverse, le surcroît significatif de liberté des échanges au sein de l’Europe depuis les années 1980 ne s’est pas accompagné d’une dynamique équivalente. Concernant le Ceta, le chiffrage (par définition discutable) de ses gains macroéconomiques laisse songeur : selon la Commission européenne, il se traduirait par une hausse du produit intérieur brut (PIB) inférieure à 0,08 % par an pour toute l’Europe.
C’est en refusant de reconnaître les possibles effets négatifs de tels accords qu’on renforce le ressentiment de ceux qui s’en sentent les victimes. Et qu’on encourage le vote extrême.