Beaucoup d’entre nous allons voter au deuxième tour de l’élection présidentielle non par adhésion pour le candidat dont nous mettons le nom dans l’urne, mais pour éliminer celui ou celle dont nous ne voulons pas. Parfois nous irons voter par simple intérêt matériel. Les « nomades », comme les désigne Pierre-Noël Giraud, pensent avoir intérêt à voter Emmanuel Macron, contrairement aux « sédentaires » qui se vivent comme des perdants de la mondialisation.
Le vote Le Pen du premier tour était géographiquement très marqué et il en sera tout autant au deuxième. Les habitants des zones rurales en déperdition se sentent exclus. A raison. La logique étroitement comptable qui conduit à fermer des écoles, à regrouper des centres de soins, à fermer des services publics de tous ordres les ignore. Plus généralement, les inégalités sociales (monétaires et non monétaires) s’accroissent dans notre pays. Le sentiment d’avoir été trahi et d’être méprisé par des élites urbaines se disant de gauche est une manifestation tangible de l’échec du programme social-libéral depuis les années 1980, tant au niveau français qu’européen.
Sortir de la doxa néolibérale
Le « tout-marché », même tempéré par des transferts structurels ou sociaux, est au cœur de l’échec du projet européen. Il risque de faire exploser l’Europe sous des forces nationalistes. Il faut tourner résolument cette page.
Notre vote sera utile s’il crée l’occasion de reconstruire et de mettre en œuvre une nouvelle doctrine économique sociale et écologique, pour sortir de la doxa actuelle. S’il est élu, Emmanuel Macron ne disposera probablement pas d’une majorité. Il devra se fonder sur une coalition de gouvernement et devra innover par rapport à son programme actuel. Au niveau européen, un replâtrage ne peut suffire.
Il va bien falloir en finir avec le dumping social et environnemental, au sein de l’Europe et de la part des pays tiers. Il va bien falloir, au-delà des divergences entre pays, créer une Europe de l’énergie, qui permette de respecter l’accord de Paris, tout en redonnant des perspectives d’emploi dans les régions où le charbon est condamné de ce fait. Il va bien falloir durcir les réglementations qui permettent de nous protéger du risque toujours élevé de crise bancaire et financière, et mettre le système bancaire et financier et la Banque centrale au service de l’environnement et du social.
Il va bien falloir relancer l’idée et la pratique d’une politique industrielle et relancer l’activité économique par un vrai plan de transition énergétique et écologique, en créant des marges de manœuvre significatives dans le domaine de l’investissement. Il va donc falloir faire évoluer les référentiels comptables pour sortir de la tyrannie du court terme qu’imposent les règles actuelles.
Le compte n’y est pas
En France, le candidat favori des sondages devra amplifier ses propositions dans le domaine de la transition énergétique et écologique. Le compte n’y est pas (sans doute pour des raisons de cadrage budgétaire) en matière de rénovation énergétique dans le bâtiment et le logement. De la même manière, ses propositions de « plan de transformation » des exploitations agricoles semblent surtout guidées par des critères de performance étroitement comptable, même s’il évoque les critères environnementaux et de bien-être animal, les projets de circuits courts et la rémunération des services environnementaux. Le Grenelle de l‘alimentation qu’il propose sera l’occasion de tester sa sincérité et son ambition sur la question des liens entre santé et environnement, qui préoccupe fortement les Français.
Voter Macron n’a de sens que si ce vote permet de tourner la page du social-libéralisme. Espérons que le candidat Macron en a bien conscience.