Si l’on peut se féliciter de la décision gouvernementale d’accélérer la hausse de la taxe carbone sur les combustibles et les carburants, le gouvernement doit maintenant reprendre un autre dossier, celui de la taxation du contenu en carbone de l’électricité. Avec quelques collègues1, nous avons réfléchi en profondeur à un mécanisme concret, qui vient d’être présenté dans une note du think tank Terra nova, consistant à instaurer d’ici à 2020 en Europe de l’Ouest un prix plancher pour la production d’électricité de 20 à 30 euros par tonne de CO2. La part du charbon dans la production d’électricité en Europe de l’Ouest se réduira rapidement, ce qui contribuera de manière significative à la tenue des engagements climatiques de l’Union européenne.
Un gisement d’économies à moindre coût
Les travaux de la commission Canfin-Grandjean-Mestrallet ont mis en évidence la difficulté d’une démarche unilatérale sur ce sujet. Il est, en particulier, essentiel de rallier l’Allemagne à cette ambition du fait de son poids politique et économique dans l’Union, mais aussi parce que le mix électrique allemand est bien plus dépendant du charbon que le nôtre.
Plus généralement, le secteur électrique européen présente le potentiel de réduction le plus important et des coûts de décarbonation parmi les plus faibles. Il est en situation de surcapacité et il est nécessaire, tant pour les acteurs du système électrique que pour la planète, de réduire la production électrique en commençant par les sources les plus polluantes. Cependant, les conditions de marché actuelles risquent de conduire à l’exploitation et au maintien des centrales à charbon alors que les centrales à gaz seront pas ou peu utilisées, puis seront arrêtées.
Le bon moment pour agir
La fenêtre de tir est étroite mais réelle : au lendemain des élections allemandes et avant la COP23, qui se déroulera à Bonn du 6 au 17 novembre prochains. La France y a intérêt et continuerait ainsi à montrer son engagement. Pour l’Allemagne, c’est le moment de sortir de l’ambiguïté.
Pour être efficace, une telle mesure devrait être déployée de concert entre les Etats de la région : la France et l’Allemagne, mais aussi l’Italie et l’Espagne, ainsi que les pays du Benelux (et également le Royaume-Uni, où la mesure est déjà en place). Ce mécanisme peut être initié graduellement par quelques pays pour être ensuite élargi à un ensemble plus important : un tel processus décisionnel serait beaucoup moins lourd que celui associé au marché européen du CO2, dont les règles de fonctionnement doivent être négociés entre tous les Etats membres.
Les conditions indispensables pour réussir
Les conditions de mise en œuvre seront cependant cruciales :
- Il faut limiter les impacts négatifs sur les industries électro-intensives et leurs salariés faisant face à la concurrence internationale, en utilisant les mécanismes de compensation existants.
- Les revenus pour les finances publiques engendrés par le prix plancher devront financer la reconversion des emplois de l’industrie du charbon dans les pays concernés, en particulier en Allemagne.
- Dans l’attente d’une réforme globale et ambitieuse du marché européen du CO2, qui reste indispensable, les Etats devront racheter des permis d’émission pour ne pas aggraver l’actuelle situation de surplus.
Sous ces conditions, un prix minimum du CO2 constitue la solution la plus efficace et la plus rapide à court terme pour cibler le gisement de réduction de gaz à effet de serre le plus important, et parmi les moins coûteux, en Europe.
Tribune publiée dans Alternatives Économiques
- Sébastien Timsit, Jeannou Durtol, Antoine Guillou, Emilie Alberola et Charlotte Vailles ↩︎