Benjamin Dessus commente en détails la note : « Sortir du nucléaire : à quel prix »

11 juin 2011 - Posté par Alain Grandjean - ( 12 ) Commentaires

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Par Benjamin Dessus, président de l’association Global Chance.

Le scénario de sortie du nucléaire que propose Alain Grandjean sur son site sous le titre « Sortir du nucléaire : à quel prix » propose la comparaison en 2050 de deux scénarios contrastés :

  • Un scénario d’économies d’électricité qui conduit à un besoin de 310 TWh en 2050 (516 TWh en 2009) et de sortie du nucléaire remplacé à ce terme par de l’électricité renouvelable et une minorité d’électricité ex gaz.
  • Un scénario à 500 TWh avec poursuite de la politique nucléaire avec remplacement du parc existant par des EPR chaque fois que nécessaire dit scénario « tout EPR ».

Les deux scénarios explicitent de façon très vraisemblable l’éventail des possibilités qui nous sont offertes. Néanmoins l’horizon proposé, 2050, paraît singulier. En effet le scénario d’une sortie du nucléaire en 2050, bien que moins tendu,  suppose soit  la prolongation à plus de 50 de la durée de vie des réacteurs qui ne paraît guère crédible s’il existe des craintes majeures sur la sûreté des réacteurs existants ou la construction de nouveaux réacteurs qui apparaît comme assez contradictoire avec la volonté de sortie du nucléaire. Il serait donc plus crédible d’imaginer ces scénarios à 2030 ou 2035. Mais la date de réalisation de ces deux images n’a pas d’influence majeure sur l’exercice proposé qui porte sur la comparaison des prix payés par l’usager dans les deux cas.

On rappelle brièvement ci dessous les éléments retenus par l’auteur : quantités d’électricité produite par filière et coûts unitaires proposés. Les chiffres du scénario « tout EPR » n’étant pas donnés explicitement par l’auteur sont déduits de ses commentaires et donc soumis à caution. En particulier les chiffres indiqués par A Grandjean semblent comprendre l’autoconsommation des centrales qui varie fortement entre un scénario majoritairement renouvelable et un scénario majoritairement électricité d’origine thermique.

Approvisionnement en électricité

  ScénarioSortieScénario tout EPR
Thermique classique563030
Nucléaire4100453
Hydraulique627070
Eolien terrestre811010
Eolien offshore0500
PV0600
Biomasse6506
Total production542349563
Pertes et pompage-39-31– 39
Autoconsommations des centrales– 24– 8– 24
Solde Exportation-2600
Total disponible pour consommation interne(dont conso des centrales)47624310850024

Coûts de production de l’électricité (taux d’actualisation 8%)

Coûts de production €/MWh20102050
Thermique classique60150
Nucléaire4080
Hydraulique3030
Eolien terrestre8080
Eolien offshore180180
PV200150
Biomasse150100

Commentaires sur les coûts.

Thermique classique : le coût actuel du MWh CCG est de l’ordre de 65 €. Si on admet comme l’auteur le propose une taxe de 100 €/tonne de CO2, le MWh électrique exgaz qui émet 400kg de CO2, est taxé de 40€ et le coût total atteint 105 euros. Le coût de 150 euros suppose donc une augmentation très forte du prix du gaz naturel (une multiplication par deux) ou une taxe de l’ordre de 220 euros par tonne de CO2. Il est donc prudent de prendre une fourchette de 105 à 150 euros.

Nucléaire : Le coût de 80 euros /MWh pour l’EPR  retenu est compatible avec les hypothèses de coût d’investissement de 4 à 5k€/kW et un fonctionnement de 8000 heures par an. Mais dans le scénario décrit il n’est pas possible d’atteindre ce taux d’utilisation du nucléaire puisqu’il ne reste quasiment que l’hydraulique pour gérer la pointe journalière et surtout saisonnière qui est très importante en France. Le taux de charge de 90% retenu n’est donc pas réaliste. Il serait plus raisonnable d’adopter un taux de charge de l’ordre au maximum de 75% ((Rappelons qu’en France en 2009 la capacité installée, hors hydraulique atteignait 91 GW pour une production de l’ordre de 490 TWh, l’hydraulique avec 25 GW fournissant 68 TWh. Hors hydraulique le taux d’utilisation moyen du parc était donc de 49010E 3/ 91 = 5400 heures et un  facteur de charge de 62%.)). Le coût est alors augmenté de 20% pour atteindre 95€/MWh.

L’autre question qui se pose est celle du coût d’un accident majeur et/ou de la prime d’assurance correspondante. L’auteur fait une estimation de cette prime (1 euro) à partir d’un risque d’accident grave de 10 E-5 par année.réacteur.

Quand on analyse  non plus les probabilités calculées mais les accidents constatés depuis 30 ans, on trouve 4 accidents majeurs, 1 à Tchernobyl et 3 à Fukushima pour 450 réacteurs environ. Pour une soixantaine de réacteurs en France on obtient donc une demie « chance » d’accident majeur dans les 30 ans qui viennent. Si l’on admet comme l’auteur que le coût d’accident est de 100 G€, le coût au MWh associé à ce demi accident s’en déduit aisément. La production en 30 ans du parc français est de l’ordre 12,2* 400 TWh =  5000 TWh (taux d’actualisation de 8% sur 30 ans) et le risque financier de 50 G€, soit 10€/MWh. Les évaluations actuelles des conséquences financières de Tchernobyl et de Fukushima laissent cependant penser que le coût d’accident est plutôt plus proche de 200 G€ que de 100. Sur ces bases on aboutit à un coût complet de 105 euros/ MWh.

Renouvelables

Les coûts de l’hydraulique et de l’éolien terrestre n’attirent pas de commentaires, même si l’on peut espérer la poursuite de baisses de coûts de l’éolien terrestre. Par contre l’hypothèse de maintien au niveau actuel du coût de l’éolien offshore semble une hypothèse pessimiste. Il serait prudent d’envisager une fourchette de coûts entre 120 et 180€ en 2050.

De même pour le photovoltaïque avec une fourchette de coût de 100 à 150€.

En ce qui concerne la biomasse, les coûts affichés pour 2010 semblent élevés. Il est possible qu’ils concernent des coûts de cogénération chaleur électricité, sans qu’on ait attribué une partie de ces  coûts à la production de chaleur. Les coûts moyens européens pour l’électricité semblent plutôt se situer aujourd’hui autour de 115$/MWh, soit 80€/ MWh environ, coût qu’on propose de maintenir au même niveau en 2050.

Compte tenu de ces observations on peut dresser un nouveau tableau avec des fourchettes de coûts pour les différentes filières et chiffrer les deux scénarios dans les hypothèses hautes et basses de ces coûts

Fourchette de coûts de production de l’électricité en 2050

Coûts de production €/MWh20102050 12050 2
Thermique classique60150105
Nucléaire4080105
Hydraulique303030
Eolien terrestre808080
Eolien offshore180180120
PV200150100
Biomasse15010080

Si on prend cette fourchette de coûts de production, on trouve, hors investissements de réseau et d’économies d’électricité, les valeurs indiquées dans le tableau ci dessous :

Coûts de production dans les différents scénarios

Scénario SortieScénario SortieScénario tout EPR
Consommation totale310500
Coût total production G€30 -38,442,6- 53,8
Coût moyen au kWh prod9,7 – 12,4 ct€8,5-10,8 ct€

Pour l’usager il faut ajouter à ces coûts les coûts de transport et de distribution que l’auteur estime  à 57 € par MWh pour le scénario renouvelable et 52 € pour le scénario tout EPR, pour tenir compte de la complexification du réseau dans le scénario ENR.

Facture globale et coûts unitaires pour l’usager (hors taxe)

Scénario SortieScénario SortieScénario tout EPRRappel 2009
Coût total au kWh( ht)15,4 –18ct€13,7-16ct€9,6
Facture Globale G€( ht)47,7- 56,168,6-79,843,1

Selon les hypothèses de coût des filières retenues, le coût du kWh hors taxe est 12 à 13% moins cher dans le scénario « TOUT EPR » mais la facture annuelle globale est 42 à 44 % plus élevée que dans le scénario « sortie du nucléaire ». On constate d’autre part que les divergences d’estimations des coûts de production n’ont qu’une influence assez mineure sur le résultat final.

Dans les deux scénarios, le coût du kWh (hors taxe) pour l’usager augmente très sensiblement par rapport à 2010, de 40 à 90%. Par contre la facture globale hors taxe n’augmente que de l’ordre de 20% dans les scénarios sortie mais de plus de 70% dans le scénario tout EPR.

Enfin le tableau TTC de la facture globale  et du coût au kWh montre que l’écart de facture globale entre 2009 et le scénario sortie du nucléaire devient négligeable (10% dans le cas le plus défavorable)  même si les coûts au kWh restent nettement plus élevés.

 

Facture globale et coûts unitaires pour l’usager (TTC)

Scénario SortieScénario SortieScénario tout EPRRappel 2009
Coût total au kWh( TTC)19 -21,717,4 -19,612,7
Facture Globale G€( TTC)59,2- 67,587,1 -98,360,6

Deux questions importantes restent évidemment posées :

  • Quels investissements supplémentaires faut-il faire sur le réseau électrique dans les deux cas ?
  • Quels investissements faut-il consentir pour faire des économies importantes d’électricité (>30%) et par conséquent quel coût supplémentaire pour les usagers ?

Il est difficile de répondre à la première question. Dans le scénario « sortie du nucléaire », il y a en effet un investissement important de maillage électrique décentralisé à réaliser pour atteindre les points sources renouvelables et mutualiser les productions sur tout le territoire.

Dans le scénario EPR, il faut aussi construire un réseau intelligent pour raboter au maximum la pointe et éviter de voir des centrales nucléaires n’être utilisées qu’un nombre d’heures très modeste par an.

Il est probable que la première solution est plus dispendieuse que la seconde mais il n’est pas aisé de chiffrer cette différence.

La seconde question est celle des économies d’électricité.

Les investissements nécessaires sont évalués par A Grandjean à 300 à 700 milliards € sur la base d‘un coût d’investissement de 2 à 4€ d’investissement pour économiser 1kWh pendant 30 ans. Cette estimation repose sur le calcul du coût de la rénovation thermique d’un bâtiment de l’ordre de 20 000 euros par logement consommant 10 000kWh et permettant d’en économiser 5000 par an, soit 4 € par kWh. Ce calcul est correct et conduit à un coût de l’ordre de 33ct€ au kWh économisé (sur la base d’une durée de vie de 30 ans et du taux d’actualisation de 8% qu’il a retenu, 60 000kWh pour 20 000 euros).

Mais le chauffage en France ne représente que 60 TWh sur les 280 TWh consommés dans le résidentiel tertiaire en 2009 et 450 TWh tous secteurs confondus. Si ces mesures d’isolation sont nécessaires elles le sont tout autant pour les habitations chauffées par d’autres moyens.

Si l’on veut approcher le coût d’investissement d’une réduction de consommation d’électricité de chauffage il serait plus judicieux par exemple d’estimer le coût d’une pompe à chaleur de COP 3 en moyenne sur l’année qui réduit par un facteur 3 la consommation.

Dans l’exemple donné par  A Grandjean d’une dépense de 10 000 kWh par an de chauffage (durant 4 mois) la puissance des radiateurs serait de l’ordre de 7,5 KW (pour répondre aux pointes de froid)  et celle d’une pompe à chaleur de l’ordre de 2,5kW électrique (7,5 kW thermiques), soit un surcoût d’investissement de 5000 euros environ (2000*/kW) pour économiser 6600 kWh par an pendant 20 ans, 0,76 euros d’investissement par kWh et 7ct€ par kWh évité  (10,8kWh actualisés au taux de 8% sur 20 ans) contre 4 euros pour 12,2kWh actualisés sur 30 ans dans l’exemple de Grandjean, un coût de 7 ct d’euro par kWh économisé par la pompe à chaleur contre 33 centimes dans l’exemple de A Grandjean. L’écart de coût est d’un facteur 4,5.

Mais surtout, le plus gros potentiel d’économies d’électricité se situe en fait dans le domaine de l’électricité spécifique, la plupart du temps pour des coûts d’investissement par kWh économisé beaucoup plus faibles que pour les applications thermiques et qui conduisent à un remboursement de l’investissement par les économies d’électricité en 2 à 5 ans.

Donnons en deux exemples :

Si on prend des lampes économes de 20 watts, qui permettent d’économiser 80 Watts pendant 1000 heures par an et une durée de vie de 10 ans, l’économie actualisée d’électricité à 8% sur 10 ans est de 580 kWh pour un surinvestissement de l’ordre de 6 € et un coût de l’ordre de 1 centime d’euro le kWh évité (sans même compter que les lampes à incandescence auront besoin d’être changée 5 à 10 fois pendant la même période de 10 ans.).

Pour le froid alimentaire un coût d’investissement de 100 euros permet d’accéder à la catégorie A ++ des réfrigérateurs et d’économiser 250kWh ((Voir « Du gâchis à l’intelligence » Global Chance n°27))  par an pendant 20 ans et un coût de l’ordre de 4 ct€ par kWh.

Il en est de même pour de nombreuses applications domestiques et industrielles.

Si l’on adopte en moyenne un coût actualisé de 5 ct d’euros par kWh évité pour l’ensemble des mesures d’économie d’électricité (ce qui apparaît comme assez élevé au vu des exemples donnés), le surcoût sur la facture globale annuelle sera de l’ordre de 9,5 milliards d’€ (170TWh x5ct€).  Ce surcoût sur la facture d’électricité est nettement inférieur à la différence des coûts des factures globales des deux scénarios qui s’étalent de 21 à 24 G€ selon les coûts de production retenus.

D’autant que le renforcement très probable de la réglementation européenne sur les matériels électroménagers et des incitations fiscales suffisantes sont de nature à faire évoluer rapidement l’offre industrielle vers des matériels économes sans surcoût notoire pour le consommateur (par ex des bonus malus sur les appareils ou une tarification progressive de l’électricité). L’expérience allemande où la consommation d’électricité spécifique des ménages, égale à celle de français en 1998, est aujourd’hui 25% plus faible qu’en France renforce cette analyse. A noter aussi qu’en Allemagne le prix du kWh pour l’usager est environ 25% plus cher, mais la facture payée chaque année analogue à celle d’un français qui consomme 25% de plus d’électricité spécifique. On constate que dans ce pays dont le taux d’équipements en appareils électriques est plus élevé qu’en France, l’efficacité moyenne des appareils est nettement meilleure qu’en France

Globalement il n’est donc pas du tout évident qu’une sortie du nucléaire accompagnée d’une stratégie d’économie d’électricité ambitieuse coûte plus cher à la collectivité et aux usagers que la poursuite de la politique actuelle.

Conclusion provisoire

Malgré quelques divergences sur l’évolution du coût des filières de production d’électricité (en particulier sur le coût d’un accident et sa probabilité d’occurrence et le taux de charge implicite retenu), nous partageons l’analyse d’Alain Grandjean d’une électricité plus chère au kWh dans le scénario sortie du nucléaire que dans le scénario « Tout EPR ». Par contre il ne semble pas que sa seconde affirmation « la facture finale pour le consommateur, en tenant compte de l’amortissement des mesures d’économie d’électricité, serait supérieure d’un facteur 1 à 1,4 en fonction du coût de la MDE qui ne compensent pas les gains sur les volumes d’électricité achetés » soit étayée.

Notre analyse conduit plutôt à des conclusions inverses, qu’il faut cependant tempérer par l’incertitude qui demeure sur les coûts d’investissement et de maintenance des réseaux intelligents indispensables, mais d’architectures différentes, dans les deux scénarios.

Nous partageons par contre ses autres conclusions et questions que nous rappelons ci dessous :

  • Capacité et conditions de mise en œuvre d’une politique ambitieuse de MDE
  • Capacité des réseaux à gérer la pointe et l’intermittence
  • Capacité des ENR à produire un kW de plus en plus compétitif.

Enfin se pose évidemment la question des moyens d’incitation à mettre en place pour réaliser le programme d’économies d’électricité retenu qui apparaît comme crucial. Il suppose certainement d’établir un tarif progressif, de jouer avec les certificats d’économie d’énergie pour les producteurs, d’engager des politiques industrielles vigoureuses et d’instaurer des incitations à l’achat de matériels performants (ex : bonus malus sur l’audiovisuel ou l’électroménager).

L’autre point à ne pas négliger est l’opposition forte que rencontrera inéluctablement cette politique auprès des producteurs distributeurs d’électrcité qui ont tout intérêt, comme le montre la comparaison des scénarios à favoriser une consommation élevée qui permet des chiffres d’affaires 50% plus élevés (quel que soit le mix de production retenu). On ne peut même pas espérer qu’ils puissent se rattraper en vendant des économies d’électricité puisqu’elles sont au moins deux fois moins chères au kWh que sa fourniture (<5ct€ contre 10ct€ hors taxe pout l’électricité distribuée). Dernier point important. Les deux scénarios n’envisagent pas de nouvelles applications de l’électricité, genre pénétration massive des véhicules électriques par exemple qui pourraient gonfler les dépenses d’électricité et détendre l’usage de fossiles dans d’autres secteurs. Mais c’est difficile d’en parler sans faire un scénario énergétique global de la transition. Il me semble préférable d’attendre la sortie du scénario Négawatt. Cela ne retire rien à la question de la comparaison des coûts qu’explicite bien l’exercice ci dessus. Par contre si la consommation d’électricité devait augmenter beaucoup, par exemple de 60 ou 100TWh en 2030 dans les scénario sortie , la mise en place des renouvelables se heurterait probablement à une question de rythme. Il faudrait alors probablement retrouver une soudure avec des CCG, quitte à perdre sur le bilan CO2 de l’électricité, mais en gagnant sur le bilan CO2 global…

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12 Responses to “Benjamin Dessus commente en détails la note : « Sortir du nucléaire : à quel prix »”

  1. Pour la comparaison entre France et Allemagne sur la consommation du parc électrique, il faut garder en tête que les démographies des deux pays n’ont rien à voir. Sur la période 1998 (utilisé par l’auteur) – 2010, l’Allemagne a vu sa population se réduire à hauteur de 0,2% alors qu’en France la population a augmenté de près de 7%

    Ça n’enlève rien à l’effort des Allemands (une électricité plus chère aide bien, on le voit bien) où le secteur de l’efficacité énergétique y est mieux développé mais c’est à prendre en compte et cela dans tous les domaines : énergétiques comme budgétaires !

  2. Quelque soient les hypothèses, et sous réserve d’approfondir les point durs mentionnés, il me semble bien que le « TINA » sur le nucléaire soit un enfumage (de plus). Ce dont je doutais peu , mais je n’arrivais pas à le justifier. Plutôt que d’évoquer leur impuissance, que bizarrement, ils transforment en argument ??? (on change rien parce-que TINA, comment faire en sorte que certains politiques de divers bords se mettent enfin à réfléchir ou au moins à écouter, sans à priori, ceux qui réfléchissent.

    En fait, plus que choix rationnel entre 2 scénarios, je crois que, dans le climat de compétition internationale ou on vit, le système politique dominant en France est motivé par 2 priorités:

    -Ne pas décrocher vis à vis de l’Allemagne, et sur ce plan pour préserver notre (pauvre) commerce extérieur, il faut garder une des dernières industries où on peut prétendre à un avantage concurrentiel à l’exportation.

    -Faire plaisir aux MARCHES pour ne pas se retrouver dans la situation de l’Espagne, du Portugal,…. et donc couper dans les budgets tous azimuts pour rester COMPETITIF (donc ne rien changer à notre politique énergétique, qui est bien sur « la meilleure du monde »).

    Dans cette hypothèse, effectivement « There Is No Alternative ».

    Ce slogan, qui nous est martelé sous diverses formes, et sur de plus en plus de sujets, n’est plus supportable, merci de vos éclairages.

  3. Bonjour à tous, et merci à A.Grandjean et B.Dessus pour leur scénarios et analyses qui explorent l’économie d’un choix politique majeur qui est devant nous.
    Permettez-moi d’intervenir sur l’un des chiffrages que conteste B.Dessus. Pour faire monter à 10 l’estimation de 1 euro par MWh comme « prime d’assurance » de l’accident nucléaire grave, il s’appuie sur plusieurs arguments. Cependant :
    1) On ne peut pas invoquer l’accident de Tchernobyl pour rejeter les études probabilistes de sûreté qui donnent 10 E-5 par année.réacteur et s’appliquent à des réacteurs et des modes d’exploitation sans rapport avec les RBMK soviétiques.
    2) Poser Fukushima sur la case « accident compte triple » est commode pour augmenter la fréquence observée, mais revient à ignorer l’unité de cause, de temps, de lieu et de dommage de cet accident (dont les rejets radioactifs sont de loin inférieurs à Tchernobyl).
    3) Pour passer aux euros par MWh, B.Dessus actualise justement les MWh produits pendant 30 ans avant de les additionner. Pourquoi ne fait-il pas de même au numérateur ? Si le risque annuel par réacteur est p et le coût de l’accident C, l’espérance annuelle de dommage pour 60 réacteurs français est p*60*C et il faut également multiplier par 12,2 pour actualiser sur 30 ans. Cela donne 2,5 fois moins.
    => Au total, un facteur 10 qui me semble bien critiquable!
    Très cordialement.

  4. @AG
    Par moment, on se demande aussi si ce n’est pas seulement les politiques publiques qu’il faut sortir de la tutelle des marchés, mais aussi les hommes politiques, ou alors en trouver d’autres. 30 ans d’influences et d’amicales pressions, ça marque.
    Cordialement

  5. Il serait intéressant de savoir dans le détail, comment Dessus et Grandjean comptent réduire la consommation à 310 TWh.
    Si on cherche à se renseigner sur le gisement , on trouve pour l’électricité spécifique 60 TWh dans le résidentiel et une dizaine dans l’industrie.
    Grandjean a raison de s’appuyer sur le bâtiment , en ajoutant l’ECS et la cuisson, il y a près de 100 TWh d’usage thermique de l’électricité…
    Même en s’appuyant sur bâtiment, on n’arrive pas à imaginer une telle baisse de consommation.

  6. Dans cette analyse des coûts, je ne vois pas la prise en compte du coût de gestion des déchets nucléaires et du démantèlement des centrales.
    Je ne comprends pas.

    • Bonjour.
      Le coût de gestion des déchets est incorporé dans le coût du kWH nucléaire; l’ordre de grandeur (à discuter) est de 2 euros le MWh.
      Le coût de démantèlement ou de déconstruction est aussi incorporé dans le coût du kWH ; il est plutôt de l’ordre de 1 euro le MWh (lui aussi à discuter).
      Je vous propose qu’on en reparle après l’audit de la Cour des Comptes qui à pour but de mettre un peu de transparence sur ce sujet. Enfin la « prime d’accident » est comme vous l’avez vu dans les échanges très difficiles à estimer; elle se situe à mes yeux vers 1 euro le MWH (Benjamin Dessus l’estime de son côté à 10 euros). Les acteurs du nucléaire tablent sur un coût de l’électricité nucléaire avec l’EPR de l’ordre de 50 à 60 Euros le MWh (pour un montant actuel de 30 à 40 ). En retenant le chiffre de 80 euros, je pense ne pas être déraisonnable. Il me semble en effet dans cette affaire complexe très contre-efficace pour le débat public et les décisions collectives à prendre de tabler sur des chiffres manifestement excessifs…
      Juste un ordre de grandeur : si 1 euro le MWh semble peu, quand on vend chaque année 400 TWh, soit 400 millions de kWh cela représente chaque année 400 millions d’euros. Sur une durée d’exploitation moyenne de 30 ans du parc cela représente donc 12 milliards d’euros…
      bien à vous
      AG

  7. On remarque que ni Grandjean et Dessus n’ont répondu à la question : quel est le détail des économies d’électricité possibles. Les valeurs que j’ai donné sont pourtant issue d’ un article de Global Chance.

    La croissance économique nécessite d’augmenter la consommation électrique, diviser vraiment par 4 les émissions de carbone nous interdit de nous reporter sur le gaz aussi bien pour le chauffage que pour la production d’électricité. Rien que notre alimentation nécessite 1/4 de nos émissions de GES actuelles : comme il faut un peu d’énergie fossile pour les transports, l’objectif est si contraignant que notre secteur énergétique doit être presque entièrement décarboné.

    Il faut donc partir d’une consommation électrique de 700 à 800 TWh et non 310 TWh ou 500 TWh.

    Les chiffres de Grandjean sur la coût de la sécurité des réacteurs sont fantaisistes. Il faudrait que l’évacuation temporaire touche 1 million de personnes.

    Le coût de l’éolien terrestre baisserait : il faut 10 fois plus d’acier au kWh en éolien qu’en REP et le prix de l’acier ne risque pas de baisser.

    En fait sortir des filières nucléaires, comme le suggère Dessus nous entraînerait vers la décroissance économique.

    [MODÉRATION PAR L’ADMINISTRATEUR. Le propos enlevé relève de l’attaque ad hominem]

    Il faut vraiment que les jeunes générations protègent l’héritage nucléaire.
    La Nation y a consacré ses meilleurs ingénieurs, le population a payé les centrales. Abréger leur durée de vie serait une absurdité.

  8. […] à nos débats ici même, Benjamin Dessus et moi-même revenons en vidéo sur la question de la sortie du […]

  9. Bonjour,

    Cet échange croisé sur l’estimation des coûts est vraiment très intéressant car il met en évidence la grande variation des écarts pour l’estimation des coûts suivant les points de vue.

    Sur le fond, il semblerait plus logique de toujours rajouter une barre d’erreur sur ces estimations. Peut-être que les deux estimations se recouvriraient ?

    Il manque aussi un scénario crédible et peut-être souhaitable dans le cadre d’une réduction des GES : celui où l’énergie électrique produite augmente.

  10.   Marie-Françoise HAYEZ   2 septembre 2019 à 11 h 56 min

    Bonjour,

    Votre analyse est certes très intéressante et le raisonnement tient la route (même si le coût de traitement des déchets et de démentèlement sont purement hypothétique et non démontré). Mais je me pose une question : nous parlons d’un réchauffement climatique de plus de 2 degrés Celcius. Ce réchauffement minimum irréfutable, compte tenu des agissements de nos gouvernants, va engendrer une montée des océans, une perturbations dans les précipitations. Donc ma question est simple : que faire des centrales nucléaires en bordure des océans et que faire des centrales nucléaires en bordure des fleuves qui auront un débit nettement moins important (en grande période de sécheresse)? Car même un réacteur à l’arrêt nécessite un refroidissement de son coeur si on veut éviter qu’il ne fonde comme neige au soleil.
    Je conviens que le nucléaire est des énergies les moins carbonées, mais sans eau, c’est une des productions d’énergie les plus dangereuses pour l’homme.

    Il n’y a pas que les facteurs financiers, il faut aussi tenir compte des ressources naturelles non inépuisables et nécessaires dans la production d’énergie

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