Le Nouvel Obs : Tarifs d’EDF : 2 pistes pour gérer la hausse (inévitable) des prix de l’électricité – juin 2013

Par Alain Grandjean, économiste.

 

Alors que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) recommande une augmentation de 6.8 à 9.6% des tarifs d’électricité, la ministre Delphine Batho a aussitôt indiqué qu’il n’était pas question d’opérer la moindre hausse. Quelles sont les marges de manœuvre du gouvernement alors que la hausse des prix semble pourtant inévitable ces prochaines années ?

Pylônes électriques de lignes à haute tension à Meyzieu, le 1er octobre 2012 (P.FAYOLLE/SIPA).
Pylônes électriques de lignes à haute tension à Meyzieu, le 1er octobre 2012 (P.FAYOLLE/SIPA).

La Commission de régulation de l’énergie vient de proposer que la hausse des tarifs réglementés de l’électricité prévue cet été pour 27 millions de clients résidentiels (93 % du marché) s’établisse entre 6,8% et 9,6%.

En effet, la loi indique que les tarifs réglementés doivent couvrir les coûts de production, commercialisation et acheminement. Or ces coûts augmentent pour de multiples raisons : la maintenance du parc nucléaire vieillissant, les mesures de sécurité post-Fukushima, le renchérissement du prix des combustibles, la hausse des coûts commerciaux, le financement de l’efficacité énergétique (les certificats d’économie d’énergie). 

Selon les calculs de la CRE, il faudrait en plus un rattrapage temporaire de 7,6% pour compenser la hausse nettement insuffisante de ce même tarif l’an dernier. Rien de nouveau sous le soleil : la CRE avait déjà estimé en mai 2010 que les tarifs pour les particuliers devraient être augmentés de 25 à 30% de 2010 à 2015.

Réduire notre consommation d’énergie

Le gouvernement a réagi immédiatement en déclarant qu’il n’était pas question d’accepter de telles hausses de tarif. On peut le comprendre. Même si, en moyenne, les ménages ne dépensent annuellement que 400 euros d’électricité spécifique et, pour certains, 900 euros de chauffage et eau chaude, ils n’ont pas envie de ces hausses. Ils se souviennent que le marché de l’électricité a été libéralisé. Ils en attendaient des baisses de prix et une gestion d’EDF plus serrée.

Le gouvernement a raison, d’ailleurs, de demander des efforts à EDF, la répercussion de certaines de ses charges dans le prix de l’électricité n’étant pas facile à faire accepter dans un contexte de rigueur généralisée. Mais cette annonce de la CRE est porteuse de leçons importantes si on prend un peu de recul.

Le prix de l’électricité va augmenter significativement dans les prochaines années. Outre les facteurs sus mentionnés, il faudra en plus continuer à développer et sécuriser nos réseaux et les rendre plus communicants. Et le coût des autres vecteurs et sources d’énergie va aussi augmenter. 

Il est plus que jamais impératif de réduire notre consommation d’énergie : c’est seulement ainsi que, pour chacun d’entre nous, la facture finale sera maîtrisée et notre pouvoir d’achat sauvegardé, la baisse des volumes compensant la hausse des prix unitaires. Nous pourrons ainsi réduire nos émissions de gaz à effet de serre et faire notre part dans la lutte contre le changement climatique.

 Une attention particulière est bien sûr à donner aux ménages en situation de précarité et aux entreprises électro-intensives mais ces situations spécifiques ne peuvent justifier l’immobilisme.

Poursuivre nos efforts sur le plan des énergies renouvelables 

Les énergies renouvelables, dont les coûts ont fortement baissé (surtout pour le photovoltaïque) deviennent du coup plus compétitives. Quelques chiffres : le cout du MWh produit par l’EPR (nucléaire de troisième génération) en Grande-Bretagne sera de 110 euros, l’éolien terrestre ressort à 80 euros, le solaire PV de 100 à 200 euros selon la taille des installations. Seul l’éolien maritime, entre 170 et 200 euros le MWh, semble durablement un peu cher. 

Installer 60 GW d’énergies renouvelables à l’horizon 2030 n’aura donc pas un impact majeur sur les coûts. Ces dernières années, nous avons installé 4 GW de solaire ; le surcoût, par rapport aux prix de marché de l’électricité, d’en installer 16 GW de plus, sera moitié moindre que celui que nous avons déjà accepté de payer. Ce n’est pas le moment de reculer, alors que nous sommes si près de disposer d’une énergie inépuisable et enfin compétitive !

Ce sera en outre un investissement pour relancer l’activité dans un secteur d’avenir dont l’expansion est mondiale. D’ici à trois à quatre ans, les renouvelables, hydroélectricité incluse, produiront dans le monde deux fois plus d’électricité que l’énergie nucléaire.

Réduire notre consommation d’énergie, diversifier notre mix électrique ne sont pas un luxe ni une lubie. Ce sont des impératifs. D’une part pour améliorer la résilience de nos systèmes de production face à de multiples incertitudes et risques potentiels. D’autre part pour nous aider à maîtriser notre facture sur la durée en suscitant une concurrence saine entre diverses solutions et divers opérateurs. 

La hausse des tarifs de l’électricité peut donc être une opportunité. Allons-y bien sûr de manière progressive. Mais ne renâclons pas devant l’obstacle. La repousser une fois de plus ne peut que nous promettre un réveil douloureux.