Élection européennes : les investissements écologiques au coeur du programme des Verts allemands

Le programme des Verts allemands pour les élections au Parlement européen sera en particulier porté en Allemagne par la jeune, mais déjà très expérimentée parlementaire européenne Ska Keller (2 législatures). Ska Keller est en outre la « Spitzenkandidat-in », principale tête de liste et candidate des Verts européens à la présidence de la Commission. Le choix d’une tête de liste expérimentée et la qualité du programme sont exemplaires de l’importance que la classe politique allemande accorde à un investissement continu dans le lieu de pouvoir que sont les institutions européennes, particulièrement le Parlement. Le programme comporte 6 chapitres (190 pages) et couvre l’ensemble des politiques impliquant le niveau européen : 1) Préserver le climat et les ressources naturelles 2) Renforcer l’union économique, monétaire et sociale 3) Sécuriser la liberté, la démocratie et les droits de l’homme 4) Garantir la paix, la sécurité et un développement équitable dans le monde 5) Promouvoir l’innovation, l’éducation et la culture 6) L’Europe des régions et des communes. Ce qui suit est un résumé des chapitres 1 et 2.

Les propositions des Verts allemands pour l’économie européenne et le renforcement de la zone Euro détonnent singulièrement de celles des autres partis d’outre-Rhin même si le programme du SPD s’en rapproche sur certains points, notamment sur l’Union Sociale.

Ces propositions procèdent de quatre principes:

  • il faut redonner plus de poids à la politique pour produire des biens communs européens, la lutte contre le réchauffement climatique, la sécurité intérieure et extérieure, la stabilité financière, la recherche, les infrastructures européennes pour les communications, la mobilité et l’énergie;
  • le budget doit être alimenté par des impôts communs et justes ;
  • les instruments de solidarité doivent être renforcés ;
  • et le marché intérieur doit être organisé de manière à garantir une protection large de l’environnement, des consommateurs et des salariés.

Les Verts proposent ainsi une augmentation de 30% du budget communautaire (de 1% du PIB à 1,3%), financé par de nouvelles ressources propres, notamment une participation accrue du secteur financier et de l’économie numérique au financement de la collectivité.

Par ailleurs, les Verts préconisent une accélération des investissements publics et privés. Notant les retards pris au cours des dernières années en matière d’investissements publics, infrastructures, recherche et développement, cohésion régionale, ils préconisent de revoir les règles encadrant les dépenses budgétaires nationales de façon à autoriser les investissements publics nécessaires. Les marges de flexibilité qui existent déjà doivent être élargies, par exemple en n’incluant dans le calcul du déficit que l’amortissement des investissements comme le font les entreprises privées. C’est ce qui a été proposé à des multiples reprises sur ce blog.

La gouvernance du Fond Européen pour les Investissements Stratégiques doit être améliorée de manière à assurer que les investissements soient véritablement additionnels et soient strictement orientés sur la protection du climat, l’économie circulaire et l’efficience de l’utilisation des ressources naturelles.

Concernant plus spécifiquement la stabilisation de la zone euro, les Verts plaident en faveur de plusieurs instruments de solidarité, un budget de la zone euro qui financerait  les biens communs les investissements européens, et qui serait alimenté par des ressources propres, fluctuantes au gré de la conjoncture de façon à avoir un effet automatique de stabilisation macroéconomique. Les dépenses ne viendraient pas nécessairement en supplément de dépenses nationales, mais pourraient s’y substituer. A cela s’ajouterait une assurance chômage européenne qui prendrait la forme d’une « contre – assurance »  des régimes nationaux ainsi qu’une communautarisation d’une partie des dettes publiques nationales. Last but not least, ils plaident pour des sanctions symétriques quelle que soit la nature du déséquilibre constaté, déficit extérieur  ou excédent excessif. Dans ce contexte, les Verts plaident en faveur d’une démocratisation substantielle de la gouvernance de la zone euro qui doit être soumise à un contrôle parlementaire.

Si les propositions en matière de lutte contre l’évasion et l’évitement fiscal sont attendues, les Verts poussent aussi à un renforcement du droit européen de la concurrence notamment afin de mieux contrôler les entreprises numériques. Pour les Verts, l’Union économique et écologique doit par ailleurs être complétée par l’Union sociale, avec des droits et minima sociaux élevés, des salaires minimaux dans toute l’Europe et un régime de cogestion au sein des entreprises dans toute l’Europe.   

2. Le chapitre consacré au climat vient, comme on peut s’y attendre, en tête et est le plus élaboré.

Le caractère transversal de la lutte contre le réchauffement climatique et l’indispensable cohérence de l’ensemble des politiques, agricole, économique, sociale, d’investissement publics et privés, réglementaires avec cet objectif sont soulignés et les orientations déclinées politique par politique.

Concernant plus spécifiquement la politique de l’énergie, le programme confirme des objectifs ambitieux en matière d’énergie renouvelable (45% en 2030, 100 % en 2050), la fermeture de toutes les centrales à charbon en Europe, y compris en Allemagne en 2030, et la réduction de 55% des émissions de CO2 d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Concernant l’énergie atomique, les Verts allemands préconisent un renforcement de la supervision et de la prévention des risques au niveau européen ainsi que la suppression des aides d’État directes et indirectes à la construction de nouveaux réacteurs.

Le programme préconise en outre de maintenir le système actuel de droits d’émission de CO2 tout en réduisant le nombre de certificats au-delà de ce qui est prévu. Il préconise aussi une coopération, dans un premier temps, entre un groupe limité de pays, dont l’Allemagne, pour fixer un prix minimum du droit d’émission. Pour les secteurs qui ne sont pas couverts par ce système, les Verts préconisent une fiscalité indirecte qui toucherait également les produits importés de façon à éviter les délocalisations de production tout en restant conforme aux règles de l’OMC.

Le programme insiste fortement sur une révision des priorités en matière d’infrastructures, de normes ainsi que de Recherche et Développement, que ce soit entre autres pour le transport de l’énergie, la mobilité, la construction ou la durabilité des biens de consommation.

Ollivier Bodin (ancien fonctionnaire international)

Une réponse à “Élection européennes : les investissements écologiques au coeur du programme des Verts allemands”

  1. Avatar de JMM
    JMM

    A propos du mécanisme qui toucherait également les produits importés (Border Tax) de façon à éviter les délocalisations et serait conforme à l’OMC :
    L’OMC a fait un rapport en 2009, conjointement avec le PNUE (Nations Unies) sur cette question.
    le principe du mécanisme proposé par l’OMC est simple :
    Border Tax Import (BTI) + Border Tax Export (BTE) = TVA
    la publication en Français :
    https://www.wto.org/french/res_f/publications_f/trade_climate_change_f.htm
    et en anglais
    http://www.wto.org/english/res_e/booksp_e/trade_climate_change_e.pdf
    Du point de vue des statistiques des émissions de GES, la métrique proposée par l’OMC est proche de celle de l’empreinte carbone