Peut-on faire confiance aux modèles climatiques ?

L’ ampleur de la crise financière et économique, totalement imprévue quelques mois avant par les économistes, l’incapacité de la météo à prévoir le temps qu’il fera à plus d’une semaine et les critiques des climato-sceptiques font douter des modèles climatiques.

Comment pourraient-ils, eux, nous apporter une information sur ce qui va se passer dans plusieurs décennies ?

Tout d’abord la physique (qui sert de base aux modèles climatiques) ce n’est pas de l’économie ni de la finance. Les modèles économiques ne peuvent prétendre à faire la moindre prévision même à relativement court terme pour au moins trois raisons :

  • il n’y a pas de lois économiques comme il y a des lois physiques
  • les phénomènes économiques sont beaucoup plus complexes que les phénomènes climatiques
  • des décisions humaines imprévisibles peuvent changer le cours de l’économie

Les modèles météo, eux , reposent bien sur de la physique mais leur objectif est très différent des modèles climatiques. Ils n’ont d’intérêt que s’ils arrivent à donner une information précise sur le temps qu’il va faire tel jour dans tel endroit, avec un maillage territorial assez fin. Or cette information dépend de paramètres (comme le vent et l’humidité) qui bougent vite et de plus en plus vite à mesure qu’on s’éloigne du moment initial (où les données de départ sont connues). Les modèles climatiques ont, quant à eux, un objectif statistique (la température moyenne à la surface de la planète sur une année pleine) et probabiliste (ils donnent des indications de l ‘évolution de cette température en probabilité).

Ce qui permet d’avoir une confiance dans les modèles climatiques et dans les conclusions synthétiques qu’on en tire ce sont :

  • la confiance générale qu’on peut avoir dans le travail scientifique dans les conditions devenues normales de sa pratique qui soumet à des tiers professionnels la critique sans concessions des publications dans les revues à comité de rédaction
  • le fait que les modèles convergent sur les points clefs à horizon 2100 même si les fourchettes de résultat dont encore importantes (voir l’article sur la sensibilité climatique)
  • le fait que sur des horizons plus courts d’une vingtaine d’années où ce qui compte en matière de GES ce sont les émissions passées et non les hypothèses sur les émissions futures les convergences sont encore plus fortes
  • le fait que les fourchettes de résultats sont stables depuis les débuts de la modélisation (et compatibles avec les estimations faites « à la main »)

Cette confiance globale ne doit évidemment pas être confondue avec une capacité de prévision précise des modèles à une échelle temporelle ou géographique (du type quelle température fera-t-il en 2035 en France), qui aujourd’hui n’est pas encore accessible. Elle permet de fonder une politique climatique de réduction des émissions de GES et d’estimer l’ampleur de la marche à franchir (la réduction par 2 ou 3 en 2050 des émissions de 1990) et c’est bien là l’essentiel.

Alain Grandjean