La biodiversité c’est très concret et si proche de nous qu’elle nous habite. Voici un post de mon frère biologiste, féru de nos microbes et des services qu’ils nous rendent quand on en prend soin. Une lecture revigorante
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Depuis quelques années, les médecins étudient le contenu de nos intestins, les microorganismes qui les peuplent. Un kilogramme de bactéries y travaillent pour nous,
nuit et jour. La compétence de cette flore s’avère primordiale dans de nombreux compartiments de notre complexe physiologie.
Quelques centaines d’espèces de bactéries sont répertoriées, et composent ce qu’on appelle le microbiote, un authentique nouvel organe, analysé dans de nombreux laboratoires.
Ce mot microbiote, encore peu employé, sera connu de tous dans quelques années.
Comme le mot écologie était inconnu en 1968.
Comme le mot nosocomial l’était en 1995.
Comme le mot biodiversité l’était aussi en 2005.
Stérile à la naissance, notre tube digestif se colonise peu à peu des bactéries proches, d’origines maternelle, paternelle, fraternelle, alimentaire, animale, végétale, tellurique…S’établit ainsi une flore originale, propre à chacun, et dont la composition reste remarquablement stable tout au long de notre vie : c’est un organe essentiel à une bonne santé digestive, ainsi qu’à l’immunité. Il a un rôle de barrière, de défense contre d’autres microorganismes pathogènes.
Et cette flore est liée intimement à un mode de vie, un environnement. Au cours d’un changement brutal d’alimentation, d’environnement microbiologique, cette flore peut être bousculée : tout le monde connaît la « turista », souvenir de voyage, de rencontre avec des microorganismes étrangers que notre microbiote se sait pas
neutraliser. Il montre là quelques limites à l’adaptabilité humaine, pourtant si remarquable.
Il est des changements de mode de vie qui peuvent s’avérer bien plus délétères. Des hommes vivant en milieu rural, d’une cuisine simple, basique, peuvent développer des pathologies digestives importantes s’ils sont brutalement plongés dans notre mode de vie occidental, bien plus sophistiqué d’un point de vue alimentaire : chez certains, le microbiote ne permet pas l’adaptation, et des maladies diverses apparaissent, dont les maladies inflammatoires de l’intestin.
Ce dernier devient comme « poreux » et peut laisser passer des molécules ou des germes indéchiffrables pour l’organisme. Quand ce changement a lieu pendant la grossesse, le fœtus peut en souffrir, et dans certains cas, être marqué à vie de différentes maladies, dont des terribles troubles du spectre autistique. Ceci a été bien montré chez des populations éthiopiennes déracinées.
Ces nouvelles pistes font l’objet actuel de recherches, et il est hors de doute maintenant qu’un microbiote malade peut entrainer toute une cascade d’évènements pathologiques.
Or, il est d’abord et avant tout souvent malade d’un manque de biodiversité.
Biodiversité, ce mot qu’on entend si souvent, mais qui reste si abstrait, si loin de nous, nomme en fait un des plus importants aspects du cataclysme écologique actuel.
Elle touche à l’intégrité de l’humanité entière, et personne ne peut y échapper.
Par des courbes, on peut visualiser la faible biodiversité des microbiotes américains urbains.
OTUs = espèce en quelque sorte, en langage métagénomique.(espèce simplement définie par un ensemble de gènes)
Mr Yatsunenko vient d’analyser 531 selles de trois groupes différents : des amérindiens du Vénézuéla, des ruraux du Malawi, et des américains des villes. C’est un travail important qui a été fait, puisque des centaines d’espèces bactériennes colonisent nos intestins. Le nombre d’OTUs différents, c’est à dire d’espèces, est bien moins important dans les intestins urbains américains. Ce ne sont évidemment que des échantillons, et il existe encore, et fort heureusement, des microbiotes tout à fait louables !
Mais en prônant le « pasteurisé », le « stérilisé », le « chloré », voire l’artificiel, « the american way of life » appauvrit considérablement le monde microbien proche, qui nous accompagne depuis l’origine. Il anéantit la biodiversité microbienne de leurs intestins, après avoir saccagé la biodiversité de leur biotope.
Car le gigantisme agricole encouragé a induit des effets sanitaires à son échelle, redoutables.
Dans les répugnants élevages industriels, où les animaux pataugent dans leurs excretas, les cuirs sont lourdement contaminés, donc les viandes, par de nombreuses bactéries dont certaines sont féroces. Ces excrétas sont de plus tout à fait mal contrôlés et peuvent polluer des régions agricoles entières.
D’où la nécessité qui s’impose à eux, en post-production, de stériliser, de ioniser à tour de bras. C’est ainsi qu’ils ont réussi à faire baisser la prévalence du redoutable « germe des hamburgers », capable de vous tuer une jeune personne en pleine santé. Mais « the safe food » reste la deuxième préoccupation des américains, après l’emploi.
Car le vrai prix à payer est fort lourd, en terme de santé physique et mentale.
Manger tendance « stérile » n’est guère viable au long cours !
La richesse de notre microbiote s’appréhende bien à l’image de la biodiversité de notre biotope !
Par Guy Grandjean