Qu’est-ce que la transition énergétique ? C’est le passage d’un monde qui consomme toujours plus d’énergie très majoritairement carbonée (charbon, pétrole, gaz) à un monde qui consomme moins d’énergie et des énergies décarbonées (renouvelables et, pour ceux qui l’assument, nucléaire).
Pour que cette transition se fasse il va falloir baisser le coût du capital comme nous allons le voir maintenant, dans le cas illustratif de l’électricité.
Le coût principal des énergies fossiles est aujourd’hui celui du combustible. Comme la nature nous offre autant les rayons du soleil que le pétrole sous terre, ce coût c’est essentiellement la « rente » des propriétaires de ces combustibles.
Le petit tableau suivant montre la décomposition des coûts du MWh électrique en France pour diverses sortes d’énergie : une centrale nucléaire de type EPR, un Cycle Combiné Gaz, une centrale au charbon (sans CCS, le dispositif de capture et de stockage de CO2), une éolienne on-shore, une éolienne off-shore, une centrale hydraulique au fil de l’eau.
Ces coûts intègrent l’investissement initial, les coûts d’exploitation et de maintenance, le coût du combustible et celui[1] du CO2 s’il y a lieu. Pour tenir compte du financement de l’investissement les calculs sont faits avec un taux d’actualisation de 8% qui est la norme actuelle : on considère que le « coût du capital » pour EDF est d’environ 8%. Cela veut dire que le coût moyen du financement (moyenne pondéré des frais financiers sur dette et des dividendes sur capitaux propres) est pour EDF d’environ 8%.
Chacun de ces calculs est discutable : certains considéreront que le coût de l’éolienne off-shore est sous-évalué[2], d’autres que celui de l’EPR est sur-évalué[3].
A ce stade peu importe pour le raisonnement qui suit. Calculons en effet, avec les mêmes hypothèses de calcul ce coût au MWh avec un taux d’actualisation de 0% et comparons-le avec le calcul à 8% . La différence c’est le « coût du capital » pour l’énergie considérée.
On peut alors calculer la part du coût du capital dans le coût du MWh et cela donne le tableau suivant :
Centrale CCG | Centrale charbon (sans CCS) |
12% |
19% |
Centrale nucléaire EPR | Projet éolien onshore | Projet éolien offshore | Petit hydraulique | PV particulier[4] |
53% |
43% |
43% |
57% |
47% |
Le résultat saute aux yeux : au taux d’actualisation de 8% le coût du capital représente pour les énergies fossiles 10 à 20 % du coût complet du MWh alors qu’il en représente 40 à 60 % pour les énergies décarbonées. Au taux de 12% le calcul conduit à une part du coût du capital de 20 à 30 % pour les énergies fossiles et de 50 à 70 % pour les énergies décarbonées.
Le résultat est aussi marqué pour l’économie d’énergie : il s’agit de remplacer une chronique d’énergie consommée par du capital et une moindre consommation d’énergie. Au total dans le coût du MWh consommé après opération d’économie d’énergie, le coût du capital va peser beaucoup plus qu’avant.
Conclusion :
Si l’on veut que les énergies décarbonées s’imposent face aux énergies fossiles, sans attendre l’épuisement de celles-ci, ce qui est manifestement trop long pour éviter la dérive climatique (voir http://alaingrandjean.fr/2010/07/02/le-climat-sauve-par-la-penurie-des-energies-fossiles/), il n’y a que deux voies alternatives ou complémentaires :
– augmenter substantiellement le coût du CO2
– réduire le coût du capital pour les énergies décarbonées.
La voie de l’augmentation du coût du CO2 reste toujours déterminante mais manifestement difficile au plan politique. Baisser le coût du capital devient vital. Au plan économique le sens d’un coût du capital très bas est clair : un taux d’actualisation élevé écrase l’avenir ; un taux bas le met à parité avec le présent. Est-il vraiment illogique de tenir compte des générations futures dans nos raisonnements actuels ?
C’est bien le sens de notre proposition visant à mobiliser un financement à taux très bas pour la transition énergétique. (voir http://alaingrandjean.fr/2011/03/28/lemprunt-a-la-banque-centrale-proposition-detaillee/ ).
[1] Nous avons retenu dans les calculs un coût de 20 euros la tonne de CO2, un chiffre inférieur aux recommandations de la commission Quinet sur la valeur tutélaire du carbone (32 euros la tonne croissant à 100 euros la tonne en 2030) et supérieur au prix de marché actuel en Europe (moins de 10). Cette hypothèse de travail ne change pas les conclusions.
Pour le reste chacun de ses calculs est fait avec une dizaine d’hypothèses qu’il serait rop lourd de rappeler ici.
[2] Les projets actuels sortent en effet plutôt à 200 euros le MWh.
[3] Il est calculé ici en supposant qu’il coûte 6 Milliards d’euros ce qui est inférieur à l’estimation actuelle de Flamanville et supérieur aux espoirs d’Areva pour les EPR suivants…
[4] Pris pour une opération moyenne.
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