Les récentes déclarations de Nicolas Hulot reportant la date de réduction de la part du nucléaire au-delà de 2025, au moment de la COP23, ont conduit à des interventions créant la plus grande confusion sur le lien entre nucléaire et climat. Ce court post a un seul but : rappeler quels sont les enjeux pour la France en matière de réduction des émissions des gaz à effet de serre (en se concentrant sur les émissions directes et donc sans tenir compte de ses émissions importées, issues de la fabrication des produits consommés en France qui croissent régulièrement).
Commençons par le panorama des GES en 2015, tel que le fait l’organisme habilité en la matière, le CITEPA.
En 2015, la France a donc émis 457 millions de tonnes de GES (hors UTCF c’est-à-dire le changement d’utilisation des terres), qui se décomposent de la façon suivante.
Gaz à effet de serre | Part dans les émissions de GES en France |
CO2 | 74% |
Méthane | 13% |
Protoxyde d’azote | 9% |
Gaz fluorés | 4% |
Le CO2 énergétique (issu de l’usage de l’énergie) pèse 310,2 MtCO2 soit 68% du total.
Si on répartit maintenant ce CO2 par source d’énergie on constate qu’il se répartit ainsi :
Source d’énergie | Part dans les émissions de CO2 énergétiques | Part dans les émissions totales de GES |
Pétrole | 67% | 45% |
Gaz | 22% | 15% |
Charbon | 9% | 6% |
Déchets | 2% | 1% |
Si on s’intéresse maintenant aux vecteurs énergétiques, leur décomposition dans la consommation d’énergie finale est la suivante.
Vecteur | Part dans l’énergie finale |
Produits pétroliers (liquides) | 45% |
Electricité | 23% |
Gaz | 19% |
Chaleur | 10% |
Charbon(solide) | 3% |
Source : chiffres clés, édition 2016, MTES
L’électricité représente donc 23 % de l’énergie finale en France (c’est à peine plus que la moyenne mondiale). Sa production a émis en France en 2016, 28 Millions de tonnes de CO2, soit 9 % des émissions de CO2 liées à l’énergie, et 6% des émissions totales de GES.
Il est donc évident que la priorité pour la France en matière de GES est bien la chasse au pétrole (45% des émissions de GES), dont l’usage ultra majoritaire est le transport.
Le deuxième sujet est clairement le méthane, soit via ses émissions directes (dans l’agriculture et les déchets) soit via sa combustion (chauffage et production d’électricité), ce qui au total le met à 28% des émissions de GES.
La réduction de la part du nucléaire a été décidée sur des critères importants mais qui ne relèvent pas du climat : diversification du mix, risque d’accident, risque terroriste, coût du nucléaire neuf. Elle n’a pas d’impact positif en matière de lutte contre le changement climatique pour deux raisons.
- C’est l’une des sources d’électricité les moins carbonées (10 gCO2/kWh).
- La décarbonation de l’électricité n’est pas une priorité en France, à l’exception de la sortie du charbon, décidée et à mettre en œuvre dans les toutes prochaines années.
Le contenu en carbone d’un kWh produit en France L’Ademe tient à jour une base des facteurs d’émission, qui permet de connaître le contenu en carbone de nombreux produits de la vie courante. Pour l’électricité les calculs intègrent les émissions liées au cycle de vie dans son ensemble et pas uniquement les émissions directes sur le territoire. RTE donne dans son ECO2 mix les émissions directes des moyens de production de l’électricité. Ces chiffres peuvent varier d’une année à l’autre, en fonction des progrès des moyens de production. Voici un tableau qui donne pour les moyens de production les plus significatifs les chiffres d’émissions directes (issus d’ECO2Mix) et les chiffres intégrant les émissions indirectes c’est-à-dire les émissions amont du combustible concerné (source : Calcul de l’auteur à partir de la base de données Ademe).
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La réduction du nucléaire ne peut donc s’envisager que dans un calendrier tel que nous n’ayons pas besoin de recourir à plus d’énergie fossile, et bien sûr sans prendre de risque de rupture d’approvisionnement électrique. C’est pour cela qu’il est nécessaire de reporter l’échéance de 2025 pour atteindre le niveau de 50%. RTE vient de le confirmer en étudiant de manière très approfondie l’équilibre offre-demande de l’électricité, heure par heure et 5 familles de scénarios. Nous y reviendrons.
Alain Grandjean
2 réponses à “La chasse aux gaz à effet de serre en France, quelles priorités ?”
Bonjour M. Grandjean,
Vous avez absolument raison de pointer les sources principales d’émissions de GES, qui seraient donc susceptibles d’être concernées au premier chef par une politique volontariste visant réduire leur impact, tout en rappelant qu’en effet, notre mix électrique étant d’ores et déjà significativement décarbonné (charbon excepté), la priorité ne se situe pas là.
Sauf que vous omettez me semble-t-il une chose d’importance : l’allocation des ressources publiques, qui exprime qu’on le veuille ou non dès aujourd’hui, le sens des priorités de nos gouvernants. Les subventions aux seules énergies intermittentes via la CSPE se montent déjà à 5,5 milliards d’€ annuel. Une somme, dans un contexte pour le moins contraint de nos finances publiques, qui n’est d’autant pas allouée à la rénovation et l’isolation des bâtiments (ou les gains escomptés en matière de baisse de GES sont importants et immédiats), ou à une politique beaucoup plus incitative en faveur de véhicules soit électriques, soit hybrides, soit thermiques seuls mais à très basse consommation.
En réalité aucune institution ne chiffre sérieusement la transition de notre mix électrique à 50% de nucléaire, et finalement sa sortie progressive à moyen terme. Cela pose question dans la mesure où ce coût serait selon toute vraisemblance (revoir l’analyse de Jancovici) très important et mobilisera d’autant plus de moyens et de finances que nous ne pourrons investir sur d’autres poste et budgets pourtant beaucoup plus fondamentaux et déterminants concernant nos baisses de GES (ceux que vous rappelez à juste titre). Or c’est l’angle mort de votre analyse.
Il y a là une contradiction que beaucoup refusent de voir, obérant le fait que la priorité absolue, dans les consciences de nombre de nos dirigeants et décideurs, politiques, économiques et associatifs, est et demeure non la baisse de nos émissions, mais la sortie du nucléaire, quoi qu’il en coute tant financièrement qu’écologiquement !
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