L’austérité, c’est bon pour la Planète ?

Le vote relatif à  l’adoption du TSCG[1] divise les écologistes et Europe Ecologie Les Verts. Si bien des questions se posent, je me limiterai à une seule. L’austérité, que fabriquent la politique européenne actuelle, et ce traité en particulier,  c’est apparemment bon pour la planète. Les émissions  de Gaz à effet de serre et plus généralement la pression anthropique sur la biosphère sont en gros proportionnelles au PIB. Ces émissions ont baissé pendant la crise financière de 2009, comme elles avaient baissé pendant la crise de 1929 et pendant la deuxième guerre mondiale.

Investir pour devenir sobres

On pourrait se dire, en dehors de toute considération sociale, que c’est pendant les crises économiques que la sobriété se réapprend, par nécessité.
Heureusement ce raisonnement est vraiment faux. Notre production et notre consommation ne deviendront vraiment sobres en ressources et faiblement émissives en carbone que si nous investissons massivement pour remplacer ou modifier nos infrastructures (urbanisme, logement, voiture, industrie). Un petit graphique le montre aisément. Des efforts à notre portée (et encore pas toujours) pourraient peut-être nous permettre de réduire de 5 à 10 % nos émissions de GES qu’il faut diviser par 4 d’ici 40 ans.

Comment faire ? En isolant nos logements, en changeant nos voitures, en les utilisant différemment (il faut les remplir…elle roule moins de 5% du temps et avec 1,2 personnes à bord en moyenne), en faisant muter notre agriculture, en améliorant l’efficacité de notre industrie.  Et bien sûr en investissant dans des énergies décarbonées (Petit rappel : au niveau mondial 80 % de l’énergie consommée est à base  d’énergies fossiles). Tout ceci va demander beaucoup d’investissements, dont on a vu qu’ils n’étaient pas toujours d’une rentabilité financière à court terme exceptionnelle. C’est sur ce terrain que va se jouer la compétition économique internationale, car tous les pays du monde sont confrontés au même problème, à  l’exception (pour quelques années encore, malheureusement) des Etats-Unis qui, grâce à l’exploitation des gaz non conventionnels, peuvent encore continuer à croire que le monde est infini.

 

Dans ce contexte,  l’austérité aggrave la situation. Les ménages hésitent encore plus à faire des travaux (gardons nos économies pour les coups durs), les entreprises se concentrent sur le court terme et n’investissent que sur leur métier et que si le retour est très court, l’Etat réduit les dépenses y compris celles qui permettraient de réduire notre empreinte carbone. L’économie finit par s’installer dans la « trappe à liquidités ». Les acteurs économiques se mettent tous à attendre en anticipant des baisses de prix (la Catalogne va semble-t-il connaître les délices de la déflation). Pourquoi investir et acheter maintenant si les prix baissent : attendre est plus logique.

 

Les restrictions budgétaires sont faites sans discernement

 

L’austérité aurait pourtant bien un avantage : elle pourrait conduire à supprimer les investissements et les dépenses nuisibles à l’environnement. C’est ainsi qu’on pourrait arrêter sur l’autel de la rigueur l’aéroport Notre Dame des Landes (dont il est vraiment difficile de comprendre à quoi il peut servir), réduire les investissements pharaoniques prévus dans le Schéma National d’Infrastructures Terrestres, limiter la construction de nouveaux équipements de production d’énergie (moins nécessaires du fait d’une limitation de la consommation). Du côté des dépenses l’austérité pourrait nous conduire à couper les subventions aux activités dommageables au climat ou à la biodiversité[2]

 

Ce serait en effet souhaitable : l’austérité serait ainsi mère du discernement.

 

Malheureusement ce n’est pas ce qui se passe comme le montre le Projet de Loi de Finances. Pour toute une série de raisons, les coupes budgétaires ont tendance à être homothétiques ou à obéir à des arbitrages dont la Planète ne sort pas gagnante.

 

Financer l’avenir sans creuser la dette

 

Comment sortir de l’impasse des politiques actuelles qui sont douloureuses socialement, absurdes économiquement, car elles aggravent la crise qu’elles sont supposées résoudre, dangereuses au plan politique en donnant des voies au Front National  et suicidaires au plan écologique et industriel comme on vient de le voir ?

 

En lançant un plan d’investissements de la transition énergétique et écologique. Certes, il est générateur d’émissions de gaz à effet de serre et de consommations de ressources (énergie, acier, etc.). Mais s’il est bien conçu il permet de réduire à terme cette pression anthropique. D’autre part, il peut évidemment être accompagné d’une baisse de la consommation : épargner plus pour investir conduit à consommer moins. Il s’agit là d’un raisonnement en moyenne : il est souhaitable au plan éthique que les personnes vraiment en situation de précarité, de détresse voire d’exclusions soient aidées (pour consommer mieux et pour vivre mieux).

 

Afin d’éviter des confusions dans la gestion de ce programme, il serait nécessaire d’en sortir la part publique du calcul du solde public courant (recettes courantes- dépenses publiques courantes). En effet, si l’on peut débattre à l’infini du taux de 3% de déficit public maximal dont on connaît le caractère arbitraire, il est nécessaire de s’assurer que l’impôt permet de couvrir les dépenses. C’est une nécessité démocratique et la seule manière d ‘éviter les largesses électorales sans fondement (ni économique ni social ni écologique).

 

Pour ce qui concerne le financement de ce plan, les propositions ne manquent pas.

Richard Wood économiste australien recommande, comme nous,  le financement par création monétaire[3]. La BPI pourrait[4] devenir la Banque de la Transition Ecologique comme l’a affirmé le Président de la République lors de la Conférence Environnementale. La BCE pourrait faire un programme de type LTRO sur 10 ans pour financer des projets réels (via la BEI et les Caisses nationales)  comme le propose Franco Bassanni le patron de la Cassa (CDC Italienne).  La CDC étudie la création d’un fonds d’efficacité énergétique de plusieurs milliards d’euros.

 

Finalement ce qui manque uniquement aujourd’hui, c’est la volonté politique. Je pense que la mobilisation des citoyens qui va croître avec le chômage l’exclusion et les difficultés de tous ordres pourrait bien être déterminante pour que l’on bascule d’une austérité insensée à la construction de l’avenir !

————————————————————————————————————

[1]  Voir par exemple http://fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_budg%C3%A9taire_europ%C3%A9en

[2] Voir le rapport Sainteny sur le sujet , http://www.strategie.gouv.fr/content/rapport-les-aides-publiques-dommageables-la-biodiversite-0

[3] merci à Guillaume Duval de nous avoir signalé ce travail.

[4] Ce n’est pas gagné : le Trésor ne comprend pas les enjeux énergétiques et écologiques et semble se  refuser à faire de la BPI une vraie banque, au pouvoir de création monétaire et susceptible de se refinancer auprès de la Banque Centrale. On aimerait que le président de la République se fasse respecter.

Une réponse à “L’austérité, c’est bon pour la Planète ?”

  1. Avatar de colin de verdiere
    colin de verdiere

    Sortir du mythe du plein emploi pour imaginer un autre modèle social
    Réflexions personnelles d’un simple citoyen de l’Isère

    Dans les débats actuels , on entend pas poser ce qui, selon moi, est une des questions de fond, à savoir: pourquoi cherche t’on « encore » (=en 2012) à atteindre le « plein emploi » et à résorber le chômage?
    – est ce parce que la France a un besoin vital de mettre au travail toutes ses forces vives sous peine s’effondrer?
    – ou bien est ce uniquement car nous ne savons pas assurer la survie ou l’intégration sociale et économique de nos citoyen autrement que par le travail rémunéré?

    Il me semble que, bien que tout ne soit pas parfait loin de là, la France ne se porte pas trop mal. Les gens ont globalement un toit sur la tête et mangent à leur faim. Les exclus qui manquent de certains des besoins vitaux le sont plus du fait d’une non intégration sociale que du manque de ressources. Et pourtant nous nous passons « involontairement » et officiellement depuis près de 30ans du travail de 2 à 4 millions de personnes (7M en fait si j’en crois la présentation Roosevelt 2012).
    A l’issue de la 2nde guerre mondiale, dans un pays ravagé à reconstruire et à moderniser l’idée que toutes les forces sont nécessaires à ce grand chantier, et donc la notion de plein emploi, avait du sens. Et pourtant à l’époque déjà, nous étions loin du plein emploi au sens où on l’entend aujourd’hui. Les femmes étaient, notamment, dans leur grande majorité absentes du marché du travail « rémunéré ».
    En 2010, compte tenu du fait que nous sommes déjà globalement bien suréquipés en tout, et avec une productivité du travail qui a été incroyablement augmentée, on ne voit pas bien pourquoi il faudrait « nécessairement » que tous les citoyens en age de travailler le fassent.
    Cette idée du plein emploi peut même être « mortifère » si elle nous conduit à « inventer » de toute pièce des emplois « inutiles », consommateurs de ressources naturelles et émetteurs de CO2 uniquement pour que les gens aient du travail (les emplois de ce type existent déjà en « trop » grand nombre dans la fonction publique comme dans la sphère privée, par exemple les chauffeurs routiers qui s’échangent les porcs allemands et anglais).
    Ne serait il pas temps en 2012, enfin, de revoir notre modèle social et économique pour permettre aux personnes qui ont du temps libre d’avoir une vie sociale non stigmatisée.
    Une fois posé ce constat et pour éviter l’exclusion complète de certains il me semble important de répartir au mieux le peu de travail utile et nécessaire entre tous, pour que chacun participe néanmoins au fonctionnement de la société.

    Dans les solutions classiques évoquées dans ce but , et reprises apparemment par Roosevelt 2012, on connait le débat sur le temps de travail; 32, 35, 39h/semaine. Un débat dont on arrive pas à sortir depuis 15ans.

    Il me semblerait plus intéressant d’envisager une solution jamais évoquée. Pourquoi pas un droit (de fait plutôt un devoir car le congé sabbatique serait obligatoire) aux congés sabbatiques à intervalles réguliers (par exemple 1 ans après avoir travaillé 6 ans…) indemnisés par la société à hauteur d’un revenu minimal de subsistance permettant de « faire tourner » le marché du travail, de faire participer tous les citoyens à tour de rôle à l’activité économique (ce qui me semble souhaitable pour tous les citoyens qui souhaitent travailler à l’extérieur bien sûr) et de permettre à chacun de trouver un équilibre sur le long terme entre travail et temps libre à consacré à son développement personnel.
    Je n’ai pas les moyens d’apprécier la faisabilité technique, économique et sociale de cette idée. Mais il me semble qu’elle mériterait d’être étudiée. Elle préserverait la fameuse compétitivité des entreprises en ne baissant pas plus le temps de travail des salariés en activité.

    Si Alain Grandjean veut réagir à cette idée, j’en serais très heureux