Terra Nova vient de publier une note rédigée par Guillaume Hannezo[1] : « Sommet européen du 26 octobre : une digue européenne face au tsunami financier »
Cette note très synthétique comporte des éléments d’analyse intéressants mais concentre sa critique de la position française dans la négociation ayant précédé ce sommet sur ce qui me semble au contraire mériter un coup de chapeau. La France a en effet proposé que le FESF devienne une banque et puisse ainsi avec 250 mds de capital disponible, acheter 2 000 milliards d’obligations d’Etat avec des fonds fournis par la banque centrale.
Guillaume Hannezo écrit : « La technique utilisée permet d’éviter le recours à la monétisation, que la France n’aurait pas du demander car elle n’est pas du ressort du Conseil européen, mais du conseil des gouverneurs, qui décideront en toute indépendance du réglage de la masse monétaire, comme le prévoit le Traité. »
Il fait appel à trois arguments aussi faibles l’un que l’autre pour justifier cette critique :
- l’absence de recours à la création monétaire par la BCE serait au cœur de l’identité allemande traumatisée par 2 épisodes d’hyper inflation.
Que nos partenaires allemands attachent de l’importance au dispositif central du traité de Maastricht est une évidence. Et qu’ils soient issus d’expériences douloureuses également. Que cela suffise à ne pas proposer une modification de ce dispositif en pleine crise européenne ne s’en déduit pas du tout.
Nos intérêts ne sont pas alignés sur les intérêts allemands avec lesquels nous avons des marges de négociation. Mais surtout comme le FESF devait être « démultiplié » c’était la moins mauvaise des solutions. Le recours au financement par la Chine sera soumis à des conditions autrement douloureuses au plan social et écologique. J ‘y reviendrai.
- ce serait contraire à l’Etat de droit, puisqu’interdit formellement par le TUE. (Traité sur l’Union Européenne)
D’une part le TUE est vidé de son contenu du fait de multiples écarts à son esprit et à sa lettre (les critères de Maastricht ne sont pas respectés et la Banque Centrale rachète des titres d’Etat). En particulier l’aide négociée au sommet est elle aussi contraire au Traité qui interdit cette solidarité (par son article 125 connu sous le nom de clause de no bail out[2]).
D’autre part ce traité va être renégocié. C’est donc le moment ou jamais de faire des propositions nouvelles.
Enfin je ne suis pas sûr qu’un traité qui a été voté dans l’inconscience des citoyens de ses conséquences (savaient-ils qu’il transformait la doxa monétariste en principe intangible ?) puis qui a reçu un désaveu lors du vote négatif au projet de Constitution Européenne, ait un poids démocratique très élevé…
- enfin Guillaume Hannezo évoque un argument qui ne mériterait qu’un haussement d’épaule s’il n’était pas malheureusement pris au sérieux par de nombreux citoyens.
« D’un point de vue allemand, faire financer par la planche à billets les déficits budgétaires, c’est-à-dire faire acheter par la banque centrale les émissions obligataires nouvelles des Etats, c’est exactement ce que fait Robert Mugabe, ou les autres Etats impécunieux d’Afrique. Autoritarisme politique, laxisme économique, inflation de la masse monétaire : mauvais souvenirs. »
Notre auteur sait bien et rappelle que les USA et la Grande-Bretagne monétise des déficits budgétaires. Mais, dit-il, en toute indépendance et pour assurer la liquidité de l’économie. C’est évidemment une contre-vérité. Les opérations de quantitative easing ont bien d’autres objectifs. Au fond tout en s’en défendant « nous ne sommes pas des ayatollahs du monétarisme » , il s’en fait l’apôtre zélé. Affligeant !
Alain Grandjean
[1] Guillaume Hannezo, 48 ans, est associé gérant de Rothschild et cie. Ancien élève de l’ENS et de l’ENA, inspecteur des finances, il a été conseiller technique au cabinet de Pierre Beregovoy, puis conseiller économique à l’Elysée sous Francois Mitterrand. Directeur financier des AGF (93/97),puis de la Compagnie générale des eaux/Vivendi universal (97/2002),il crée en 2003 une « boutique » de conseil en fusions acquisitions (FDR finance),intégrée depuis 2007 dans la banque Rothschild . Guillaume Hannezo est par ailleurs vice Président du conseil de surveillance de Libération et membre fondateur des Gracques
[2] Voir par exemple http://www.telos-eu.com/fr/article/l_ue_a_t_elle_le_droit_de_renflouer_la_grece
5 réponses à “Affligeant : une analyse du sommet de Bruxelles qui dénonce la seule proposition qu’il faut pousser : le recours à la création monétaire par la BCE”
A la base, le F.E.S.F n’est qu’un mécanisme visant à retarder le déclenchement d’un Krach inéluctable.
Les dettes souveraines sont quasiment toutes indexées sur 650 000 Milliards de dollars de C.D.S, soit 10 fois le P.I.B mondial. Pour le cas particulier de la France, si nous avions la sagesse autant démocratique qu’économique de saisir l’article 50 du Traité de Lisbonne pour sortir de l’Union Européenne, nous pourrions dénoncer ensuite les Traités ayant ôté à notre pays notre Souveraineté Economique et donc nos mécanismes de contrôle. Sachant que le Krach est inéluctable, il vaut mieux le déclencher que l’attendre, mais en ayant pris soin de préparer le terrain. Il suffit pour cela d’abroger la loi du 3 janvier 1973 de manière rétroactive. Des Banques ou groupes financiers couleront, il y-aura des emplois perdus, mais nous aurons récupéré tous les outils nécessaires pour investir massivement dans une révolution industrielle. Total, Shell et l’AEIA ont déclaré récemment que nous allons passé d’une production de 87 Milliards de Barils/An à 60 Mbar/an en seulement 10 années. Nous n’avons pas le choix, il faut revenir en extrême urgence à notre Souveraineté Nationale afin de se détacher d’une Union Européenne totalement sous la coupe de financiers et imposant à nos Nations de renter dans l’OTAN (très dangereux avec une pénurie de pétrole).
Le problème pour récupérer les clés de la maison, c’est qu’il faudrait déjà que les Français comprennent qu’un Etat Souverain n’est pas forcément Nationaliste ou xénophobe. La Norvège ou la Suisse ne sont pas réputés pour être des dictatures dont l’économie est vacillante. Je vais me permettre de faire un peu de racolage politique, mais rapprochez vous de François Asselineau de l’UPR et écoutez le. Et si vous pouviez demandez à Jean-Marc Jancovici d’en faire autant. Vous êtes les mieux renseignés sur ce qu’il convient de faire industriellement pour palier en urgence à un déficit de production de Pétrole. Pour moi, la toute première urgence serait de fabriquer des camions à hydrogène et de commencer par là, tant sur les centrales électriques à construire (vive le charbon et la séquestration), la production et la logistique de l’hydrogène, que la construction des poids lourds par R.V.I. Les poids lourds ayant pour fonction d’acheminer les aliments dans les villes sont forcément prioritaires dans une réforme industrielle puissante. Asselineau de l’U.P.R peut vous permettre de le faire, du moins le proposer. L’Union Européenne s’effondrera le jour où les C.D.S seront activés et l’agence Finch a donné le premier coup de boutoir en classant les dettes de la Grèce comme \événement de Crédit\. Mr Grandjean, je suis totalement d’accord avec vos points de vue économiques partagés avec Mr Jancovici. En revanche, je suis totalement en désaccord sur le fait qu’il faille utiliser pour cela les grand partis en tentant de chasser leurs dirigeants pour gouverner. Nous allons peut être avoir un coup de pouce (ou Tsunami, c’est comme on veut) qui va permettre un électro-choc dans la population. Il faudra saisir cette chance car nous n’en aurons plus d’autre.
Cordialement, Sylvain Baron.
Merci Alain !
je suis aussi surpris/choqué que toi par ce souci de ne pas heurter « l’identité allemande »… et tant pis si cela a pour effet d’aggraver la situation de millions de gens, tant en France que chez… les « GIPSI » ?
Mais peut-on attendre d’un employé de banque autre chose qu’une mise en cause plus ou moins insidieuse de la monétisation ? Après tout, la « planche à billets », c’est autant de manque à gagner pour le secteur bancaire ! Et tant pis si cette démolition a pour effet de boucher toutes les issues non violentes à la crise actuelle ! (cf. ce commentaire:
http://patricklehyaric.net/2011/10/27/le-traite-de-lisbonne-comme-un-boomerang/#comment-4612 )
On peut aussi s’étonner de voir Terra Nova, supposé rechercher l’intérêt général… donner la parole à un associé gérant de la banque Rothschild. Comme référence de l’intérêt général, ils n’ont pas mieux ? Quelle misère !
@ Zaharia Raymond, si je partage l’analyse sur l’échec, je n’en partage pas la Solution de Mélenchon qui consiste à rester dans l’Union Européenne pour tenter de la changer. Je ne vois pas en quoi il pourra changer quoi que ce soit avec 27 conflits d’intérêts. Le plus simple étant de saisir l’Article 50 du traité de Lisbonne et de sortir de l’Union. Quant aux prérogatives inhérente à une Banque Centrale réellement fonctionnelle, nous pouvons les récupérer à travers notre Banque de France autant que l’abrogation rétroactive de la Loi du 3 Janvier 1973. On ira beaucoup plus vite. J’aime beaucoup Mélenchon pour certaines de ses conceptions sociales et industrielles. En revanche, sa mollesse vis à vis d’une Fédération totalement asservie aux USA et saquant notre Souveraineté Nationale est impardonnable. Il faut être clair ! L’Union Européenne est une idée Américaine impossible à faire tenir car 27 conflits d’intérêts la constitue. Il n’y-a pas de meilleure façon d’aider les peuples qu’être suffisamment riche et indépendant pour financer des projets de barrière verte au Sahel ou hurler un grand Oui à l’ONU à propos de l’Etat Palestinien. Tant que nous serons dans l’Union Européenne, la France aura mal à sa Démocratie et son Economie…
» D’un point de vue allemand, faire financer par la planche à billets les déficits budgétaires,… » écrit Guillaume Hannezo (avec d’autres)
Toujours un oubli global (volontaire?) dans les argumentations: c’est que les soldes primaires des budgets administrations publiques sont, sur le long terme, en équilibre (si on oublie 2009 et 2010)
Ce sont les intérêts de la dette qui sont responsables de la dette.
Qu’ils me démontrent donc le contraire, avec 1400 Md€ payés (et donc empruntés) sur les 30 dernières années …
[…] pas toucher, c’est ce qui est au cœur de la naissance de l’Euro et que Guillaume Hannezo a rappelé dans sa note pour Terra Nova. C’est le monétarisme au nom de quoi les Etats européens ont abandonné leur souveraineté […]