L’AFEP est une puissante association patronale créée par Ambroise Roux, après l’élection de François Mitterrand pour résister au pouvoir socialiste. A l’époque[1], elle regroupait une vingtaine de grands groupes (parmi ceux qui n’avaient pas été nationalisés) ; aujourd’hui  elle compte 98 membres qui emploient 5,8 millions de personnes, soit 30% de l’emploi total français.

L’AFEP est informée très en amont des projets de lois et de décrets. Ses avis sont pris très au sérieux. Son appel dans le JDD du 28 octobre n’a donc  rien d’anecdotique pour une association qui a toujours préféré l’action silencieuse dans  les couloirs de  l’Elysée et des ministères aux manifestations médiatiques.

Je me limiterai ici à quatre  commentaires sur cet appel. 

1 Son appel est classiquement orienté vers une politique économique dite de l’offre : baisse des dépenses publiques et du coût du travail, baisse de l’impôt sur les sociétés. Aucune stimulation macroéconomique n’est envisagée. Ces propositions, sans doute de la même veine que celles à venir du rapport Gallois, reposent sur une grave erreur de diagnostic, malheureusement omniprésente en période de crise économique profonde. Chaque acteur ou groupe d’acteurs, rivé sur ses intérêts, pense que l’amélioration de sa propre situation est nécessaire et suffisante pour résoudre la crise globale. Or les dépenses des uns étant les revenus des autres, l’addition des « compressions de dépenses » ne peut que réduire la demande globale qui est précisément insuffisante en période de crise économique[2]

2 Aucune référence n’est faite à l’origine financière de la crise actuelle en Europe. Les banquiers membres de l’AFEP (BNPParibas, Crédit Agricole, HSBC France et Société Générale) ne l’auraient sans doute pas appréciée. Pour autant cette origine est évidente dans la crise des dettes publiques qui a elle même conduit à « serrer les boulons » avec le succès que l’on constate.  A l’évidence on ne sortira pas du bourbier actuel en laissant les politiques publiques dépendre de l’humeur de marchés financiers par définition imprévisibles. La régulation forte de ces marchés reste une priorité absolue.

3 L’appel à la TVA sociale (hausse de la TVA de 19,6% à 21% et baisse à due concurrence des charges sociales)  me semble en revanche de bon sens. Le déficit commercial de la France avec le reste de l’Union Européenne était de près de 40 Milliards d’euros en 2011 (pour un déficit total de 70 milliards). Si une baisse de quelques points des charges sociales ne peut avoir d’effet significatif vis-à-vis de la Chine (vis-vis de laquelle le déficit commercial 2011 était de 27 Milliards[3]) il peut en avoir dans nos relations avec nos voisins européens. L’Allemagne a d’ailleurs utilisé en 2007 cette arme défensive à l’importation (les produits importés subissent une TVA plus forte) et offensive à l’exportation (les produits exportés sont soumis à moins de charge). L’argument parfois avancé que cette mesure serait anti-européen laisse pantois : les divergences économiques entre les nations ne pouvant plus être compensées par le jeu sur les parités monétaires, la TVA reste l’un de seuls moyens de les corriger et c’est évidemment dans l’intérêt de tous ! Qu’est-ce que l’Allemagne a à gagner dans l’écrasement économique et social de ses voisins ? Quant à l’argument de non-équité (la TVA est un impôt indirect qui pèserait plus sur les bas revenus), rappelons que les produits de première nécessité sont à taux réduit. Enfin il est vrai que la hausse de la TVA pèse sur la consommation et c’est de ce point de vue un impôt « écologique »  d’autant qu’on peut encore moduler ses taux[4] !

4 L’AFEP appelle explicitement  à lutter contre le changement climatique. C’est une excellente nouvelle. Le poids des climato-sceptiques semble donc baisser dans le camp des dirigeants de grandes entreprises. En revanche les mesures proposées sont désarmantes : exploitation des gaz de schistes, pragmatisme ( ?) dans la mise en œuvre de la transition énergétique, et réponses technologiques. Leur appel au pragmatisme semble être, si on essaie de le décoder,  un appel à la prudence et plutôt à la lenteur. Sans le dire explicitement cela doit vouloir dire : « La réduction trop rapide des émissions de CO2 pourrait peser trop fortement sur notre compétitivité ». Alors qu’il faut maintenant passer la surmultipliée au risque de faire quelques erreurs.

Les deux autres points sont le reflet du credo partagé par le monde des affaires  : « la science et la technique vont nous sauver » credo dont nous avons discuté dans un post récent  . Or c’est ce credo qui nous a mené dans l’impasse actuelle. Si l’on peut donc saluer ce premier pas de l’AFEP dans la reconnaissance de la dérive climatique, on ne peut que  déplorer le manque d’ambition des solutions proposées.

Alain Grandjean 

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[1] Voir Martine Orange, Rothschild, Une banque au pouvoir, Albin Michel 2012, qui raconte par le menu cet épisode.

[2] Voir sur ce sujet le dernier livre de Paul Krugman Sorteznous de cette crise… maintenant !, Flammarion, 2012, 272 p., 19 euros.

[4] Certes cela se décide au niveau européen, mais cela ne change pas le fait.

Une réponse à “L’AFEP, la TVA sociale et le climat.”

  1. Avatar de Demurrage
    Demurrage

    Habituellement, je partage votre point de vue et j’ai appris beaucoup de vos articles, mais aujourd’hui, j’ai été surpris de l’analyse de la TVA sociale

    Ici, en Espagne, le service de recherche du banque BBVA a proposé une mesure similaire à ce qui en France est connue sous le nom de TVA sociale. Les Économistes du BBVA l’appelent «dévaluation froide ».

    Pour moi, il m’a toujours semblé un peu rude. Le système de sécurité sociale est un système de distribution, les dépenses de sécurité sociale des entreprises n’est que le début d’un mouvement circulaire qui finit dans la prope entreprisee. C’est juste un moyen de transférer le pouvoir d’achat vers les retraités et les pensionnés et eux, généralement, des groupes a faible revenu, ils consomment des biens et services qui ne sont que les ventes des entreprises.

    C’est comme la pêche avec une canne.

    Aprés tu dis

    « Quant à l’argument de la non-équité (TVA Qui est indirecte non tax sur les Revenus, plus bas pèserait) rappelons Produits de première Nécessité eux are rate à Réduit. »

    En Espagne, l’énergie, la téléphonie, le cinéma … et même mourir, sont taxés au taux normal (21%) non au reduit(10%) ou superreduit (4%)

    En outre. Au moins en Espagne, les fonds recueillis par le gouvernement ne vont pas être utilisées à l’acquisition de biens et services (plus de valeur ajoutée pour les entreprises), mais a la réduction du déficit, ce qui implique une répartition des ressources aux rentiers qui, sûrement, ne vont pas le consommer.

    Mon français nést pas brillant mais j’espere avoir pu me faire comprendre.

    Salut