Je suis très heureux de vous annoncer l’ouverture de la plateforme The Other Economy que nous avons créée avec Marion Cohen. Ce projet a le même objectif que le blog des Chroniques de l’Anthropocène dont vous êtes familier : contribuer à la construction d’une autre économie mise au service de la prospérité des humains d’aujourd’hui et de demain, de la préservation des grands équilibres écologiques et de la résilience des écosystèmes de notre planète. Je vous présente ici rapidement la plateforme, les convictions profondes qui sous tendent les contenus mais surtout je vous invite à vous y rendre et à vous l’approprier !
1. De quoi s’agit-il ?
The Other Economy est une plateforme de connaissances et de propositions, visant à intégrer les enjeux écologiques, économiques et sociaux. Elle s’adresse à celles et ceux pour qui les discours économiques les plus répandus paraissent déconnectés du réel et n’apportent pas de solution aux défis écologiques et sociaux du XXI° siècle. Elle est au service des individus et des organisations qui veulent agir et/ou agissent déjà pour transformer l’économie dans une direction socialement plus juste et écologiquement soutenable et qui ont besoin de renforcer leurs discours en la matière. En clair, elle est à votre service !
Que vous soyez enseignant, étudiant, journaliste ou blogueur, salarié du privé ou du public, militant dans l’écologie ou le social, vous pouvez reprendre tous nos contenus et les utiliser pour alimenter votre discours et vos propres productions[1]. L’objectif de TOE c’est en quelque sorte de vous simplifier la vie.
La plateforme The Other Economy c’est aussi une aventure collective mêlant les contributions individuelles de théoriciens et de praticiens et celles de structures partenaires. Nous tenons ici à les remercier vivement. Il nous semble, en effet, fondamental de montrer qu’il existe une vaste communauté d’individus et d’organisations qui se rejoignent sur les fondamentaux de la construction d’une nouvelle économie.
Nous tenons également à remercier Neil Tamzali et son équipe qui ont réalisé le plateforme web : le site est agréable, cohérent avec le projet et l’interface conviviale
2. Quelles sont les convictions qui sous tendent les contenus de la plateforme ?
Ce projet est né il y a plusieurs années à partir de quelques convictions assez profondément ancrées, tant sur le fond des idées que sur l’approche à suivre en économie et finance. Elles sont à la source du blog des Chroniques de l’Anthropocène, qui réagit autant que faire se peut à l’actualité.
La plateforme The Other Economy prend, quant à elle, délibérément plus de recul et adopte une approche « systémique » et, nous l’espérons, pédagogique. Elle comble un vide : pour que chacun d’entre nous puisse se faire une opinion sur les liens entre écologie, économie, finance et société, il lui faut pouvoir accéder à des informations structurées et savoir comment approfondir s’il le souhaite tel ou tel point, sans avoir le sentiment d’avoir à adhérer à une théorie ou à se soumettre à un « maître à penser ».
Sans en faire une liste exhaustive, voici une synthèse de ces convictions et une présentation de l’esprit et des intentions de cette plateforme. Nous les développons plus largement dans le module intitulé « L’approche de The Other Economy« .
On ne peut penser l’économie indépendamment de la biosphère
La pression excessive de l’humanité sur la nature est à la fois issue de notre modèle économique, et le condamne à un terme plus ou moins rapproché. Si une partie de l’humanité a connu depuis quelques siècles de réels progrès dans de nombreux domaines (espérance de vie allongée, violence civile réduite, santé et confort de vie améliorés, durée du travail raccourcie, accès à la culture démocratisé, etc.) c’est au prix d’un coût énergétique croissant, de prélèvements sur les ressources naturelles élevés et de déséquilibres écologiques majeurs comme le changement climatique et les pollutions massives des eaux et des terres. La poursuite de ce modèle et sa généralisation à l’ensemble de l’humanité butent sur le mur des « limites planétaires ».
La nécessité d’une refonte profonde de nos raisonnements et de nos outils économiques.
Cette situation nous oblige à reconsidérer nos raisonnements et nos outils de représentation de l’économie, à commencer par la comptabilité publique et nationale (et le rôle du sacro-saint PIB) et celle des entreprises, mais aussi nos modèles mathématiques macroéconomiques ou financiers. Elle oblige à proposer des réformes en profondeur de nos politiques économiques.
Sans cela, nous ne pourrons faire face aux crises écologiques : l’appel à l’éthique, aux bonnes pratiques, à la finance verte[2], l’espoir que les changements d’attitude des entreprises et des consommateurs (en comptant par exemple sur de nouvelles représentations ou attentes sociales) suffiront à régler cette crise existentielle, sont illusoires. Ils sont même dangereux, car ils contribuent à justifier l’attentisme ou des actions « incrémentales », d’autant plus tentantes que les ménages et les entreprises semblent a priori rétifs à des changements substantiels. Or c’est notre mode de production, de consommation, notre agriculture, nos infrastructures, notre urbanisme et nos logements qu’il faut transformer en profondeur et rapidement. En fonction de ce que nous ferons collectivement dans la décennie qui vient, il sera possible ou non de respecter l’accord de Paris et la limitation de la hausse à terme de la température moyenne planétaire.
Une plateforme caractérisée par un esprit d’ouverture qui place l’écologie au centre
Les contenus de la plateforme ne sortent évidemment pas de nulle part ; ils ont bénéficié de nombreuses sources d’inspiration et des travaux de scientifiques, d’économistes, de praticiens. Mais, ils ne s’inscrivent pas dans un « courant » institué. L’économie en tant que discipline est divisée à la fois en domaines de recherche et en courants de pensée. Nous ne revendiquons pas ici de filiation spécifique et nous cherchons à traiter l’ensemble des grands thèmes économiques en intégrant systématiquement la dimension écologique.
Cela tient à l’esprit d’ouverture inhérent à la plateforme ainsi qu’à une lacune fondamentale de la discipline : la plupart des économistes font abstraction du socle physique et vivant sur lequel repose l’économie réelle. Les interactions entre économie, ressources naturelles, climat et pollutions ne sont ainsi étudiées que par les spécialistes du domaine. Les autres, qui constituent la grande majorité des économistes, ignorent ou sous-estiment l’ampleur de la crise écologique et sa nécessaire prise en compte dans tout raisonnement ou toute proposition de politique économique.
Cette absence d’affiliation à une école de pensée particulière ne nous empêche de privilégier certaines analyses et d’en critiquer d’autres. Par exemple, parmi ceux qui ont fait de l’environnement leur domaine d’étude principal, certains adoptent des outils de raisonnement économique inadaptés qui mènent à des conclusions « paradoxales ». C’est le cas de William Nordhaus « prix nobel » d’économie 2018, dont les travaux laissent entendre qu’un réchauffement climatique de +4°C n’aurait que peu d’impact économique (voir notre article sur ce sujet).
L’économie n’est pas une discipline neutre : tout discours économique repose sur un système de valeur qu’il est important d’expliciter
Nous assumons le fait que l’économie ne peut être considérée comme une science exacte, ni même comme une discipline neutre.
C’est une science sociale et, à ce titre, ceux qui l’étudient sont nécessairement partie prenante de leur objet d’étude. Tout discours sur l’économie s’accompagne donc d’une part de subjectivité et bien souvent de recommandations normatives sur la façon dont la société pourrait mieux fonctionner, or la définition de ce qui est « mieux » relève nécessairement d’un système de valeurs.
Il nous semble essentiel de l’expliciter : à nos yeux, l’économie doit être au service du mieux-être social et individuel, tout en respectant les « limites planétaires ». Elle ne peut se réduire à une conception de la société envisagée comme un agrégat de comportements individuels dits « rationnels ». Nous sommes aussi convaincus du fait que la compétition de tous contre tous, et un rapport de prédation sur les autres et sur la nature, est strictement incompatible avec toute résolution solide et durable de la crise actuelle. Selon un aphorisme prêté à Albert Einstein, « on ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré ».
Même si les raisonnements économiques ne peuvent être indépendants d’un système de valeurs, donc ne peuvent revendiquer un statut de vérité, ils sont cependant susceptibles d’être soumis à une critique logique et souvent (mais pas toujours) empirique. Certaines données sont quantitatives. Si les concepts et dispositifs de mesure sont bien faits, on peut s’appuyer sur eux et trancher entre plusieurs affirmations. Ce n’est cependant pas toujours le cas, car l’économie, comme l’histoire, ne se reproduit pas ; les circonstances et les actions individuelles peuvent être déterminantes. Il est donc dangereux de croire que l’économie pourrait obéir à des lois « naturelles ».
En synthèse, nous avons pris le parti pour cette plateforme de documenter et justifier nos propos autant que possible, sans cacher nos « parti-pris », nos convictions. Nous n’avons bien sûr pas la prétention de nous substituer aux travaux académiques mais nous tentons d’y renvoyer soit directement soit par l’intermédiaire de travaux qui s’en inspirent et les citent.
3. Quels types de contenus trouverez-vous sur la plateforme The Other Economy ?
Cette plateforme vise prioritairement à donner une vision d’ensemble. A ce stade notre approche est « macroéconomique » et cherche à faire voir les interactions entre écologie et grandes questions économiques : l’usage des ressources naturelles et gestion des pollution, le travail, la monnaie, la finance, la comptabilité, la place de l’Etat dans l’économie, le rôle de l’entreprise et des marchés, celui des échanges internationaux, la dynamique économique etc. Dans les années à venir, les questions sectorielles (l’agriculture, l’énergie, l’immobilier, l’industrie, le transport…) y trouveront leur place.
Pour chaque grand thème, abordé dans les « modules », notre approche consiste à exposer ce qui nous semble « essentiel » et à présenter et remettre en cause les « idées reçues », qui encombrent l’esprit et empêchent d’y voir clair. Notre démarche n’est donc pas « didactique » ni « hypothético-déductive » pour aller aussi vite que possible dans le « vif du sujet ».
Pour alléger la lecture de ces modules, nous renvoyons à des fiches qui exposent un outil, un concept, un moment important de l’histoire économique.
Nous avons également constitué une base de ressources de référence (des livres, des rapports, des articles scientifiques, des bases de données statistiques décryptées, des vidéos et des podcasts ainsi que des outils pédagogiques pour les cours …) qui vise à faire gagner du temps à nos lecteurs face à la difficulté de trouver les « bonnes informations » dans la profusion actuelle du web.
Enfin, nous avons tenu à relayer les propositions de politique publique pertinentes et significatives par rapport à notre propos. L’économie a nécessairement une visée normative, et nous l’assumons. En outre, notre but ne se limite pas à faire progresser la compréhension de ce monde ; nous espérons contribuer à son évolution. Notre ambition n’est cependant ni de faire un programme politique d’ensemble cohérent, ni de détailler les propositions. Il s’agit pour nous de les faire connaître et de renvoyer à leurs auteurs pour que le lecteur intéressé puisse approfondir et, le cas échéant, s’en saisir et s’engager dans leur promotion.
Pour conclure, nous vous invitons à explorer cette plateforme[3]. Nous vous encourageons à nous faire part de vos retours suite à cette expérience que nous espérons profitable !
Alain Grandjean
Une réponse à “Lancement de la plateforme : The Other Economy”
Si le climat se résumait à l’effet de serre les températures au-dessus des mers seraient caniculaires puisque la vapeur d’eau est de loin le plus puissant gaz à effet de serre (60%) , pourtant on mesure exactement l’inverse !
Le climat c’est d’abord l’effet parasol des gaz et de l’eau (nuages) qui bloque 50% de l’énergie qui vient du soleil, ensuite la chaleur latente de l’eau qui évacue 60% de l’énergie qui arrive jusqu’au sol et vient en tout dernier l’effet de serre qui empêche le refroidissement nocturne. Les canicules ne se produisent que sur les zones sèches par manque d’effet parasol et manque d’évaporation, l’absence d’eau a un effet pervers : plus il fait chaud plus il fait sec et plus les sols reçoivent d’énergie ! Et inversement, en présence d’eau (ou de végétation) plus il fait chaud plus il y a d’évaporation donc de vapeur d’eau qui diminue la puissance du rayonnement solaire :
Les inondations et les sécheresses ne sont pas les conséquences du dérèglement climatique mais bien les causes, c’est en retenant l’eau en amont des bassins versants qu’il n’y aura plus d’inondation et donc mathématiquement plus de sécheresse et plus de canicule !
On aura sauvé la planète quand les continents seront des océans de verdures en plein été !