Lettre ouverte au gouvernement : libérons l’investissement vert !

3 septembre 2018 - Posté par Alain Grandjean - ( 6 ) Commentaires

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Alternatives Economiques
Credit : Alternatives Economiques

Suite à la publication de la tribune « On ne fera pas plus d’écologie avec moins de moyens« , nous avons avec Gaël Giraud été à l’origine d’un appel au gouvernement pour libérer l’investissement vert. Réalisé avec l’appui d’Alternatives Economiques cet appel a déjà reçu le soutien d’une centaine de personnalités issues d’univers très variés (entreprise, association, politique, syndicat, recherche etc.) Si comme nous, vous êtes persuadé de l’importance de lancer enfin la transition écologique signez l’appel et relayez-le !!

> Retrouvez sur ce blog la version de notre proposition « Libérez l’investissement vert » mise à jour suite aux nombreux échanges et contributions que nous avons eu (30 nov. 2018)

Voici le communiqué de presse qui restitue notre propos.

A la suite de la démission de Nicolas Hulot et à la veille de la nomination d’un nouveau ministre de l’environnement, Alternatives Economiques relaie l’appel de 100 responsables politiques, chercheurs, dirigeants d’entreprises, syndicalistes, militants engagés pour la transition écologique. Ils demandent au gouvernement de « lancer d’urgence un grand programme d’investissement public en faveur de la transition écologique et énergétique, dont le montant serait isolé du déficit budgétaire ».

Pour les signataires de l’appel, « la lutte pour atteindre le « zéro émissions nettes » visé par l’Accord de Paris sur le climat et la construction d’une économie soutenable, solidaire et riche en emplois requiert de mettre en mouvement de nombreux leviers. Certes, une régulation et une fiscalité donnent de bons signaux, certes il est indispensable de cesser d’allouer des capitaux à des choix non durables, mais il est fondamental d’accroître l’investissement.

Pour la France, les investissements publics et privés nécessaires à l’atteinte de ses objectifs climatiques sont estimés entre 45 et 75 milliards d’euros par an (entre 2 % et 3 % du PIB). Or aujourd’hui, nous ne dépensons que 31 milliards d’euros répartis à part égales entre ménages, entreprises et acteurs publics : le compte n’y est pas.

Pour boucler l’équation du financement de la transition bas carbone, il est nécessaire de mobiliser l’épargne des ménages et des entreprises. Or cette mobilisation ne pourra être optimisée sans un surcroît d’investissement public.

On ne fera pas plus (d’écologie) avec moins (de moyens). C’est pourquoi il est urgent de mettre en place un grand programme d’investissement vert. ll est par ailleurs nécessaire, dans le contexte actuel de forte contrainte budgétaire, d’isoler les fonds publics affectés à ce programme du déficit budgétaire, comme le ferait toute entreprise privée qui ne confond pas ses investissements avec ses dépenses de fonctionnement.

La France doit prendre cette mesure immédiatement. Rien ne le lui interdit vraiment. Et rien ne l’empêche, avec les autres Etats membres convaincus, d’engager dès à présent des négociations pour libérer l’investissement vert au niveau de l’Union européenne. »

> Signez l’appel sur Change.org

> Lisez l’appel et consultez la liste des 100 premiers signataires parmi lesquels : Michel Aglietta, Delphine Batho, Laurent Berger, Luc Bérille, Pascal Canfin, Madeleine Charru, Michel Colombier, David Cormand, Patrick Criqui, Cécile Duflot, Christian Eckert, Olivier Faure, Alain Grandjean, Gaël Giraud, Bernadette Groizon, Benoît Hamon, Yannick Jadot, Jean Jouzel, Corinne Lepage, Philippe Martinez, Matthieu Orphelin, Bertrand Pancher, Pascal Pavageau, Dominique Potier, Barbara Pompili, Audrey Pulvar, François Ruffin, Laurence Tubiana…

> Lisez et relayez la tribune « On ne fera pas plus d’écologie avec moins de moyens« , à l’origine de l’appel.

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6 Responses to “Lettre ouverte au gouvernement : libérons l’investissement vert !”

  1. Bonjour Alain,

    Comme tu le sais, c’est le traité de Maastricht qui fixe le déficit budgétaire à 3% du PIB. Ce qui a pour effet de réduire de plus en plus la part de l’investissement dans le budget de l’Etat quand (et c’est le cas) les dépenses croissent plus vite que les recettes.

    En voici le résultat, selon le TEE (S13 Administrations publiques) de l’Insee :

    2009 = FBCF 82,4 mds€ Consommation de capital fixe 65,9 mds€
    2014 = FBCF 79,4 mds€ Consommation de capital fixe 74,7 mds€
    2015 = FBCF 75,3 mds€ Consommation de capital fixe 73,4 mds€
    2016 = FBCF 76,1 mds€ Consommation de capital fixe 75,0 mds€

    Les amortissements seront bientôt d’un montant supérieur aux investissements !

    Investissements verts ou pas, je pense que nous sommes coincés par ce traité dont nous n’avons pas voulu.

    Amitiés
    Jean

  2. Bonsoir,

    C’est quoi un « investissement vert » ??!

  3. Je partage ces analyses et propositions d’actions mais il me paraît également indispensable de mobiliser fortement le système financier par un refinancement privilégié comme ce fut fait au cous des Trente Glorieuses en France pour les crédits à l’exportation .

    Nota : bravo pour votre entretien à France Culture, hier, 12 septembre

    Je reproduis ici un article que j’ai publié sur linkedin le 28 août 2018

    Pour vraiment verdir le financement de l’économie

    Pour vraiment verdir le financement de l’économie la sphère financière toute entière doit se mobiliser. Elle le fera d’autant mieux que les banques centrales et les superviseurs l’accompagneront fortement et habilement par un environnement prudentiel adéquat mais surtout par la mise en place d’une politique durable de refinancement préférentiel.

    Pour réduire de façon drastique les émissions de carbone (engagement de l’U.E. de les réduire de 40 % avant 2030 notamment) il est indispensable de très fortement verdir le financement de l’économie. Les financements publics sont et resteront très insuffisants, les financements privés par les banques et les marchés doivent être massivement mobilisés. Surtout qu’il y a le même impératif pour lutter contre la pollution, pour renforcer les économies d’énergie et arrêter l’effondrement de la biodiversité.
    Il est heureux que neuf banques centrales[1] et superviseurs bancaires se soient mobilisés en décembre 2017 en vue de publier un rapport en avril 2019. Le défi, selon le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, est pour ces autorités  » notre nouvelle frontière à l’instar du financement de la croissance et des grandes infrastructures au XIXème siècle ou de la gestion des grandes crises financières au cours de cent dernières années »[2].
    Ces Banques centrales et superviseurs travaillent essentiellement pour déterminer le bon environnement prudentiel pour intégrer le développement de la finance verte même si leur objectif vise aussi à renforcer la mobilisation des capitaux en faveur de ce développement. Le prudentiel prédomine dans ces travaux et dans la gamme des éléments de préconisations déjà en partie dévoilés; le volet superviseurs a et de loin pris le pas sur la partie banques centrales et les politiques et taux et de refinancement, bases des politiques monétaires.
    A très grands traits, pour le prudentiel il s’agit de bien mesurer les risques climatiques après en avoir harmonisé les composantes et de mettre en place des stress tests appropriés auprès des banques et des assurances comme ces autorités savent le faire pour les risques classiques après en avoir ajusté les dispositifs plusieurs fois depuis Bâle 1 et les directives européennes. Mais l’usage des ratios prudentiels est de manipulation difficile – en quoi par exemple un financement vert serait-il systématiquement moins risqué qu’un financement classique et justifierait une moindre exigence de fonds propres ? Moindre exigence susceptible de mettre en question la robustesse individuelle et globale du système financier aux crises et autres risques (de solvabilité, de taux, de change…) qui existerons toujours. Une alternative ? Avoir une politique de malus pour les crédits à forte intensité carbone ou facteurs de pollution ? Elle n’est pas davantage facile à déterminer. Même avec des taux unitairement élevés sa production globale sera faible car elle ne portera que sur les nouveaux crédits fortement carbonés (de peu de poids par rapport aux encours) et elle sera très fluctuante car fonction des cours très volatiles de l’énergie et des matières premières. De plus elle ne dissuadera pas d’investir dans des activités carbonées ou négatives pour l’environnement quand les cours flambent. Par ailleurs, le développement de stress tests climatiques pertinents – intégrant tous les effets de chaîne à moyen long terme possibles – mentionné par le groupe est tout sauf évident. On l’a vu pour les stress tests visant les risques classiques connus pourtant de longue date.
    Cependant malgré toutes ces difficultés des mesures prudentielles doivent être approfondies et mises en place. Pour autant elles ne règleront pas l’enjeu de mobiliser une forte capacité d’offre financière pour les investissements verts et pour ceux touchant plus globalement à l’impact des hommes sur la planète.
    Jusqu’à présent, sur cette question essentielle, le groupe de banques centrales et de superviseurs précité montre ses limites. Il indique réfléchir à un développement des obligations vertes et de leur titrisation; et là on sait par avance qu’il y aura des avancées; c’est dans l’air du temps ! Le groupe déclare également  » qu’il faut plus de prêts verts et plus de financements verts en général accessibles aux particuliers, aux PME et aux start-ups ». Là par contre rien n’est vraiment préconisé voire même simplement esquissé.
    Au-delà de là cette pétition de principe de plus de financement pour les particuliers et les PME et hormis un traitement prudentiel approprié – cf. ci-dessus – il n’y a, semble t-il, aucune réflexion sur le volet taux et refinancement par les banques centrales dans le cadre de leur politique monétaire seul moyen substantiel pour « booster » l’offre de financements verts dans son volet bancaire et financier.
    Actuellement et sans doute pour quelques années encore, plus qu’une politique de taux spécifique, la véritable incitation forte à octroyer des crédits verts et à souscrire des obligations vertes serait de permettre leur refinancement préférentiel par les banques centrales à l’instar de la mise en place progressive à partir de 2010 du rachats de titres publics et de grandes entreprises qui a permis de faire face à la très grave crise de confiance entre acteurs financiers minant les facultés de refinancement interbancaires. Maintenant que cette mesure non conventionnelle est arrêtée (USA) ou en cours de réduction avant son arrêt (BCE) il y a là la possibilité de remplacer progressivement un refinancement à l’aveugle (qui fut néanmoins utile) par un refinancement ciblé visant à relever un des plus grand défit actuel de la planète. En charge de la surveillance directe des plus grandes banques européennes, la BCE peut se donner les moyens de vérifier ( a priori, par sondage ou a posteriori) que le papier présenté à ses guichets correspond bien à un financement concourant à la sauvegarde de la planète. Elle relèverait ainsi à la fois un défi quantitatif de financements à offrir et un défi qualitatif que ces même financements soient réellement sources de progrès et non des opérations de « greenwashing ».
    Sur le plan financier « la nouvelle frontière » ne sera effective que si la sphère financière toute entière se mobilise. Elle le fera d’autant mieux que les banques centrales et les superviseurs l’accompagneront fortement et habilement par un environnement prudentiel adéquat mais surtout par la mise en place d’une politique durable de refinancement préférentiel.
    *
    Plus de détails et de précisions dans
    http://www.michelcastel.com/index.php?post/2012/04/26/La-quote-part-souhaitable-de-la-BCE-dans-le-pacte-de-croissance
    [1] Banque d’Angleterre, Bundesbank, Banque des Pays-Bas, de Suède, de Chine, de Singapour, du Mexique , Banque de France et Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) . Hasard (??) , la Fed n’y participe pas !!
    [2] Conférence internationale des superviseurs sur le risque climatique – Amsterdam, 6 avril 2018

  4. Bonjour Alain,

    Petit retour d’expérience : En plus d’une hausse des enveloppes, il y a un vrai travail de simplification (de design des procédures) à mener pour que ces financements soient réellement accessibles aux porteurs de projet.
    Un exemple avec la rénovation du parc de bâtiments publics (mairie, salle des fêtes, écoles…) sur un territoire : il y a des fonds européens disponibles (1,4 mds € au total mais pas uniquement sur la réno thermique) mais ceux-ci ne seront consommés qu’à hauteur de 30%-40% sur la période 2014-2020 car le traitement administratif des dossiers est un parcours du combattant, notamment pour les petites communes. L’argent non utilisé repartira dans le budget de l’Europe. Sur 60 communes, le rythme des rénovations est d’environ 10 rénovations / 600 bâtiments, soit 60 ans pour rénover l’ensemble des bâtiments. C’est trop lent mais cela reste bien meilleur que le chantier des rénovations des maisons individuelles, qui tourne autour de grand maximum 80 rénovations BBC / 16 000 logements.
    Les communes sont relativement bien loties puisqu’elles peuvent espérer 80% d’aides en théorie pour leur projet de rénovation thermique (jusqu’à un plafond de 500 000 €, pour les gros projets à +1m€, on est plutôt à 50% d’aides…).
    Mais les financements sont multiples, avec des délais qui diffèrent, avec des règles du jeu écrites ou non-écrites, qui varient d’un financement à l’autre et parfois même d’une année à l’autre, ce qui rend le tout incertain.
    L’aspect le plus problématique est l’incertitude, même après réception des travaux…
    Le problème est le même pour les particuliers, bien qu’ils puissent être accompagnés par les EIE, les opérateurs ANAH, les PTRE/SPEE, ils doivent comprendre le crédit d’impôt, la TVA à taux 0%, les PTZ, les aides ANAH, etc… le tout dans une jungle d’acronymes. C’est l’analyse d’Olivier Sidler et la réponse qu’il essaye d’y apporter avec Doremi. L’autre piste explorée par le SPEE Picardie, avec un financement de la BEI est également très intéressante.
    Dans un monde idéal, pour les maîtres d’ouvrages publics, il faudrait un guichet unique (porté par la Région?) reprenant les fonds européens, régionaux, de la préfecture, du département, des syndicats d’énergies, etc…, avec une commission unique et un traitement centralisé (et numérique!) des dossiers. Une simplification et une harmonisation des règles sont clairement nécessaires pour anticiper le green QE de 2020 (monde idéal).

    •   Alain Grandjean   17 septembre 2018 à 19 h 20 min

      Merci bcp Martin, ces informations sont très précieuses pour le parisien que je suis. Et je partage bien ton analyse (pour en avoir discuté avec d’autres « praticiens »
      je pense faire un post la dessus, pour qu’il n ‘y ait pas d’ambiguité
      nécessaire ne veut pas dire suffisant, amct
      Alain

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