Les dettes publiques (de la Grèce, l’Espagne, le Portugal) sont la cible d’attaques spéculatives. L’agence Moody’s annonce qu’elle pourrait remettre en cause la note AAA de la dette publique américaine, «à moins que d’autres mesures ne soient prises pour réduire le déficit bugétaire »1. Cette décote aurait pour effet de renchérir le coût de la dette pour l’Etat américain, ce qui est déjà le cas pour nos voisins.
Les Etats sont ainsi mis sous pression par les marchés qui les poussent à prendre des mesures de restriction budgétaire, à « assainir les finances publiques ».
On croit rêver.
Si on résume en quelques mots la situation, les banques et établissements financiers ont généré en 2008 une crise majeure. Les Etats les ont sauvés pour la plupart, grâce à des apports massifs de fonds et de garanties. Les gouvernements du monde entier se sont mobilisés (Il n’est pas exclu que la perte de l’Etat du Masassuchets par les démocrates soient en partie due à l’éloignement du terrain de Barack Obama due au traitement de cette crise). La crise économique résultant de cette crise financière et le traitement de cette crise financière ont évidemment mis à mal les finances publiques.
Les marchés demandent maintenant un assainissement : en français cela veut dire réduction des transferts sociaux et des dépenses publiques. En d’autres termes, ce sont les citoyens qui vont payer la note. Et la planète, donc nos enfants et petits-enfants, car bien sûr, il n’y a plus un sou dans la caisse pour financer la transition écologique !
Il n’est néanmoins pas complètement sûr que cela se fasse tout seul. Les rémunérations de nos financiers de haut vol sont considérées comme obscènes et il va falloir des talents de pédagogue hors du commun pour faire avaler cette couleuvre supplémentaire.
Il est plutôt à craindre que les extrémismes se réveillent dans un climat où le repli nationaliste et identitaire est plus que tentant. Dans un contexte de tensions probables sur les énergies et sur les biens de base, alors que les inégalités de revenu se sont accrus que selon le Pôle emploi 1 million de chômeurs arrivent en fin de droit en 2010. Il est à craindre que l’envie de brûler les banquiers, que veut conjurer l’actuel directeur général du Crédit Agricole2 viennent à certains, sans même de procès en sorcellerie. N’oublions pas que la France est hantée par un imaginaire révolutionnaire, elle a coupé la tête à Louis XVI….
Il est temps de tourner la page. Comme le dit l’économiste Jean-Luc Gréau, ancien expert du Medef, le capitalisme est malade de sa finance3. Il va falloir prendre des mesures radicales pour cantonner la banque et la finance à la place qui est la leur et qu’elles n’auraient jamais dû quitter : des auxiliaires utiles à la vie économique des humains, elle-même un moment nécessaire de leur vie, pas sa finalité.
Mettre la finance à sa juste place, un programme de travail qui me semble devoir mobiliser les citoyens de bonne foi, avant que le pire ne nous tombe sur la tête.
Alain Grandjean, économiste. http://alaingrandjean.fr/
1 Voir les Echos vendredi 5 février, page 1.
2 Georges Pauget, Faut-il brûler les banquiers ? J.C. Lattès, 2009
3 Livre paru chez Gallimard en 1998.
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