Nous résumons ici un Working Paper publié en Décembre 2016 par la Banque d’Angleterre, de Ramon, Francis et Harris, intitulé : Les exigences de capital des banques et leurs pratiques de gestion de bilan : la crise a-t-elle changé la relation ?
Le propos du papier
Ce papier est intéressant à nos yeux car il fait un point sur la manière dont les banques réagissent aux contraintes fixées par le régulateur. L’enquête est faite sur la base du traitement d’un échantillon des données confidentielles de la Banque d’Angleterre, la Banque Centrale, sur les banques britanniques entre 1989 et 2013. L’analyse des auteurs confirme que les banques gèrent activement leur bilan en fonction des contraintes de ratios règlementaires fixées par le régulateur. Du coup, ils se penchent sur ce lien : comment les banques britanniques ont-elles réagi au durcissement des contraintes de la règlementation en matière de ratio de solvabilité ? Ont-elles modifié leurs pratiques, et si oui comment ?
Le résultat de la recherche
Sur les actifs totaux
Les auteurs ont examiné quatre indicateurs de la gestion du bilan des banques : les actifs totaux des banques, le volume des crédits, le montant des actifs pondérés en risque (Risk Weighted Assets ou RWAs) et le capital. Ils établissent que le durcissement des ratios a conduit à une moindre croissance des actifs totaux, cette tendance s’étant aggravée après la crise de 2007 – 2008. Une augmentation de 1% des exigences en capital du ratio de solvabilité réglementaire a diminué la croissance des actifs de 14 points de base (0,14%) avant la crise et de 20 points de base après la crise.
Sur le capital
Les banques ont eu tendance à augmenter le volume de leurs capitaux propres pour répondre aux exigences accrues de solvabilité, ce qui est bien l’objectif poursuivi par la règlementation : que les banques aient davantage de capital pour être plus résilientes financièrement. Avant la crise, elles avaient tendance à accroître leur capitalisation avec des produits de quasi capital (dette subordonnée perpétuelle, par exemple, comptabilisée en « Tier2, ou « capital mou », dans le ratio de solvabilité). Après la crise, les banques ont eu tendance à augmenter leur capital « dur » (Tier 1, les actions proprement dites).
Sur les crédits et les actifs pondérés en risque
La crise n’a pas eu d’impact particulier. Avant comme après la crise, l’effet estimé est le suivant : une augmentation de 1% des exigences en capital du ratio de solvabilité a diminué la croissance annuelle des crédits de 8 points de base. La croissance des actifs pondérés en risque a en moyenne été réduite de 12 points de base par les renforcements de contraintes de solvabilité qui ont eu lieu après la crise. Ainsi le durcissement des ratios pousse les banques à faire moins de crédit, et dans les crédits qu’elles font quand même, à privilégier les moins pondérés en risque.
Sur le délai de réaction au durcissement du ratio de solvabilité
L’étude montre que la réaction des banques est assez lente, les banques n’augmentent leur ratio que de 30% des exigences supplémentaires la première année, et de 90% ensuite. (Il faut savoir que la plupart des banques sont très au-dessus des ratios exigés, donc elles ont une marge qui leur permet de ne pas avoir à respecter l’augmentation règlementaire à 100% immédiatement). Les auteurs en déduisent qu’augmenter les ratios n’est peut-être pas la meilleure manière d’augmenter la résilience des banques rapidement. Ce résultat milite selon eux en faveur de l’usage d’autres instruments prudentiels, comme des limites de revenus par rapport au total du prêt pour l’immobilier hypothécaire, afin de pouvoir lutter contrer le risque d’une nouvelle crise liée à l’effondrement du secteur immobilier.
Prendre en compte les réactions des acteurs à la régulation
Enfin les auteurs insistent sur le fait que les ajustements de ratios de solvabilité par le régulateur, dans le futur, devront tenir compte de ces réactions dynamiques de la part des banques dans la gestion de leur bilan. La régulation « micro prudentielle », qui impose des contraintes de solvabilité au niveau de chaque opération, a bien un impact « macroéconomique » sur le comportement global des banques, du moins au niveau des banques britanniques.