Les hydrocarbures non conventionnels au secours du climat ?

2 mai 2013 - Posté par Alain Grandjean - ( 29 ) Commentaires

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Le débat sur la transition énergétique est hanté par les hydrocarbures non-conventionnels (les gaz et huiles de schiste principalement). Ils seraient à la fois  à l’origine d’une révolution énergétique et changeraient la donne climatique. A titre d’exemple, les émissions de CO2 américaines auraient baisser suite à leur exploitation (conduisant à  une baisse de la consommation de charbon).

Une note récente du quai d’Orsay s’appuie sur cette « révolution » pour reléguer au rang de millénariste les tenants du peak oil[1].  Il y est dit également :

« Les politiques climatiques devront désormais être justifiées par leur mérite propre, sans  le secours d’invocation de menaces tenant plus du millénarisme énergétique que d’une prospective raisonnée ».

Ce propos (l’adverbe désormais indiquant une novation) est très curieux car les  hydrocarbures non conventionnels, en tant que tels,  ne changent rien à la question climatique. Nous avons déjà insisté ici sur le fait que le climat ne sera pas sauvé par la pénurie des énergies fossiles. Voir http://alaingrandjean.fr/2010/07/02/le-climat-sauve-par-la-penurie-des-energies-fossiles/.

Reprenons la démonstration. En référence à plusieurs sources scientifiques récentes[2], satisfaire à l’objectif des « 2°C » nous oblige à ne pas émettre plus de 600 à 1 200 GtCO2 d’ici 2050, ces chiffres ne concernant que la combustion des énergies fossiles. Conservons l’ordre de grandeur de 1000  GtCO2, en se rappelant que l’humanité a émis du seul fait de la combustion  des énergies fossiles un peu plus de 30 GTCO en 2010 et que ses émissions sont toujours croissantes. Peut-elle jouer à ce jeu longtemps ? En réserves prouvées[3] restantes de pétrole, gaz et charbon, nous avons dans le monde un potentiel d’émissions de l’ordre de 2 900 GtCO2 sous les pieds, dont plus de 1 000 GtCO2 en « se contentant » seulement du pétrole et du gaz. Ces chiffres font en outre abstraction des réserves non prouvées, au rang desquels les pétroles et gaz non-conventionnels. Selon l’AIE, les réserves ultimes restantes de pétrole et de gaz, c’est-à-dire prouvées et non prouvées (mais techniquement extractibles), correspondraient à elles seules à des émissions supérieures à 4 000 GtCO2e. Celles de charbon à plus de 30 000 GtCO2e. La figure ci-dessous permet de mieux appréhender les ordres de grandeur en jeu, concernant les émissions « admissibles » (notre « droit à émettre ») et potentielles (à partir des réserves fossiles prouvées) et placent des scénarios d’émission réalisés par l’AIE.

Source : Carbone4[4]

 

L’exploitation et la consommation des hydrocarbures au niveau mondial doivent donc, dans tous les cas, et quelles que soient les perspectives des non conventionnels, être réduites[5] volontairement pour limiter la dérive climatique. Dit autrement, extraire plus de gaz non conventionnels de terre, c’est, contrairement à ce qu’affirment leurs défenseurs,  contribuer à la dérive climatique sauf s’il est décidé de ne plus exploiter, d’autres énergies fossiles – issues de réserves prouvées.

C’est donc bien cette décision qui peut changer le cours des choses en matière climatique et non des découvertes d’énergies fossiles supplémentaires. La condition absolument nécessaire pour que les hydrocarbures non conventionnels contribuent positivement au problème climatique, c’est l’interdiction du recours au charbon, sans séquestration de CO2 . Or  c’est le contraire qui se passe.  Le charbon (sans séquestration dans l’état actuel des choses) est la source d’energie mondiale la plus en croissance. En Europe on assiste au retour du charbon, parce qu’il trouve moins de débouché aux USA, et surtout parce que l’effondrement du prix du CO2 du marché ETS le rend moins couteux que le gaz.

Plus que jamais donc il faut réaffirmer que la lutte contre le changement climatique passe par une décision de limiter volontairement notre consommation d’énergie fossile. Cette réduction passe par des réglementations drastiques (par exemple la limitation de la quantité de CO2 émise par kWh) et/ou par des dispositifs comme la taxe carbone ou un marché de CO2 qui fonctionne…Et par une réduction de notre consommation d’énergie, indépendamment de sa source.

Ces enjeux sont plus que jamais à remettre sur la table, notamment en Europe à un moment où elle semble entrer en agonie !

A qui le crime profite ?

La lutte contre le changement climatique n’est pas de l’intérêt de tous. Pas de celui de  l’industrie fossile (et les pays producteurs, propriétaires des gisements). Bill Mackibben rappelle dans l’article cité, que leurs réserves (qui correspondent aux  2900 GTCO2) valent  (selon une estimation de JP Morgan[6]) en ordre de grandeur 30  000 milliards de dollars, si et seulement si … elles sont extraites un jour.  Décider d’en garder les 2/3  sous terre c’est leur supprimer 20 000 milliards d’actifs !  Quant  à son chiffre d’affaires annuel il est sans doute de l’ordre  de 400 milliards de dollars[7]. On comprend que cette industrie ne soit pas pressée de voir ce gateau se réduire…

Mais chacun d’entre nous, en tant que consommateur et utilisateur d’ énergie pour le moindre geste de notre vie courante, n’a pas vraiment intérêt à ce que la fête s’arrête. Du coup,  les responsables politiques à qui il appartient de créer les contraintes indispensables ne le font pas, et encore moins en période de crise économique.

Espérons que le débat sur la transition énergétique ne se laisse pas embarquer sur de fausses pistes mais nous  aide à ouvrir les yeux. L’horloge climatique ne s’arrête pas parce  qu’on ne la regarde pas…

 ————————————————————————————————-

[1] Voir http://petrole.blog.lemonde.fr/2013/04/30/le-pic-petrolier-non-scientifique-selon-une-note-confidentielle-du-quai-dorsay/

[2]. 600 GtCO2e cumulées environ entre aujourd’hui et 2050, selon Meinhausen et al . Nature 458, 1158–1162 (2009).  1 200 GtCO2e cumulées environ entre aujourd’hui et 2050, selon Allen, M. R. et al. Nature 458, 1163–1166 (2009). 900 GtCO2 cumulées entre aujourd’hui et 2050 Selon l’AIE (World Energy Outlook 2012), Dans un article récent paru dans La Revue Durable, numéro 48, mar-avril 2013, Bill Mackibben retient un chiffre encore plus bas : 565 GTCO2.

[3] Les réserves prouvées représentent la part des ressources dont l’extraction / production est considérée comme certaine à 90%.

[4] Voir http://www.carbone4.com/fr/l_actu_de_carbone_4/climat-p%C3%A9trole-et-gaz-de-schiste%C2%A0-peut-les-marier%C2%A0

[5] Le captage stockage du CO2, qui en est au balbutiement et qui ne pourra se déployer que tardivement ne change rien à cette conclusion.

[6] Qui est assez facile à verifier en ordre de grandeur : les réserves prouvées de pétrole gaz et charbon ont un contenu énergétique de l’ordre de 1000 GTep. A  40 dollars la tep (prix moyen pondéré du mix d’énergie fossile mondial) cela représenterait 40 000 milliards de dollars.

[7]  10 GTep à 40 dollars.

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29 Responses to “Les hydrocarbures non conventionnels au secours du climat ?”

  1. Salut Alain !

    Comme l’a écrit W. Shakespeare dans « Le roi Lear »: C’est le malheur des temps: les fous dirigent les aveugles !

    Heureusement, tes articles donnent une lecture « non tordue » de la situation… La lucidité avant tout, que diable !

  2. OK sur la démonstration CO2. Par contre le gaz non conventionnel change la donne sur l’équilibre quantitatif et donc le prix (sauf quand l’ex opérateur historique n’est pas capable de s’adapter et donc de repercuter à la baisse sur son propre tarif…). Sur ce point, la rareté de la ressource, j’ai le sentiment que bcp d’experts, alain g janco etc, vivent pr le gaz leur « jevons moment » (l’économiste jevons avait prévu vers 1850 la fin du charbon pour environ 1950 et alertait sur les conséquences éco…). Il faut surtout pas le prendre mal : le standard de mat première est qu’on se plante svt dans les prévisions (le cas de l’alimentaire est plus frappant encore : l’INRA n’a jamais vu juste, jamais) ca arrive a tt le monde. mais admets tout de même que vous tendez à sous estimer les facteurs baissiers sur le prix car vous voulez normativement une hausse du prix (le désir normatif est légitime mais il biaise votre prévision qui est elle se veut positive). Il faut voir qu’après les acteurs et individu en aval de cette expertise (moi par ex.) ont un peu un sentiment, pas de défiance, mais de préférer aller vers un relativisme (pas pour le CO2 on est d’accord mais pour l’équilibre quanti). vraiment c important
    amts
    FC
    Fc

    • Bonjour François
      En effet je n’ai pas encore abordé la question quantité/prix ; si j’y arrive assez vite, je vais résumer une note un peu technique faite par les experts du DNTE qui montre que la situation est plus nuancée que juste « un gisement miraculeux qu’on n’avait pas vu » et qui va changer durablement les prix des énergies fossiles.En particulier en France l’eldorado est loin d’être prouvé. J’ai écrit un papier là-dessus dans la revue Cahiers Français n°373. A plus pour plus de précisions.
      Bien à toi.
      Alain

  3. Il manque un point d’interrogation à la fin du titre de ce post, non ?

  4. De manière générale le feu d’artifice « peak oil is dead, US energy boom » en gros depuis le rapport Maugeri et le world outlook IEA 2012 est absolument hallucinant.

    Y ajouter en plus un mensonge sur le CO2 et le climat il faut quand même le faire …

    Rappelons que les hydrocarbures conventionnels c’est surtout des hydrocarbures normaux sauf qu’ils sont plus chers à extraire (en $ et énergie).
    Il y a aussi toutes les norias de camions dans la bakken, et de trains pour sortir le crude …(et pas d’investissements pour un pipeline, curieux)

    Pour en revenir à ce feu d’artifice médiatique, sans doute ne pas oublier non plus le côté « appel à investissements » de ces messages, voir par exemple l’analyse de Rune Likvern sur the oil drum à ce sujet :
    http://www.theoildrum.com/node/9954
    et :
    http://www.theoildrum.com/node/9954#comment-960153
    (avec a priori une certaine tendance à faire passer du capex direct dans les opex, ou le fait tout simplement que si un forage était du capex ds le conventionnel, qd il en faut des centaines par mois cela devient clairement de l’opex, sauf que les règles comptables considèrent toujours ça comme du capex)
    Ou l’étude en cours à l’université du Texas pour le gas de la Barnett
    Baisse de la conso de charbon ? Passage à l’export plutôt

    Et puis si ça se trouve des fuites de méthanes amènent un bilan encore plus négatifs.

    Enfin bref, en attendant la conso de l’OCDE baisse et l’on n’est toujours pas capable de simplement énoncer que l’on est dans un choc pétrolier, à croire que personne ne regarde la courbe du prix du baril sur une période suffisamment longue, du genre :
    http://iiscn.files.wordpress.com/2013/05/bp-oil-price.jpg

    Avec toujours sur ces diagrammes historiques la légende « premier choc=embargo arabe » quand le premier choc était surtout la conséquence du peak US de 1970. (mais l’auteur de la note étant spécialiste d’histoire contemporaine, il est sans doute au courant, enfin à voir … peut-être devrait-t-il relire Akins et Walter J Levy par exemple)

    Note : discussions de cette note aussi là :
    http://www.les-crises.fr/meteo-banquise-arctique/#comment-76517

    Merci à AG pour ce post
    bCrdlmt
    yt

  5. ps : typo « que les hydrocarbures conventionnels » à lire « que les hydrocarbures non conventionnels »

  6. « Les scientifiques ont appelé à remettre la lutte contre le changement climatique au centre des priorités politiques, déplorant qu’elle ait été éclipsée par la crise économique.

    On doit se projeter au-delà de cette crise bancaire, a souligné Carol Turley, du Laboratoire d’études marines de Plymouth (Grande-Bretagne). »

    http://www.romandie.com/news/n/_Des_scientifiques_s_alarment_de_l_acidification_rapide_de_l_ocean_Arctique_RP_060520131517-15-354962.asp

    Ces deux phrases illustrent bien l’espèce de « deadlock » dans lequel on se trouve :

    – Les émissions de CO2 atteignent des niveaux dramatiques
    – les aspects pics de ressources ou plus prosaïquement renchérissements relatifs sont plus ou moins soumis à l’omerta
    – par la même, le fait que la crise économique soit aussi si ce n’est avant tout un choc pétrolier et crise des ressources: exit
    – les aspects financiers et en particulier montagnes de dettes, dire qu’il s’agit de “legacy” des deux premiers chocs (ou du désir de retrouver la croissance d’avant ces chocs) : exit également, la crise est donc avant tout bancaire, maintenant de l’euro en tant que monnaie, etc
    – …

    Il existe des modèles ou simulations sur un sérieux rééquilibrage fiscal ressources(hydrocarbures en particulier)/travail ?

    b crdlmt,
    yt

  7. « Si ça se trouve des fuites de méthanes amènent un bilan encore plus négatif »

    -> Pas seulement que « si ça se trouve ».

    Tour d’abord, l’extraction par fracturation hydraulique émet 0.14 à 1.63 teCO2 de plus que conventionnellement,sans tenir compte des pertes de méthanes lors de l’extraction.(source : http://ec.europa.eu/environment/integration/research/newsalert/pdf/246na1.pdf)
    Ce qui fait 57 à 59 teC02 / térajoule d’énergie primaire.
    (contenu C02 du methane : source ADEME, sur émissions directe)

    Pour les pertes en méthane, plusieurs études font varier les pertes atmosphériques entre 2% (sources industriels) et 4% (indépendants)
    http://theconversation.edu.au/methane-makes-shale-gas-a-current-climate-danger-5020
    http://www.sustainablefuture.cornell.edu/news/attachments/Howarth-EtAl-2011.pdf
    http://www.prnewswire.com/news-releases/report–natural-gas-from-shale-not-suitable-as-bridge-fuel-may-worsen-climate-change-137682823.html
    http://thinkprogress.org/climate/2012/02/08/421588/high-methane-emissions-measured-over-gas-field-offset-climate-benefits-of-natural-gasquot/?mobile=nc

    1 terajoule de CH4, c’est ~20 tonnes, donc les pertes atmospheriques c’est autour de 6t de CH4 / TJ, ce qui fait 20 teC02 (PRG ou GWP = 100 ans).

    On est donc autour de 80 teC02 / TJ énergie primaire.
    Si on ajout le supplément des émissions ACV de 8 teC02 (ADEME) pour le methane, on est a 88 teC02 / TJ.

    C’est comme utiliser du fioul lourd. Du parle d’un progrès pour…

    Si on considère l’impact sur l’effet de serre à court terme (GWP = 20 ans), alors là on atteint plutôt les 147 teC02 / TJ (+2.9% pour l’extraction, +4% de pertes atmo., GWP=20y, + émissions ACV du gaz naturel).

    Le charbon est a 107 teC02 / TJ (ACV, ADEME)

    Donc, le gaz de schiste, à l’image des puits à creuser de plus en plus vite, il s’agit surtout d’en mettre encore plus dans l’air et plus vite.

  8. Cette analyse me paraît partir d’une erreur de raisonnement: ce n’est pas la quantité totale de combustibles censés être exploitables dans l’avenir qu’il faut prendre en compte, mais la vitesse à laquelle cette exploitation peut-avoir lieu. Il faut donc modéliser ces vitesses d’extraction, calculer les quantités de CO2 potentiellement émissibles chaque année, et les injecter dans un modèle climatique. Le GIEC a préféré jusqu’à présent modéliser les quantités émissibles à partir de modèles économiques déconnectés de la réalité géologique. C’est une erreur conceptuelle.

    • bonjour BMD
      les réserves prouvées seront exploitées au rythme de l’activité économique, sans contrainte particulière; si ce n’est bien sûr l’activité économique elle -même.A ce stade on émet à partir des énergies fossiles environ 30GTCO2. Dans les 30 ans qui viennent on aura déstocker le millier de tonnes qui est la moyenne pour le plafond. Si on vit une décroissance longue et prolongée on ne sortira bien sûr pas les réserves prouvées, mais ca ne change pas la conclusion (ce n’est pas l’insuffisance des énergies fossiles qui a créé le pb). Quant à modéliser dans l’avenir les vitesses d’extraction je pense vraiment qu’on ne saura pas le faire de manière crédible. Les paramètres sont bien trop nombreux et les interactions trop complexes.
      bien cordialement
      ag

  9. « au rythme de l’activité économique, sans contrainte particulière; »

    Enfin modulo le prix quand même, non ? Prix qui est lui avant tout une fonction du flux (de la valeur du flux), et non des réserves.
    Ou enfin si aussi fonction des réserves, mais dans le sens qualité ou difficulté d’extraction des réserves restantes (c’est à dire les aspects couts).
    Ce que l’on peut aussi certes considérer comme faisant partie de « si ce n’est bien sûr l’activité économique elle -même. »
    bien cordialement
    yt

  10. @Yt 75
    Il y a déjà bien longtemps que l’on sait à peu près bien modéliser les vitesses d’extraction, au moins celles du pétrole, et en l’absence de contraintes économiques particulières. Les prédictions de Campbell et Laherrère en 1998 étaient que l’on attendrait le pic de la production de pétrole conventionnel ( celui que l’on extrait par forage conventionnel, à l’exclusion des liquides accompagnant le gaz naturel, des pétroles extralourds et des pétroles de schistes) avant 2010: il a eu lieu en 2006.
    Campbell vient de sortir chez Springer un ouvrage où l’on trouve les historiques de production d’un très grand nombre de producteurs. La très grande majorité a déjà franchi son pc pétrolier, et en particulier tous les pays de l’OCDE.
    Peut-on espérer des économistes qu’ils arrêtent de produire leurs écrans de fumée et qu’ils s’intéressent aux réalités de la physique et de la géologie?

  11. @BMD
    Oui je suis assez d’accord avec vous.
    Et à mon avis cette « dissonance » viens en partie du fait de considérer la modélisation de Hubbert comme de la « géologie ».
    Alors que si cela prend en compte les contraintes géologiques, cette modélisation décrit le comportement typique de la société actuelle ou espèce humaine vis à vis des ressources, ou autrement dit c’est *aussi* de l’économie.
    (ps : même chose aussi écrit sur le blog de Matthieu Auzanneau, pseudo isbninfo)

  12. « The shale gas enthusiasm has been inspired partly by an advertising campaign financed by T.Boone Pickens (“The Pickens Plan”). Some say it goes back to widely publicised report by Leonardo Maugeri, a former industry CEO, now at Harvard’s Belfer Center. Then the head of the IEA bought this story and gave it the imprimatur of official acceptance with a forecast of the coming of “Saudi America”, projecting that the US would be producing 10 million bbl/day of natural gas liquids by 2020 before resuming the long-term decline. Citigroup went even further, predicting 4 billion bbl/day of oil by 2022. Since then the media has converted it into a gusher with headlines like George Monbiot’s article in the Guardian: “We were wrong on peak oil. There’s enough to fry us all” [The Guardian, Monday July 2, 2012].

    The result is, there is now a vociferous group of shale-gas (and oil) enthusiasts who have created a mini-bubble in shale. They insist that above US$70 per barrel (well below the current price) shale gas reserves are worth exploring. Investment in shale in 2010 and 2011 was apparently a trillion dollars, with another US$600 billion scheduled for 2012. »
    http://www.forbes.com/sites/insead/2013/05/08/shale-oil-and-gas-the-contrarian-view/

  13. Première chose :

    Le chiffre de 1000 Gt de CO2 ne concerne que les émissions jusqu’en 2050 * en tenant compte de l’extrapolation ultérieure entre 2050 et 2100*. Ca ne correspond donc pas à la limite totale à laquelle nous avons droit. Le problème c’est que ces extrapolations (qui supposent qu’on établisse un lien de causalité entre les émissions en 2050 et les émissions totales, sans savoir quand le pic va arriver !!!! ) ; sont faites à partir de statistiques sur les scénarios d’émission du GIEC, qui n’ont aucune valeur de prédiction … selon le GIEC lui même ! tout cela marche sur la tête. On utilise des scénarios qui sont le fruits de l’imagination (le plus souvent délirante ) sur les réserves de la part d’économistes, comme un outil de conversion mathématique entre la consommation en 2050 et la consommation totale, alors que jamais rien n’a prouvé leur validité de manière scientifique.

    2e chose : avant de dire que c’est une catastrophe de dépasser 2°C , faudrait préciser la sensibilité au dépassement : ça implique quoi de dépasser de 0,1 °C ? de 0,2 °C ? de 0,5 °C ? et quelle est l’amplitude du dépassement prévu avec les réserves prouvées ?

  14. @Gilles, merci pour cette intervention!
    Les modélisations de type » économique » utilisées par le GIEC seraient-elles de meilleure qualité que les modélisations utilisées par les géologues pétroliers? Certainement pas. Leur absence de crédibilité saute aux yeux quand on considère les historiques de production du pétrole des pays producteurs présentées dans l’ouvrage de Campbell, mais aussi celle de charbon des grands producteurs du 19 ème siècle!
    C’est quand même curieux cette volonté à ne pas voir ce qui crève les yeux, comme la décroissance de la production en Mer du Nord depuis 2000 pour le pétrole, depuis 2005 pour le gaz, malgré les fantastiques augmentations de prix, ou celle de la production de charbon au Royaume-Uni depuis 1913! Vraiment, cela n’a-t-il en à voir avec la géologie? Cette situation est maintenant celle qui commence à prévaloir à l’échelle du globe, et ce ne seront pas les feux de paille du gaz et de l’huile de « schiste » qui y changeront grand chose

  15. @BMD

    Le vrai problème est que le GIEC n’a tout simplement en aucune manière le *mandat* de produire ces évaluations.
    (sur les flux possibles d’hydrocarbures utilisés).

    Le mandat scientifique du GIEC est sur les conséquences d’hydrocarbures brulés sur le climat, pas sur l’évaluation scientifique des quantités et flux possibles.

    Donc le GIEC prend en entrée de ses scénarios ce qui est disponible « officiellement » ou « tendanciellement ».

    Si un organisme international a ce mandat sur les quantités et flux possibles, ce serait l’AIE, qui existe depuis suffisamment d’années pour que l’on puisse considérer la qualité de ses prédictions, voir par exemple :
    http://petrole.blog.lemonde.fr/files/2010/11/pronostics-aie-depuis-1994.1290520881.thumbnail.png

    Et ceci en rien pour minimiser les aspects climatiques, ni même que les ressources en terre sont théoriquement suffisantes pour faire dépasser les seuils critiques de CO2, mais oui il est clair qu’il serait temps qu’il y ait un scenario du GIEC basé sur un « possible géologique » en termes de flux.

    Sans compter que si il y a des « mesures » ou « solutions » possibles, ce sont les mêmes pour les deux aspects (réduction des émissions et « mitigation » des contraintes ressources disponibles).

  16. @yt75
    Ce n’est pourtant pas la voie suivie par le GIEC, qui utilise maintenant 4 scénarios dits « representative concentration pathways » (RCP) qui sont en fait un échantillonnage de ses scénarios SRES précédents. Ils ont l’intérêt de fournir des repères, mais n’ont aucune valeur prédictive quant aux concentrations de GES qui seront observées. Comme vous le dites très justement, il ne s’agit pas, en introduisant des modèles géologiques, de prétendre minimiser les problèmes climatiques mais de se rattacher à la réalité. Et il faut dépasser le cadre de AIE, dont on peut observer l’optimisme systématique des projections de production, démenti pourtant depuis des années par l’observation.
    Une autre observation, au sujet du DNTE maintenant! Comment se fait-il que nos possibilités futures d’approvisionnement en combustibles fossiles aient aussi peu de place dans ce débat? Par quelle aberration est-il ainsi réduit au problème de l’électricité?

  17. @BMD

    Mon point est juste de rappeler que si le GIEC est défini comme une « entitité d’experts scientifiques internationale », son champ d’expertise scientifique est la climatologie, c’est à dire l’étude du climat terrestre et de son évolution en fonction des perturbations amenées, et en particulier venant des activités humaines, et combustion d’hydrocarbures/émissions de co2 en encore plus particulier, mais pas de faire des synthèses scientifiques/géologiques sur les ressources disponibles, et encore moins des prévisions sur les flux d’extraction possibles.

    Donc il n’y a aucune raison d' »attendre » cela de la part du GIEC.

    Ce qu’il y a de « plus officiel » du côté ressources et flux possibles, c’est l’AIE, mais là les status n’ont jamais été ceux d’un « comité d’experts scientifiques », il s’agit plus du syndic des gros consommateurs de l’OCDE, mis en place suite au premier choc en particulier pour coordonner les stocks stratégiques :
    « The IEA was founded in response to the 1973/4 oil crisis in order to help countries co-ordinate a collective response to major disruptions in oil supply through the release of emergency oil stocks to the markets.  »
    (site de l’AIE page « about us/history »)

    Avec aussi une mission sur « to operate a permanent information system on the international oil market; » et donc des données associées, mais là de fait d’une part cela ne peut qu’avoir un côté politique (secret sur les réserves institué dans certain pays), et les méthodologies de prévisions ne sont jamais vraiment explicitées, quand ces prévisions ou évaluations ne sont pas aussi le résultat de pressions politiques directes, voir par exemple le dossier/enquête de Lionel Badal à ce sujet sur le rapport de 1998 en particulier :
    http://petrole.blog.lemonde.fr/how-the-global-oil-watchdog-failed-its-mission/

    Donc comme on dit il y a « un trou dans la raquette », en termes de source officielle d’évaluations « scientifique au mieux » sur les ressources et flux possibles. Et là dessus tout à fait d’accord avec vous sur le fait que ce qui se fait de mieux à ce sujet actuellement vient d’organismes comme l’ASPO et de personnes comme Jean Laherrère.

    Et que quoi que l’on puisse dire à ce sujet sur la modélisation « pic de Hubbert », la méthodologie est claire et définie, et a montré que cela fonctionnait pas mal du tout, en se rappelant quand même que cette méthodologie part en gros de l’hypothèse que « les ressources utiles sont extraites le plus vite possible », et que ça n’est pas forcément les personnes utilisant cette méthodologie qui serait contre le fait que l’on soit capable de décider de contredire cette hypothèse…

    (Mais de toute évidence ça n’est pas ce qui se passe actuellement, avec par exemple des discussions sur baisser les royalties d’extraction en Alaska ou mer du Nord)

  18. j’attends avec grand interêt (et le plus grand sérieux) ces éléments alain. mais mettons les pieds dans le plat : la thèse « peakiste » a du plomb dans l’aile cela ne veut pas dire qu’il faut acheter le discours « energy is booming » et que par ailleurs l’enjeu climat reste plein et entier. mais, read my lips, les peakistes (janco, alain, mettons moi avec) se sont trompés : un simple exemple sur la cota gaz nat http://www.zonebourse.com/NYMEX-HENRY-HUB-GAS-2356084/analyse_technique-plein/.
    on peut rester dans le déni , les commentaires du post sont éloquents, mais ca n’empeche pas qu’on se soit vautré
    amts
    FC

  19. Ce qu’on peut dire, en tout cas, c’est que cette propagande délirante (et irresponsable) fonctionne, par exemple :
    http://www.elwatan.com/economie/l-algerie-va-droit-au-mur-15-05-2013-213785_111.php?reagir=true

  20. @Carlier, prétendre que les thèses pikistes se sont effondrées et prendre pour cela un cours de bourse à témoin me paraît aller bien vite en besogne. On peut dire que de nouvelles possibilités gazières et pétrolières sont apparues aux Etats-Unis grâce à la fracturation hydraulique, et cela dans des provinces gazières et pétrolières connues de très longue date, où le pétrole et le gaz conventionnel était en voie d’épuisement. Mais ne s’agit-il pas là d’un feu de paille? On peut le penser à la lecture de l’analyse du géologue canadien David Hugues ( disponible sur internet http://peakoil.com/geology/post-carbon-david-hughes-new-shale-gas-report-drill-baby-drill) dont je vous conseille la lecture.
    La situation actuelle est la suivante: le pic du pétrole conventionnel ( accessible par forage conventionnel) a été atteint en 2006, conformément aux prédictions de l’ASPO qui le voyait avant 2008 ( Campbell et Laherrère, Scientific American 1998). Le déclin de ce pétrole conventionnel est de plus en plus rapide ( cf par exemple Mer du Nord), il est encore à peu près équilibré par la montée du pétrole non-conventionnel ( extralourds, liquides de gaz naturel, huile de schiste), auxquels s’ajoutent les carburants synthétiques ( biocarburants, CTL, GTL) au niveau de la consommation finale. Il paraît douteux que le développement du non-conventionnel permette longtemps encore de garder cet équilibre !

  21. a BMD
    mon lien dirige vers la cotation du gaz naturel et cet exemple (le gaz nat ne vaut plus tres cher…sauf ds les contrats signés par GDF:)) éclaire qd même sur l’état de tension du marché. Après je ne vise pas à une démonstration pleine dans un post !
    Question : Les pikistes ont il vu une telle émergence du non conventionnel ? Je n’en ai pas souvenir qd je suivais ces sujets en 2005 – 2008 (sans aucune relation d’interêt je vous assure). Et on s’accorde tt de m^me a dire que le peak a été significativement repoussé. Après il finira bien par venir mais ces dernières années montrent juste qu’il faut eviter d’assener des « prévisions certaines » (un péché mignon des alertistes en nrj), ce qui n’empeche d’ailleurs pas de devoir reduire la conso d’nrj
    Fc

  22. Un post de Tad Padzek à propos de l’exportation possible du gaz US :
    http://patzek-lifeitself.blogspot.fr/2013/05/energy-exports-may-not-be-good.html
    Quant au pic, pour le pétrole on y est, il suffit de regarder les courbes de « production »/consommation

  23. @Carlier, les pikistes ont certes sous-estimé l’émergence du gaz et de l’huile de schistes aux Etats-Unis, mais pas celle des pétroles extralourds. Mais la véritable question est: huile et gaz de schistes représenteront-ils une part vraiment importante de l’approvisionnement mondial dans les années à venir? S’agit-il un phénomène majeur, ou cela ne sera-t-il qu’un feu de paille? Les analyses faites sur les Etats-Unis ( exemple le rapport de David Hugues, « drill, baby, drill ») semble montrer que ces productions y entameront leur déclin vers 2020. Curieusement, c’est à cette date que s’arrêtent les projections montrées par les économistes.
    Et selon l’ASPO, la face du monde ne va guère être changée!
    Le serait-elle si les Etats-Unis entreprenaient de consommer moins de pétrole? Pas sûr, le relais est en train d’être pris par la Chine où le nombre de véhicules augmente exponentiellement, et par les pays producteurs en développement, dont les exportations vont diminuer. La France qui ne peut compter que sur les disponibilités sur le marché international, ferait bien de se réveiller!

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