Livre – La monnaie écologique par Nicolas Dufrêne et Alain Grandjean

« La monnaie n’est pas magique ». Je me souviendrai toujours de ce propos énoncé de manière un brin sentencieuse et ironique par un de nos interlocuteurs à la Direction Générale du Trésor au moment de la mission Canfin-Grandjean[1]. Je voulais proposer le recours aux DTS pour financer, au niveau mondial, les dépenses nécessaires pour lutter contre le changement climatique.  Il voulait dire par là que la monnaie n’a pas le pouvoir de « changer le monde » et que j’étais un peu naïf de le croire. Il reprenait ainsi une idée bien ancrée idéologiquement, répétée régulièrement. Le jeudi 5 avril 2018, par exemple, Emmanuel Macron, engagé dans une discussion animée avec une aide-soignante du CHU de Rouen qui lui réclamait des moyens budgétaires supplémentaires, lui répondit : « il n’y a pas d’argent magique ». Theresa May en 2017 exprimait la même idée ainsi : « There is no magic money tree »[2].

Cette réponse, revenant comme une antienne dans la bouche de nombreux responsables, permet d’ancrer l’idée d’un Etat impuissant car ruiné.

Nicolas Dufrêne et moi pensons, bien au contraire, que la monnaie est magique. Alors qu’elle se crée désormais par de simples jeux d’écritures comptables, elle a de puissants effets sur la réalité économique. La monnaie est ainsi l’une des causes, du fait même des mécanismes de sa création[3], de la dynamique d’endettement des agents publics et privés dont l’excès peut être source de récession. L’histoire nous enseigne aussi que les mécanismes monétaires peuvent être utilisés de manière ciblée et efficace pour répondre aux grands défis du moment. Citons l’invention pas Hjalmar Schacht[4] d’une « monnaie complémentaire » (le Méfo)  qui a permis la reconstruction économique de l’Allemagne dans les années 1930. Citons le New Deal américain, la reconstruction de la France après 1945, basée sur le « circuit du Trésor », la politique monétaire expansionniste en Chine …

Au moment où le financement des investissements de la transition écologique est le « nerf de la guerre », au moment où la Commission européenne lance un Green deal, comprendre les mécanismes monétaires pour mieux les utiliser est donc essentiel.

La question monétaire est évidemment complémentaire de celles relatives à la gestion budgétaire que nous avons abordées dans le livre « Agir sans attendre ». Il nous faut une nouvelle vision et de nouvelles règles en la matière, notamment au sein de l’Union européenne. 2020 sera en la matière une année majeure : celle de la révision des règles actuelles dont nous avons vu leur inadéquation.

Mais ne pourrait-on pas retrouver des marges de manœuvre supplémentaires, si la monnaie retrouvait sa vocation de commun, et était gérée comme tel et non selon des dogmes manifestement dépassés ? Et d’autres encore plus significatives si nous pouvions en créer une partie qui soit « libre » dans sa création de tout endettement ?

Telle est l’ambition de notre livre La monnaie écologique.

Références du livre : La monnaie écologique – Nicolas Dufrêne, Alain Grandjean, Editions Odile Jacob, 288pages, 22,90€ Commandez le livre sur le site de l’éditeur.

Alain Grandjean

 

Notes

[1] Voir le rapport Mobiliser les financements pour le climatune feuille de route pour financer une économie décarbonée rmis par la Commissin Canfin-Grandjean au président de la République (juin 2015) et le livre Financer la transition énergétique, qui en est dérivé. Alain Grandjean et Mireille Martini. Les Editions de l’Atelier. 2016.
[2] il n’y a pas d’arbre à monnaie magique
[3] Voir Gabriel Galand et Alain Grandjean. La Monnaie dévoilée. L’harmattan.1996
[4] Qui avait sorti l ‘Allemagne de la crise de Weimar…Voir Hjalmar Schacht,le banquier du diable de Jean-François Bouchard chez Max Milo, 2015.

6 réponses à “Livre – La monnaie écologique par Nicolas Dufrêne et Alain Grandjean”

  1. […] de nos interlocuteurs à la Direction Générale du Trésor au moment de la mission Canfin-Grandjean[1]. Je voulais proposer le recours aux DTS pour financer, au niveau mondial, les dépenses […]

  2. Avatar de Mévellec
    Mévellec

    Bonjour
    Ce livre qui vient après « le banquier du diable » de JF Bouchard, devrait faire phosphorer nos élites et décideurs politiques et économiques. le fera t-il ou tombera t’il à nouveau dans le trou noir de l’oubli? Espérons lui un destin positif : il apporte des options concrètes et applicables sans délais pour certaines ou après une transformation possible du contexte européen avec une nouvelle commission et un nouveau parlement. Bravo et merci à Alain G. et N. Dufrêne de l’avoir écrit !
    On ne peut plus dire que nous n’avons pas l’argent pour agir ou pas le soutien du peuple et de l’opinion qui en est l’expression médiatique ou sondagière. Les gens veulent que les politiques agissent et vite cela apparait partout et de façon massive partout dans le monde. Les pauvres pâtissent déjà du réchauffement climatique, ils crient leur détresse …et nos sociétés avancées souffrent de trop plein de ressources gaspillées pour économiser cet argent dont la « magie » continue d’être niée et que nous utilisons si mal. N’ayons pas peur et agissons puissamment avec les outils budgétaire et monétaire associés.

  3. […] Voir Alain Grandjean et Nicolas Dufrene, Une monnaie écologique, Odile Jacob, […]

  4. Avatar de VincentL
    VincentL

    Bonjour,

    Si l’on considère que la monnaie et sa création ex nihilo sont une des causes principales de la croissance sans fin de nos sociétés, ne serait-ce pas une erreur que de continuer plus profondément sur cette voie ?

    D’ailleurs, que pensez-vous de la monnaie fondante (monnaie libre en version originale) théorisée par Silvio Gesell dans les années 1920-30 ? Celle-ci simule l’entropie physique et la dégradation que tout système subit dans notre Univers, sauf la monnaie actuelle qui en est exempte.

  5. Avatar de CEREZA André
    CEREZA André

    Bonjour,
    J’étais partie avec enthousiasme dans la lecture de votre livre :

    «  »Une monnaie Écologique (2020) : comprendre les mécanismes monétaires pour mieux les utiliser afin de mettre en œuvre véritablement la transition écologique. (auteurs : Alain Grandjean et Nicolas Dufrêne, Editions Odile Jacob, 288 pages). » »

    préface de Nicolas Hulot … mazette !

    Mais je me suis bien vite perdu dans vos longs chemins. Je vous propose de voir la page 30 par exemple, la deuxième partie de la page, et la suite , le haut de la page 31. Vous voyez ?
    Oui, que voyez vous ?
    Si vous le voyez, je sais bien que la critique est aisé mais l’art est difficile.
    Bien cordialement

  6. Avatar de Marc Girod
    Marc Girod

    Je n’en suis qu’à la moitié (dans le chapitre 5), et je suis enthousiaste.
    Vous avez une typo gênante p 22, avec l’attribution à Platon de l’Éthique à Nicomaque (si non corrigée dans une édition plus récente).
    Par ailleurs, vos chiffres d’intensité énergétique, p 122, sont en contradiction avec ceux de Jean-Marc Jancovici — https://jancovici.com/publications-et-co/articles-de-presse/moins-de-degres-et-plus-dargent/

    Ceci n’altère pas mon adhésion à vos propositions. Même si je suis donc convaincu qu’on ne pourra pas éviter la décroissance.
    Merci.