La montée en puissance des ENR électriques ne nous mettra pas sur la paille !

28 janvier 2020 - Posté par Alain Grandjean - ( 8 ) Commentaires

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Le gouvernement a demandé en septembre 2019 au PDG d’EDF de lancer une étude visant à évaluer la capacité de la filière nucléaire à construire 6 EPR en France tout en précisant qu’aucune décision n’était prise. La ministre de l’énergie Elisabeth Borne a indiqué le 8 janvier 2020 que la décision de construire ou non de nouveaux réacteurs nucléaires EPR en France ne sera pas prise avant fin 2022. Néanmoins le débat est réouvert : est-il opportun de se lancer dans cette aventure, même s’il est clair que le nucléaire est bas-carbone ce dont nous ne discuterons pas ici ? N’est-il pas préférable d’attendre de disposer soit d’un nucléaire compétitif et sûr soit de certitudes raisonnables sur le coût du stockage de l’électricité ? Et, en attendant, de remplacer par des énergies renouvelables électrique (ENRé), les réacteurs déclassés en fonction des décisions de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN)? L’argument devenu principal contre cette option, c’est que les ENRé (non pilotables, à l’exception de l’hydroélectricité, dont le potentiel de croissance en France est faible, et du biogaz, dont la disponibilité est limitée mais qui peut être utilisé dans des centrales à gaz) coûteraient une fortune. On doit en effet intégrer dans l’addition ce dont elles ont besoin pour fournir un service équivalent au nucléaire (partiellement pilotable), à savoir un réseau électrique plus développé, des moyens de stockage complémentaires et des moyens visant à stabiliser la fréquence.
Dans un article de la lettre d’Enerpresse Le Quotidien de l’Energie (n°12498 – 27/01/20), nous apportons avec Philippe Quirion (Directeur de recherche au CNRS, CIRED) et Behrang Shirizadeh, (Doctorant au CIRED) des réponses à ces questions. Après avoir rappelé quelques ordres de grandeur relatifs au coût de production de l’électricité, nous évoquerons ceux des réseaux, du stockage et de la stabilité de la fréquence. Nous constaterons qu’à ce stade il est urgent d’attendre : ce qui est aventureux et anti-économique c’est de lancer un programme de construction de nouvelles centrales nucléaires ; c’est lui qui nous mettrait sur la paille. Nous conclurons que l’examen rationnel des faits conclut à ne pas lancer les EPR. Du fait de l’importance de la production de l’énergie et notamment de l’électricité dans notre économie, notre avenir est en jeu : ne le jouons pas sur des arguments émotionnels.

Télécharger le PDF de l’article « La montée en puissance des énergies renouvelables électriques ne nous mettra pas sur la paille, bien au contraire« 

Les réponses aux commentaires et questions suscitées par cet article et par le précédant sur le nucléaire (que ce soit ici ou sur les réseaux sociaux) feront l’objet d’un nouveau billet de blog sous forme de questions réponses.

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8 Responses to “La montée en puissance des ENR électriques ne nous mettra pas sur la paille !”

    • Bonjour,

      L’usage du stockage est certainement une très grande incertitude. On ne sait pas encore stocker de façon durable (en excluant donc des batteries aux cycles de renouvellements courts). Les modèles financiers avec des retours sur investissement importants découragent les projet avec forts investissements qui pourraient concurrencer les batteries. Nous ne sommes donc pas encore prêts de voir des filières se développer.

      Le stockage générera vraisemblablement lui aussi (comme éolien et PV), une très forte demande en matières premières sur la planète, qui viendront s’ajouter au bilan des EnR (éolien et PV).

      Le stockage appelle par ailleurs une forte surcapacité de production des EnR (Eolien et PV) pour permettre de franchir les caps sans vent et soleil. Donc une installation « improductive » d’EnR.

      Le bilan environnemental serait donc largement en défaveur des EnR, et l’arrivée (peut-être un jour) de réelles taxes sur les impacts environnementaux (CO2 par exemple) pourrait remettre en cause le modèle financier actuel.

      L’incertitude qui pèse sur les coûts du nucléaire pèse donc aussi sur un développement « raisonné » des EnR, qui – rappelons-le – ont aujourd’hui des durées de vie faibles (20 ans) à l’échelle d’une économie durable et circulaire, telle que nous devrions d’ores et déjà l’envisager…

      Les éoliennes que nous installons aujourd’hui alourdissent le bilan carbone français, et ne seront vraisemblablement plus en service le jour où on pourrait imaginer les utiliser en substitution des centrales nucléaires, si toutefois il est décidé de ne pas les remplacer. Quel en est donc l’intérêt stratégique ?

      Il ne faut pas laisser croire que les EnR (éolien et PV) sont une solution alternative miracle pour un mix français sans nucléaire … C’est très loin d’en être
      le cas.

      La stratégie la plus sage ne serait-elle donc pas de maintenir la capacité de production du parc nucléaire existant (dans les conditions de sécurité nécessaires) en attendant qu’il y ait de réelles alternatives ?

      Bien à vous,

  1.   Bertrand Cassoret   29 janvier 2020 à 10 h 12 min

    Bonjour Alain
    Vous considérez que les moyens non pilotables (éolien, solaire) permettent de fermer des centrales pilotables. Ce n’est pas ce qu’on observe actuellement. Dans un autre article récent, vous considériez que l’on peut compter en permanence sur 10% de la puissance éolienne terrestre installée et 30% de la puissance en mer. Ce n’est pas ce qu’on observe actuellement : la puissance en mer comme sur terre descend parfois à moins de 1% de la puissance installée (sur terre il suffit de regarder RTE ecomix et en mer le parc allemand sur energycharts.de .
    Je vois mal comment des installations qui viennent en plus de, et non à la place de, ne représenteraient pas un surcout. D’ailleurs on voit bien dans le scénario Ampère de RTE que pour fermer 14GW de nucléaire, il faut installer 80GW supplémentaires. De plus les scénarios de RTE comme Ampère tablent sur une stagnation de la consommation obtenue grâce à la rénovation de 700 000 logements par an (ça serait bien ! ) et sur des reports de consommation. On voit bien que l’objectif 50% de nucléaire est atteint dans la production et non dans la consommation en supposant que l’on va pouvoir exporter les surplus éoliens. Enfin RTE annonce clairement que le risque de coupure augmente beaucoup.
    Concernant la stabilité du réseau avec des machines sans inertie, personne ne peut précisément donner la part acceptable, mais je doute que l’exemple australien permette à lui seul de considérer que ces problèmes n’en sont pas. Vous allez un peu vite.
    Bref, il s’agit pour moi de problèmes physiques et technologiques et pas seulement financiers. La comparaison du cout LCOE entre technologies pilotables et non pilotables reste inadéquate.
    Cordialement

  2.   Bertrand Cassoret   29 janvier 2020 à 10 h 27 min

    (Re) bonjour
    Un point fondamental de votre argumentation est que vous considérez qu’on peut stocker sous forme de batteries, STEP et méthanation. J’ai du mal à imaginer que l’on puisse correctement connaitre les couts de ces technologies peu développées, mais au delà des couts c’est la physique qui m’inquiète : où mettre de nouvelles STEP? Combien de tonnes de batteries? Qui les fabriquera? Ou les placer? Combien de centres de méthanation? La taille des usines? Leurs dangers? Ou stocker le gaz? A-t-on la main d’œuvre qualifiée pour construire et gérer ces systèmes? Quel retour d’expérience?
    Etienne Beeker, conseiller scientifique en charge des questions énergétiques chez France Stratégie, écrivait en 2014 que « la méthanation n’a aucun avenir à un horizon prévisible », et à propos de la production d’électricité à partir d’hydrogène que « ses très faibles rendements et son coût ne lui permettent pas de concurrencer avant longtemps les stations hydrauliques de pompage et les batteries électrochimiques »
    cordialement

  3.   Christophe Delaurens   29 janvier 2020 à 22 h 22 min

    Bonjour
    Je ne comprends toujours pas comment on peut arriver à trouver un intérêt a chercher a démontrer qu’il existe une situation meilleure que celle que nous connaissons actuellement en se passant de nucléaire. Si cela était le cas, les allemands ne construiraient pas des centrales au gaz, au charbon et des gazoducs comme actuellement. Cette façon de jouer notre avenir aux dés alors que nous avons déjà une solution sure tourne à l’obsession.
    Chaque fois que je lis un scénario de l’ademe, de rte ou de la crée on a l’impression que tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes: lorsque le vent ne soufflera pas en France, il soufflera en Allemagne. On pourra piloter toutes les machines électriques. Quand on voit les politiques actuelles de suppression des capacités de production pilotable partout en Europe, au prétexte que l’on pourra s’approvisionner ailleurs, on est certain d’aller au désastre et au black-out et cela bien avant d’avoir 50% de renouvelable.
    Je propose qu’on engage la mise la construction d’epr A titre préventif et qu’on attendent de voir comment les allemands vont vraiment supprimer leur nucléaire en 2022 et l’impact sur le réseau électrique européen. A ce moment, on aura une bonne idée de l’impact de ces calculs sur le papier qui croient que les prix des Enr vont baisser, que le gaz continuera de couler librement.

  4. Bataille d’experts?
    L’humble citoyen que je suis essaie de se faire une idée. Il n’arrive toujours pas à comprendre d’où sortent ces 50% (pourquoi pas 40 ou 60?) , et encore moins comment même l’équivalent en EnRi (sans même parler de 75, encore moins de 100), avec le pilotable (décarboné? comment?) en secours, et sans aides massives (« concurrence non faussée »?!) payées par le contribuable, le tout en guère plus de temps qu’il n’en faut pour construire un EPR à Flamanville (les Chinois l’ont fait en deux fois moins) coûterait moins cher que du nucléaire -décarboné et pilotable- neuf et « plus sûr ». Mais je peux bien sûr me tromper. Ce qui me gêne énormément dans les scénarios negaWatt mais aussi Ademe c’est qu’ils émanent de militants ouvertement anti-nucléaires « par principe » comme ose me dire l’un de ses partisans. J’observe aussi que l’argument avancé par Mme Borne pour ces fameux 50% est: « après Fukushima, on ne peut plus rester à 75%). Ça c’est scientifique!
    https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/pour-une-juste-estimation-du-cout-du-tout-renouvelable-813679.html

  5.   EL HAYANI Youssef   24 mai 2020 à 10 h 04 min

    Bonjour,

    merci pour cet article très intéressant qui s’efforce de n’être ni « trop pro ENR », ni « trop pro nucléaire », et qui est très sourcé.

    Petite question, auriez-vous la source de l’étude irlandaise dont vous parlez « Une étude irlandaise montre que dans une hypothèse 100 % ENRé le surcoût lié à ce renforcement serait de 1 € le MWh (dans un pays très peu interconnecté). »

    D’autre part, vous affirmez en note « Pour les énergies renouvelables variables ces coûts intègrent le raccordement au réseau et 21,59 €/kW de quote-part pour le renforcement de ce dernier conformément aux Schémas Régionaux de Raccordement au Réseau des Énergies Renouvelables. » En effet, ces coûts variable sont déjà inclus (et merci de le rappeler!), mais selon les régions (notamment les Hauts-de-France), ils peuvent monter à 83k€/kW. Cela ne change pas l’ordre de grandeur, ni vos conclusions!

    Bonne continuation à vous,

    Youssef EL HAYANI

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