La guerre en Ukraine nous rappelle que notre dépendance aux énergies fossiles, principale source du changement climatique, est en outre une grave faiblesse géopolitique et stratégique. Il faut tout faire pour en sortir vite, à commencer par la réduction de notre consommation d’énergie mais le recours aux sources décarbonées, dont le solaire, est incontournable. Dans les quinze prochaines années, en France, les seules technologies capables de produire de manière opérationnelle de l’électricité bas-carbone sont les énergies renouvelables.
Le mouvement est mondial. L’énergie solaire croit de manière rapide dans le monde (de l’ordre de 20 % par an). À ce jour, la puissance installée en solaire PV est de l’ordre de 1 TW. Si elle ne représente toujours qu’une part modeste du bouquet électrique mondial (1 021 TWh en 2021, soit 3,7 % des 27 600 TWh consommés au niveau mondial), son potentiel pour décarboner notre énergie est très significatif. Dans son dernier rapport, le GIEC confirme que l’éolien et le solaire sont les 2 technologies qui présentent le potentiel le plus élevé pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à coût modéré dans le monde à l’horizon 2030.
Ce sont de l’ordre de 3 TW qui pourraient être installés dans les années 2030 (ce qui, même avec un facteur de charge de 15 % représente de l’ordre de 14 % de la consommation mondiale d’électricité en 2021.
Pour autant certaines prises de position critiquant les énergies renouvelables pourraient nuire à l’ambition que la France pourrait se donner et ralentir le rythme des installations qu’il faut au contraire accélérer. Il serait absurde que le potentiel de l’énergie solaire ne soit pas exploité aussi rapidement que possible dans tous les pays et en France en particulier, et ce pour des raisons injustifiées au plan scientifique et économique. En particulier toute idée de moratoire est à la fois dangereuse au plan géopolitique et absurde au plan climatique. Elle pourrait en outre donner des justifications globales à des oppositions locales, telles qu’on en connait pour l’éolien, qui sont souvent l’expression de contestations motivées en fait par des d’intérêts particuliers ou à l’inverse très politicienne.
Nous devons au contraire accroître le rythme d’installation, qui a été de 2,7 GW en 2021 et qui devrait doubler rapidement. Le parc solaire à fin 2021 est en effet de 13,5 GW.
La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoyait que 20 GW soient installés en 2023 et entre 35 et 44 GW le soient en 2028. Nous avons donc pris du retard par rapport à nos propres objectifs. La cible à 2050 se situe entre 100 GW (le minimum qu’a retenu le candidat Emmanuel Macron dans son discours de Belfort) et 200 GW, puissances envisagées dans les scénarios prospectifs sur la table actuellement. Mais c’est dans les 10 à 15 ans qui viennent qu’il faut mettre le coup de collier.
La France, pays de Descartes, se doit d’en finir avec des idées reçues qui ne résistent pas à l’analyse. C’est le but de la note que nous avons écrite avec Damien Salel et qui est paru dans Enerpresse – le quotidien de l’énergie (N°13058 – 21 avril 2022). Nous n’allons pas ici viser l’exhaustivité mais nous limiter aux arguments les plus rabâchés et qui créent du doute dans les esprits a priori ouverts. Nous renvoyons au site Solaire PV pour une analyse plus complète et à un guide préparé par des chercheurs et des chercheuses du CNRS et de la Fédération de recherche du Photovoltaïque.
Voici la liste des Idées reçues sur l’énergie solaire dont vous pouvez lire le détail dans la note (à télécharger ici)
1. L’intermittence de l’énergie solaire poserait des problèmes insurmontables au réseau électrique sauf à recourir à plus de gaz fossile. En particulier l’absence de production d’énergie solaire la nuit serait rédhibitoire.
2. L’énergie solaire ne serait pas compétitive dès lors qu’on prend en compte « son vrai coût » qui doit intégrer le coût des réseaux à construire ou renforcer et le coût à engager pour gérer son intermittence.
3. Le retour énergétique du solaire photovoltaïque serait négatif et son bilan carbone serait élevé, à cause des panneaux faits en Chine.
4. L’énergie solaire ne se justifierait pas en France car l’énergie nucléaire est une solution moins carbonée et moins coûteuse. Elle n’éviterait pas de CO2.
5. L’énergie solaire utiliserait des matériaux rares qui pourraient manquer dans les prochaines décennies.
6. Le solaire ne serait pas recyclable
7. Le solaire serait responsable de l’artificialisation des sols
Téléchargez la note parue dans Enerpresse – le quotidien de l’énergie (N°13058 – 21 avril 2022).
Alain Grandjean
6 réponses à “Énergie solaire : pour en finir avec les idées reçues”
Cher Alain,
Efficacité énergétique, sobriété, renouvelables, nucléaire : si l’on coupe l’un de ces leviers, nos chances d’atteindre la neutralité carbone tombent à zéro. Au moment où la captation d’un sentiment anti-ENR anime quelques politiciens, tu as bien raison de rappeler le bonnes propriétés du solaire photovoltaïque.
L’argument de l’intermittence qui anéantirait la valeur du service rendu ne tient pas. La part de PV dans le mix français ne nous mettra pas dans cette situation, donc on peut et on doit accélérer le rythme sans états d’âme économiques. Au surplus, la question du lissage jour / nuit se règle assez facilement grâce aux batteries qu’on pourra installer, avec des coûts modérés, le moment venu (dans dix ans, pas dans deux ans …) et au pilotage de la demande – je pense notamment à la recharge des véhicules électriques.
Ajoutons ensuite l’argument de l’acceptabilité et de la facilité d’installation sur les structures bâties ; le coût de revient est plus élevé que sur de grandes surfaces prélevées sur la nature, mais l’enjeu de contenir l’artificialisation des sols doit peser dans notre planification. Remplacer de la forêt ou des terres agricoles par des champs de PV maximise sans doute la rentabilité privée, mais un bilan socio-économique doit prévaloir dans de tels cas.
Enfin, sans contredire tes arguments sur le bilan ACV des panneaux, il y sûrement matière à préférer ceux dont le silicium a été purifié avec une électricité pas trop carbonée …
Merci pour cet article !
@jeannou durtol; merci pour tes commentaires! et concernant la remarque sur l’ACV nous sommes bien d’accord; c’est pour cela que je milite en conclusion pour une relocalisation des puces et des panneaux. Ayant suivi d’assez près l’aventure des batteries (avec le projet Verkor) je crois qu’on peut et qu’on doit s’y lancer.Le solaire sera alors imbattable! Et j’ose croire qu’il y a des projets en cours?
N’exagérons pas l’impact artificialisation de 100 GW de solaire au sol. Avec 2 hectares pour 1 MW c’est 200 000 hectares qu’il nous faudrait, soit sensiblement 4 ans de déprise agricole au rythme actuel de déprise agricole.
Pour un investissement 3 fois moindre qu’en toiture, on échappera pas aux champs solaires.
bonjour KDD
la note que nous avons rédigée avec damien Salel dans Enerpresse est assez équilibrée je crois sur ce sujet; les parcs au sol (dans des zones qui ne sont pas des « délaissés’ ) font l’objet de polémiques et de tensions sur le terrain mais je crois qu’on en fera . il me semble utile d’accélérer fortement le PV sur toiture, non?
AG
Bonjour,
Dans la note Enerpresse, le potentiel d’énergie photovoltaïque sur les toits de France métropolitaine de 125 TWH est très pessimiste.
Selon l’ADEME, le potentiel d’énergie photovoltaïque en France sur les toits est de 398 TWh.
https://www.ademe.fr/mix-electrique-100-renouvelable-analyses-optimisations
Il faut absolument lancer un cadastre solaire national des toits et je suis certain qu’on trouvera un potentiel encore plus important.
Il faut lancer un grand plan d’équipement de tous les toits de France, l’avantage est la non-artificialisation supplémentaire des sols ; cela va de pair avec la création d’une filière industrielles nationale de grande envergure et aussi avec les tuiles solaires pour les bâtiments classés.
Il s’agit d’une massification ; l’équipement photovoltaïque des toits de toutes les villes et zones urbaines forment plusieurs centrales solaires sans artificialisation supplémentaire des sols ; l’équipement est pris en charge par des entreprises en exploitant les toitures de la totalité des bâtiments de zones urbaines et villes entières.
Bonjour,
La neutralité carbone n’a strictement aucun intérêt pour le climat, TOUTE la régulation thermique de l’atmosphère se fait grâce à l’eau : le dérèglement climatique est réel, même très grave, mais les inondations, les sécheresses et les canicules sont les symptômes d’une désertification des continents = disparition de la couverture végétale = déforestation ! https://www.instagram.com/p/Cd5CtZjocW9/